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Interdiction de la vente au détail du carburant : une décision judicieuse, très controversée (2ème  partie)

Dans la suite que nous consacrons à ce sujet sensible, nous allons commencer par faire référence au Dr Mamadou Karamba Kaba, chef du service de la chirurgie plastique, réparatrice et des grands brûlés du CHU Donka.

Ce spécialiste nous a dit il y a quelques années, lors d’un entretien sur le même sujet, qu’à son avis : « notre pays est l’un des rares, pour ne pas dire le seul, où on peut voir l’essence à l’état naturel. » Ailleurs, soutient-il, « on peut la sentir ou l’entendre bruisser dans la colonne d’un réservoir que l’on remplit, mais on ne la voit jamais, concrètement parlant. Elle est absolument conteneurisée d’un bout à l’autre du processus de traitement : de sa production à sa distribution. Toute la chaîne est hermétiquement fermée, protégée, à l’abri des regards et de la manipulation directe. L’usager qui achète l’essence à la pompe sent son odeur ou  l’entend passer, peut-être, mais il n’en voit point la couleur, encore moins ne la touche.»

Cette affirmation, assez pertinente, a aiguisé depuis lors notre curiosité et nous a amené à en comprendre le pourquoi et le comment. Après moult réflexions, nous avons conclu que la thèse énoncée voulait dire qu’il faille prendre le carburant pour ce qu’il est : un produit tout à la fois, utile et dangereux. Dans ces deux cas de figure, nous sommes en face de qualités extrêmes.

Primo, il est indéniable que le carburant, autrement appelé or noir est de nos jours, un produit hautement stratégique dont aucun pays ne peut se passer. Il est absolument indispensable à  la vie quotidienne et nul ne peut, même un seul instant, envisager qu’il puisse en manquer un jour. Une telle éventualité, pourtant crédible, se rangerait plutôt dans la rubrique des scénarios-catastrophes qui préfigurent l’apocalypse, voire la fin du monde.

De l’autre côté, ce produit si utile, si indispensable à la vie, est prodigieusement dangereux quand il est manipulé par des mains inexpertes, malhabiles ou criminelles.

Le feu de carburant, notamment celui de l’essence, est très ravageur, hautement destructeur. Sa propagation rapide, son pouvoir calorifique élevé, ses émanations toxiques, ses effets néfastes sur l’environnement et la difficulté qu’on éprouve à vouloir l’éteindre, lui confèrent une grande capacité de destruction. L’essence, indispensable à notre vie, est tout aussi une source de danger considérable. A nous de trouver le juste équilibre en nous en servant à bon escient.

Chez nous cela ne semble pas aussi aisé à réussir, quand ce produit, hautement inflammable, était manipulé par le premier venu. N’importe qui pouvait se travestir en vendeur détaillant de carburant. Il suffisait de se procurer d’un  lot de bouteilles vides, d’un bidon plastique, et de passer à la pompe, s’acheter juste cinq litres d’essence. Et le tour est joué ! On est devenu vendeur et on s’installe le long de la rue pour écouler son produit, avec la certitude d’engranger rapidement des bénéfices.

Aux autres de s’y adapter et de s’en accommoder. Au mépris des risques engendrés et encourus par tous. Qui, pour piper mot ? Qui pour oser dénoncer? Personne. D’autant que tout le monde ou presque, voisin, riverain, passant, devient à la longue, client, acheteur ou fournisseur, du même vendeur!

Pendant ce temps, au rythme de l’écoulement du produit, notre vendeur ou vendeuse, puisqu’il y a aussi des femmes dans le lot, tel un laborantin avec ses alambics, passe son temps à transvaser le carburant du bidon à la bouteille et vice-versa, par un jeu d’adresse ou à l’aide d’un petit raccord. Un phénomène cyclique qui se répète pendant tout le temps de la vente et à chaque rangement pour le retour à la maison.

Tout au long de ce processus, le voilà qui manipule un danger silencieux et terrible d’effet. Il tient entre ses mains, à son point de vente ou dans sa maison, une bombe qui peut exploser à tout moment. Il suffit d’une étincelle et c’est la déflagration, avec les conséquences illimitées qui vont avec.

Par déduction, nous pensons que cela a peut être pesé dans la décision d’interdiction de cette vente à risque prise par le département de la sécurité et de la protection civile.

Toujours est-il qu’à remonter l’année en cours, il nous revient la longue période (janvier-mars) où les incendies étaient légion dans la capitale et à l’intérieur du pays. La semaine ne passait pas sans une alerte au feu dans un marché, une habitation, une plantation ou une forêt. Jamais on n’a pu situer la cause ou l’origine de ces drames. L’opinion est restée partagée, dubitative, entre conjectures et extrapolations: feux accidentels ou criminels ? Questions jusqu’ici, sans réponse.

Après une courte accalmie, le phénomène a repris de plus belle. Les violences consécutives à la tenue du référendum et de l’élection présidentielle ont servi de catalyseur à l’intensification effrénée de la pyromanie à travers le pays.  Beaucoup de choses ont été cramées: des ordures et obstacles entreposés sur les routes, des domiciles privés, des motos, des voitures, des camions, des boutiques et magasins, des édifices publics, etc.

Pour flamber tout cela, il est certain que les auteurs n’ont pas fait usage de braises ardentes à attiser, de simple allumette ou briquet à craquer, de torche (flambeau) enflammée à jeter sur la cible visée.

Il leur a fallu faire recours à plus simple, plus rapide et plus efficace que tout cela : l’essence.

Puisqu’on la trouvait partout, il suffisait juste d’acheter une bouteille d’un litre chez le détaillant, en bordure de route. Et le tour était joué. L’effet est immédiat et les conséquences sont énormes et imparables.

Même si cela n’a jamais été confirmé dans le descriptif du modus operandi des faiseurs de feu, il y a tout lieu de croire que cette commodité à se procurer du carburant, a facilité l’accomplissement de leur crime.

Ainsi, ces pyromanes de tous bords ont-ils réussi, à ‘’moindre coût’’, leur sale besogne d’incendier de nombreux biens immobiliers et matériels qui ont entraîné quelquefois, la mort d’innocentes personnes et bien d’autres préjudices collatéraux inestimables infligés à des citoyens, pendant cette période de triste mémoire.

Que voilà, s’il en est besoin, une autre raison bien fondée pour motiver l’interdiction de la vente de carburant au détail, le long de la rue.

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