L’annonce tant attendue et quelque peu tardive, il faut bien l’admettre, de la durée de la Transition par le chef du Comité National du Rassemblement et du Développement (CNRD), à 39 mois provoque une levée de boucliers dans la cité. Il fallait bien s’y attendre, tant certains ont une dent contre l’élan pris par la junte pour mettre le pays sur les rails. Notamment par la fermeture des robinets à sous et la mise en place de la redoutable Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF), une juridiction spéciale chargée de traquer jusque dans leurs derniers retranchements, les fossoyeurs de l’économie nationale. Cette Cour a déjà l’extraordinaire pouvoir psychologique de perturber le sommeil des caciques des pouvoirs précédents d’Alpha Condé et de Lansana Conté qui se sentent morveux.
Face à la détermination du CNRD de nettoyer l’écurie, nous assistons, comme il fallait aussi s’y attendre, à la constitution d’un front par les anciens ennemis jurés sous les régimes d’Alpha Condé et de Lansana Conté contre la volonté refondatrice et rectificatrice du CNRD de notre État et de ses institutions. Ceux-là mêmes dont les querelles s’expliquaient non pas par l’élévation au sommet de la Guinée mais par le simple souci d’alternance autour du « Grand gâteau » qu’était devenue la Guinée à leurs yeux. Opposés sur tout sauf sur la nécessité de changer le tentaculaire Système prédateur qui plombait et verrouillait l’avenir du pays, ces forces rétrogrades veulent en réalité que le Système survive pour qu’il continue à nous broyer, nous et les générations futures, sur son chemin.
Ces irréductibles défenseurs du Système veulent continuer à se servir librement dans les caisses de l’État, sans en rendre le moindre compte, tout en laissant enfoncer les populations entières dans une pauvreté absolue. Ils veulent continuer à financer à l’étranger à des coups de milliers d’euros et de dollars, les frais de scolarité et autres bêtises de leurs enfants et proches sur le dos du contribuable guinéen, tout en laissant végéter les enfants d’autres guinéens dépossédés dans les écoles sinistrées du pays.
Ils veulent continuer à pomper dans les caisses de l’État comme dans un héritage personnel, pour aller soigner une grippe à Paris, Londres ou New York, tout en laissant mourir nos femmes enceintes dans nos hôpitaux publics par manque d’une prise en charge adéquate. Ils veulent continuer encore, en vidant les maigres ressources de la nation, à passer leurs vacances, en arpentant les grands boulevards parisiens bordés de magasins de luxe, en laissant les Guinéens se casser les jambes sur les routes dégradées et défoncées du pays. Bref, ces gens-là veulent vider la Guinée de son sang, du sang de ses respectables ancêtres !
Ce sont ces partisans du Système qui ont donc intérêt à ce que la junte dégage la piste tout bonnement, comme elle est venue le 5 septembre 2021. Ils ont intérêt à ce que tous les prédateurs des ressources collectives bénéficient d’une loi d’amnistie qui tirera une fois pour toutes le rideau sur tout ce qui a été détourné au peuple martyr de Guinée. Ils ont intérêt à ce qu’on restitue à tous les grands commis de l’État les biens qu’ils avaient auparavant sorti du domaine de l’État pour la simple raison qu’ils avaient le privilège d’occuper de hautes fonctions publiques.
Ils ont intérêt à ce que les Guinéens soient privés d’espaces publics, d’accès à la mer. Ils ont intérêt à ce que nos enfants soient privés d’aires de jeux et de lieux de détente dans un pays asphyxié par la corruption des élites et la pollution des itinéraires. Ils ont intérêt à ce que les enfants soient privés de leur droit de vivre en tant qu’enfants. Ils ont intérêt à ce que l’État dans son ensemble leur soit cédé. Ils ont intérêt à ce que la Guinée fasse partie de leur portefeuille. Ils ont intérêt à ce que la Guinée finisse, meurt et qu’on en parle plus.
Il est donc temps que le Guinéen ouvre les yeux et qu’il pense en fonction de l’intérêt général. La junte est un accident de parcours, une parenthèse ouverte qui doit être refermée. Elle est là parce que les dix années de pouvoir civil ont lamentablement échoué à faire naître une gouvernance économique et politique saines. La durée de la Transition donnée par le CNRD est une proposition qui doit être examinée par les acteurs internes et par la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Mais prenons garde à ne pas bâcler la Transition.
Soyons vigilants et critiques avec le CNRD mais laissons-lui le temps de mettre de l’ordre pour un retour serein à la normalité constitutionnelle. Ne cédons pas au chantage des défenseurs du Système responsable de l’irruption des militaires sur la scène publique. Ils veulent que l’histoire se répète. Mais nous autres Guinéens, ne voulons pas de cela. Nous en avons assez de rester cloitrés dans les pièges des politiques aveugles, sourds, muets et dépourvus de guide. C’est pour son intérêt supérieur que la Guinée a besoin de tourner cette page sombre de l’histoire d’un Système qui est lui-même responsable de sa faillite. Alors que disparaisse à jamais ce Système corrompu et asphyxiant !