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Vie des personnes handicapées: une triste réalité… (Dossier)

Les personnes en situation de handicap en Guinée sont de 155 885 soit 1,5% de l’effectif total de la population, selon le dernier recensement général de la population et de l’habitation. Malheureusement cette frange importante de la population guinéenne est marginalisée, stigmatisée et ignorée : ayant des difficultés d’accès dans maints domaines, tels que le travail, des immeubles… 

Ces personnes souffrant de handicap présentent une image misérable, vivent dans un environnement qui détermine l’image qu’elles se font d’elles mêmes et les rapports qu’elles entretiennent avec leurs milieux. Les relations sont souvent tendues avec les autres. Elles n’arrivent pas à s’affranchir de la dépendance improductive. Des handicapés peuvent rouler par terre entre les véhicules, sur la chaussée, dorment à même le sol sous les ponts avec des enfants… Mais cela n’émeut guerre personne. Pourquoi sommes-nous insensibles à nos frères vivant avec handicap ?

Les handicapés réduits à la mendicité

En réalité, les personnes en situation de handicap ne bénéficient d’aucune solidarité et d’attention. Elles vivent de la charité, de gestes de compassion qui les maintiennent dans l’indigence et d’être les éternelles assistées. On ne pense à elles quand il s’agit de faire l’aumône. On les voit les vendredis assiéger les environs des Mosquées dans l’espoir de bénéficier des gestes des « bienfaiteurs » circonstanciels. Des ministres, des directeurs généraux, des officiers de l’armée, des hommes d’affaires, tous ceux qui sont encore sous l’emprise des marabouts et autres voyants, ont toujours recours aux personnes vivant avec handicap pour faire des offrandes : des vivres, des habits, de la viande fraîche, des poulets vivants et même des billets de banques.

Parmi ces personnes réduites à la mendicité, on trouve des diplomés à l’université. « Je suis né handicapé. J’ai fait des études universitaires. Mais j’ai du mal à obtenir un emploi à cause de mon handicap. Un jour, on m’a appelé pour un entretien d’embauche après le dépôt de mes dossiers dans une société de la place. Quand on m’a fait entrer dans le bureau du responsable qui devrait m’entretenir, j’ai senti tout de suite que je ne serai pas retenu. Et ça été le cas. Pourtant, je répondais au profil recherché. Mais déjà l’accueil qui m’a été réservé, le regard du patron sur moi… J’ai compris que ce sera une peine perdue. Et partout ça été ainsi. Les gens ne tiennent pas contre de notre cerveau, mais plutôt de notre physique…Aujourd’hui, je vis de dons, en quelque sorte de la mendicité. Voilà pourquoi d’ailleurs je suis là à attendre « Ciao » comme tout ce monde », raconte I.Sow, un handicapé ( du niveau universitaire), trouvé devant la Mosquée de Coronthie où un richissime homme d’affaires libanais s’apprêtait à distribuer des sacs de riz et des billets de banques (100$/personne).

L’inaccessibilité aux étages, le manque des espaces aménagés, des places adaptées dans les salles de spectacles, des sports et de transports en commun et l’inexistence des toilettes pour les personnes vivant avec handicap 

A côté de cette stigmatisation et du mépris, il y a d’autres constats qui sont visibles et face auxquels les décideurs restent indifférents : l’inaccessibilité  des personnes en situation de handicap dans les immeubles, l’inexistence des toilettes adaptées, des espaces verts aménagés, des places adaptées dans les véhicules de transports. Tous les bâtiments publics ou privés implantés dans le pays ne disposent d’aucune commodité  vis-à-vis des personnes à mobilité réduite. On se rappelle lors de la rencontre du Chef de l’Etat, Mamady Doumbouya et les responsables des différentes corporations, au Palais du Peuple  dès les premières heures. Ce jour-là, l’intervention de dame Massoud Barry, présidente d’une ONG, sur le cas des handicapés physiques, a ému toute la salle « …Mr le Président, le cas des handicapés est préoccupante. Rien n’est prévu pour nous dans la construction des bâtiments publics en Guinée. Nous ne pouvons pas avoir accès à des services logés dans les bâtiments à étage…Même pour arriver ici (salle de réunion au 4e étage du Palais du Peuple) c’est l’un de vos éléments qui m’a mis au dosVoyez-vous ! Monsieur le Président». Malgré ce plaidoyer  qui a bouleversé la salle, rien n’a jusqu’ici pointé à l’horizon en faveur des handicapés.

Même au niveau des toilettes publiques dans les bureaux, dans les salles de spectacles, au niveau des stades des sports, des marchés et des restaurants, aucune installation adaptée pour soulager ces personnes vulnérables. «On ne peut pas avoir accès aux restaurants, aux véhicules de transports en commun, aux bureaux, avec nos tricycles. Excepté l’hôtel  Kaloum où il est installé les toilettes pour handicapés, nulle part en Guinée, on ne trouve pas ces genres d’installations. On a des difficultés pour se mettre à l’aise une fois sur les lieux publics», se lamente A. Diaby, un handicapé croisé à l’entrée du bâtiment qui abrite le ministère de l’Economie et des Finances, lors de notre enquête.

Un plaidoyer pour attirer l’attention des décideurs

Ainsi, dans leur plaidoyer, le consultant Thierno Saïdou Diakité, lui-même personne vulnérable et  l’ingénieur analyste financier, Thierno Ousmane Ly, sont largement revenus sur la problématique de l’accessibilité des hommes vivants avec handicap. Ils ont proposé entre autres, au ministère en charge des Personnes Vulnérables de revoir des conditions d’accès aux différents services fréquentés en permanence par les personnes en situation de handicap, d’accélérer la construction du Centre National d’Orthopédie, de faciliter la circulation des tricycles et autres engins roulants, d’installer des rampes d’accès lorsqu’il y a des escaliers et aménager conséquemment les toilettes. Dans le plaidoyer il est aussi proposer au ministère de tutelle de se conformer aux dispositions en vigueur par les Nations Unies par rapport à la terminologie utilisée pour désigner les personnes en situation de handicap au lieu de personne « handicapée ». Comme quoi, la typologie personnes vulnérables couvre aussi une pluralité de couches dont la gestion exige une certaine spécialisation permanente ou temporaire.

Les efforts du ministère de la Promotion des Femmes de l’Enfance et des Personnes Vulnérables

Au ministère de la Promotion Féminine de l’Enfance et des Personnes Vulnérables où nous sommes passés, on nous apprend que le rôle du département consiste à conduire la politique du gouvernement pour les personnes vulnérables c’est-à-dire des femmes âgées, des retraités, des enfants issus des familles pauvres non scolarisés, des personnes à mobilité réduite, des veuves etc. Comme quoi, l’Etat balise tout en ce qui concerne la protection des handicapés. Une politique nationale  de protection, qui met un accent particulier sur ces personnes qui ont des difficultés à accéder aux services publics est adoptée avec la ratification de la convention 155.

Dans les couloirs de Villa 22, on nous apprend que l’Etat fournit beaucoup d’efforts pour le bien-être des personnes vulnérables. De leur recensement à la construction des centres régionaux d’apprentissage, le ministère, selon nos interlocuteurs, rien n’a été négligé. « Toutes leurs préoccupations sont prises en charge, surtout depuis l’arrivée de la nouvelle ministre. Tenez-vous bien ! Madame la ministre à peine nommée à la tête de ce département, qu’elle s’est rendue avec son équipe sur le terrain pour faire l’état des lieux. De l’école de Sourds-muets à Boulbinet ici (entièrement rénovée) à la Cité de la Solidarité à Tayoua en passant par le chantier du Centre National d’Orthopédie au CHU de Donka, pour ne citer que ceux-là, la ministre a tapé la main sur table et a écrit à l’Agence de Régulation des Marchés Publics pour une mise en demeure ou la résiliation des contrats des entreprises concernées dans les travaux de construction des chantiers inachevés.  Nous vous apprenons que le département vient de réaliser en avril dernier des latrines à la Cité de Solidarité pour soulager les 700 occupants qui y vivent », nous apprend un cadre du ministère qui a bien voulu garder l’anonymat.

Concernant l’inaccessibilité des personnes vivant avec handicap aux lieux publics tels que les immeubles, les toilettes publics et autres espaces de loisirs, on nous fait croire que le ministère est soucieux et sensible  à cet état de fait et qu’une loi vient d’être prise. La loi ou il est demandé aux promoteurs d’immobiliers et aux architectes de prendre compte dans leurs plan de construction de bâtiments publics, des personnes à mobilité réduite. Mais cela n’est possible, selon notre interlocuteur, si toutes les parties prenantes sont impliquées. Par ailleurs on nous laisse savoir qu’une réunion pour la suivie et l’application de la loi, suivie d’un atelier sur la responsabilité de chaque partie vient de se tenir avec la participation des cadres ministère des Infrastructures, de ceux de l’Habitat et bien sûr avec celle des représentants du ministère de la Promotion Féminine, de l’Enfance et des Personnes Vulnérables.

Pour la formation et l’employabilité des handicapés dans les services publics, les cadres du ministère interrogés sont formels. Comme quoi, malgré la conjoncture, madame la ministre a pesé de tout son poids pour construire les centres régionaux d’apprentissage pour des personnes handicapées.  « Le ministère prend le dossier au sérieux ! Il y a même eu une rencontre entre le Premier ministre et les faitières des hommes vulnérables. Laquelle rencontre a accouché d’une étude planifiée pour le budget 2022 avec la participation du PNUD. Il a été question du recrutement d’un cabinet  d’expertise sur appel d’offre. Tout ceci pour produire un document d’analyse global pouvant appréhender tous les problèmes ayant trait à ces personnes », nous dit un cadre du département rencontré dans la cour de la Villa 22, avant de continuer « Il a été décidé d’appuyer 2500 enfants en appareillage (tricycles et autres appareils de supports aux handicapés) sans oublier l’appui apporté aux 250 associations.  Il faut rappeler aussi que le gouvernement vient de lancer un centre d’apprentissage des métiers pour les personnes handicapés à Kindia ! »

Les personnes vivant avec handicap sont-elles difficiles à gérer ?

« Les handicapés sont difficiles. Voire même capricieux. Suivez ! On leur construit des centres d’apprentissage, ils refusent d’y aller sous-prétexte que c’est une stigmatisation de les regrouper ensemble hors des gens valides. Ils préfèrent qu’on les affecte dans les écoles comme ENAM pour être comme les autres. Même au niveau de leurs faitières, des associations, ils sont dispersés, divisés. Vous verrez une personne appartenant à plusieurs associations à la fois. Ils ne sont pas organisés. Les handicapés n’arrivent pas à s’unir pour former un grand bloc…Voilà des gens qui ne reconnaissent pas les efforts fournis par le ministère» , conclut notre interlocuteur.

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