À l’heure où nous célébrons les 150 ans du Mahatma Gandhi, il est juste de dire que le gandhisme a résisté à l’épreuve du temps. Au fil des ans, que ce soit Nelson Mandela ou Martin Luther King, Jr. Gandhiji a toujours été un modèle pour comprendre et relever leurs défis respectifs. Aujourd’hui, nous analysons comment les valeurs du Mahatma sont restées pertinentes dans un monde contemporain.
Dans les enseignements du Mahatma Gandhi, on retrouve des feuilles de route toutes prêtes pour relever plusieurs défis. Gandhi considérait la politique comme une vocation visant à servir l’humanité par des principes et des pratiques ancrés dans la vérité. Aujourd’hui, la violence apparaît comme le plus grand de tous les périls qui menacent notre existence. Partout dans le monde, les gouvernements et les agences internationales s’affairent à élaborer des stratégies pour lutter contre la violence, l’extrémisme religieux, l’anarchie généralisée et le terrorisme. Et pour que la vérité soit le leitmotiv qui guide toutes les politiques que les sociétés et les gouvernements promulguent afin d’élever les opprimés, de donner du pouvoir aux démunis et de garantir la justice universelle, la violence ne devrait trouver aucune place dans ces plans : ni comme moyen, ni comme stratégie temporaire. Pour Gandhiji, la vérité et la violence sont fondamentalement antithétiques l’une de l’autre. Par conséquent, recourir à la violence, même pour un moment de rencontre, peut revenir à embrasser la contre-vérité. Ce qui, à son tour, implique de perdre de vue l’objectif plus large de servir l’humanité.
Gandhiji était un croisé idéaliste qui ne trouvait aucune raison d’isoler les méthodes des objectifs ; il croyait que de nobles objectifs ne peuvent être atteints que par de nobles moyens. En même temps, nous devons réaliser que l’engagement de Gandhi pour la vérité et la non-violence était plus qu’un engagement philosophique envers un ensemble d’idées abstraites. Il appartenait à une famille d’administrateurs de l’État princier de Rajkot et, en raison de cette affiliation, il a été initié dès son plus jeune âge aux nécessités de l’État. Au cours de son illustre carrière politique, il n’a jamais sous-estimé l’importance de l’État pour le bien-être de ses citoyens. Les pratiques et les méthodes de la politique gandhienne, en particulier celles qui visent à réduire les différentes formes de violence que nous voyons dans le monde, créent un régime de paix réellement durable et soutenable. Réfléchissant sur la question des violentes confrontations politiques de son époque, Gandhiji a fait valoir que se débarrasser d’un homme qui lui fait obstruction ne produira qu’un sentiment de sécurité à la fois faux et de courte durée. D’un autre côté, le fait de s’engager avec ses détracteurs et en étudiant les motifs de désaccord, on obtient une trêve durable. La politique de Gandhi en matière de débat et de Gandhiji, lorsqu’elle est invoquée dans des situations de terrorisme mondial et de conflits commerciaux, produira finalement une coopération internationale et un ordre mondial durable et sans conflit.
Écologie durable et perspectives indiennes
La crise environnementale est sans aucun doute l’un des problèmes les plus graves auxquels notre génération est confrontée. Il est généralement admis que la crise actuelle est le résultat d’une exploitation irresponsable de la nature. Elle trouve son origine dans une philosophie mercantile qui a induit les gens en erreur en leur faisant croire que notre réussite à déchiffrer quelques-unes de ses lois était une preuve suffisante de la domination de l’homme sur la nature. Selon E. F. Schumacher, les économies modernes et les modèles de développement ont traité la nature comme un revenu consommable et « l’homme moderne ne se vit pas comme une partie de la nature mais comme une force extérieure destinée à la dominer et à la conquérir ».
Gandhi n’a jamais adhéré à l’idée que les hommes font la guerre à la nature. Il avait une attitude quasi-religieuse, fondée sur la théorie de la continuité à la fois empirique et transcendantale entre les sociétés humaines et l’environnement. Cette vision du monde quasi-religieuse s’inspire de l’éthique environnementale que l’on trouve dans les textes de l’Inde ancienne. Elle est enracinée dans des textes comme l’Athrvaveda qui proclame que la terre est notre mère et que nous sommes ses fils.
Dans la philosophie védique, notre interaction avec la nature est guidée par des considérations d’équilibre et le lien inséparable de l’homme avec son environnement. Les contes du Panchatantra nous rappellent à plusieurs reprises que « si l’on espère atteindre le paradis en coupant des arbres et en abattant des animaux, quel est le chemin de l’enfer ? » Dans la littérature indienne ancienne, on trouve finalement une attitude d’empathie pour chaque élément de l’environnement de l’homme – homme, animaux, plantes, rivières, montagnes, sol et autres. Cette attitude a conduit à une culture dans laquelle couper un arbre était comparé à la trahison d’un ami. Ce système de croyance, dans lequel la nature est projetée comme un membre intime d’une famille étendue, a précipité une éthique de la consommation qui n’était pas exploitante, mais récupératrice et régénératrice. En janvier 1910, alors que les habitants de Paris étaient stupéfaits par ce qui est décrit comme « le déluge du siècle », Gandhiji a écrit un article pour Indian Opinion (un journal qu’il a créé) décriant les manipulations irréfléchies de la nature et de ses lois. Il affirmait que même si les habitants de Paris nourrissaient l’illusion d’avoir construit la ville pour qu’elle dure éternellement, la nature a « donné un avertissement que même tout Paris peut être détruit ». Pour Gandhi, le mot prakriti impliquait le caractère originel d’une idée ou d’une chose. Lorsque les hommes bricolent la prakriti, ils corrompent à la fois l’environnement et eux-mêmes.
Si nous revenons à l’idée de prakrit de Gandhiji, et à travers lui à l’ancienne éthique environnementale indienne, nous sommes sûrs de trouver des stratégies et un courage moral pour faire face à la crise environnementale.
Mr. Gautam Choubey
Academicien, chroniqueur et traducteur
Courtoisie :
Son Excellence T. C. Barupal
Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire
de la République de l’Inde en République de Guinée