Dans un précédent article, Guineenews expliquait l’impact négatif de l’abandon de plusieurs villes et villages de la Moyenne Guinée par des jeunes ayant opté pour l’aventure vers des pays africains. Cette fois-ci, notre rédaction régionale basée à Labé aborde en cette deuxième et dernière partie un tout autre angle c’est à dire l’apport non négligeable de ces migrants dans le développement de leurs localités respectives.
Des affaires sociales à l’implantation des infrastructures de base en passant par le soutien financier des familles laissées derrière, ces aventuriers si on peut se permettre de les appeler ainsi s’impliquent dans toutes les résolutions au sein des communautés. Réunis le plus souvent dans des organisations et associations de développement, la plupart d’entre eux ne rate jamais une occasion de venir au secours des gens laissés en place.
« En termes d’impact, c’est tellement visible et palpable qu’aujourd’hui si vous commencez par les logements, toutes les maisons pratiquement pour ne pas dire la totalité sont financées par l’argent venu des pays voisins notamment la Côte d’ivoire, le Sénégal, l’Angola, la Guinée-Bissau voir l’Afrique du Sud. La plupart des jeunes qui sortent, la première ambition, c’est comment construire au village pour les parents qu’ils ont laissés. Ainsi, vous avez beaucoup de maisons qui sont quasi inoccupées dans ces villages », entame Mamadou Diouldé Diallo, natif de la sous-préfecture de Dionfo, à l’est de la ville de Labé.
Plus loin, à Ditinn dans la préfecture de Dalab -qui relève de la région administrative de Mamou- les ressortissants semblent avoir beaucoup investis dans l’adduction en eau potable selon El hadj Sadio Condé, le maire de cette commune rurale.
« J’avoue que nos ressortissants s’impliquent activement dans la résolution du problème d’eau qui est un problème entier chez nous à Ditinn. Par exemple, dans le district de Diambouriya ils ont installé 7 forages dans les 7 secteurs qui composent le district. Des forages avec pompes à l’appui. Depuis, l’eau coule à flot dans ce district.
Par ailleurs, la même chose a été réalisée par les ressortissants au centre de la commune rurale de Ditinn », explque-t-il.
Des investissements similaires auraient également été opérés dans la commune rurale de Kalan à l’actif du secteur éducatif. « Les ressortissants nous accompagnent beaucoup de ce côté. Ils sont mobilisés autour d’une organisation appelée Kalan émergeant. Ils construisent, équipent et accompagnent nos écoles dans le fonctionnement. Et tout autre problème que nous leur soumettons est vite traité. Donc, on est vraiment fiers d’eux », reconnaît El Hadj Abdoulaye Baldé, le maire de la commune rurale de Kalan dans la préfecture de Labé.
En dehors des associations créées partout dans l’unique objectif de développer les localités, des jeunes qui semblent avoir décroché le jackpot dans des pays de la sous-région se font remarquer dans plusieurs villages. « Chez nous à Horé Fello, les ressortissants sont nos principaux bailleurs. Le fils de El Hadj Amadou à lui seul a rénové la mosquée en un bâtiment R+1 (rez-de-chaussée plus un étage) ; et lui c’est un jeune qui fait du commerce à Abidjan ici. Il n’a jamais été en Europe mais il réalise ici plus que n’importe qui car il est également l’un des plus grands bailleurs de la construction de l’école primaire », soutient Thierno Alpha Sall, sage de ladite localité.
Pour l’alimentation, Mamadou Diouldé Diallo affirme que 90% des dépenses quotidiennes des familles de Dionfo et environs sont financées par ces ressortissants : « aujourd’hui beaucoup de parents surtout vers chez nous à Dionfo ici parce que l’agriculture et l’élevage ne se développent pas bien ici ; aujourd’hui comme ils le disent si vous n’avez pas de connexion, entendez par là ‘’code’’, c’est-à-dire le mot de passe pour retirer l’argent ; que si vous n’avez pas cela vous ne pourrez manger. Donc pour ce qui est de la nourriture, je peux dire que 90% des cuisines fonctionnent grâce à ces codes venus de la sous-région”.
Une position confirmée par Mamadou Bah, gérant d’une agence de transfert d’argent de la place : « notre agence ne s’occupe que du transfert d’argent en provenance du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée Bissau, de la Côte d’ivoire, de la Sierra-Leone et du Liberia. Mais laissez-moi vous dire qu’on est tout le temps en manque de liquidités car la balance n’est pas équilibrée. On n’enregistre que des retraits ici à Labé et il n’y a pratiquement pas de dépôts. Ce sont les jeunes en aventure qui déposent des montants qu’on transmet à leur famille. Voilà pourquoi, nous rencontrons d’énormes difficultés. »
« À Ndantari Missidé ici, la population est nettement en avance par rapport à l’Etat car tout ce qu’on a comme infrastructure ici a été réalisé par les ressortissants en général et plus particulièrement par les jeunes qui se débrouillent dans des pays de la sous-région. Ils ont fait le poste de santé, ils ont fait l’école primaire, ils ont fait le marché. Ils créent même des routes qui n’ont jamais existé entre certains villages sans compter l’adduction d’eau et le reste des activités. Ils sont tous pour nous ici », déclare Thierno Billo Barry, un sexagénaire bien respecté dans ce village.
Ces arguments, face à l’abandon des villes et villages du Foutah Djallon par la grande partie de ses bras valides qui se déplacent en masse vers les pays voisins, il est facile de conclure que la migration inter-africaine est un couteau à double tranchant. Partir c’est bon, mais revenir réaliser chez soi est encore meilleur comme le dit un adage de la localité.