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Guinée : Tabaski 2021, la gabégie célébrée !

Il n’y a pas plus tard qu’une semaine, Tierno Monénembo publiait une tribune dans laquelle il se demandait si le président guinéen avait vraiment du cœur comme la plupart des humains. L’écrivain guinéen intitulait alors son papier (et à juste titre) : « Alpha, as-tu du cœur ? ». Aujourd’hui, ce désarroi de Monénembo vis-à-vis de l’apathie et de l’ataraxie coupable du président guinéen se trouve être justifié par de récentes révélations concernant un geste qu’Alpha Condé a fait en faveur de ses ministres.

En effet, pendant que les ménages guinéens pleurent leur manque de pouvoir d’achat et que les prix des denrées alimentaires et du transport collectif flambent; alors que les enseignants guinéens endurent dans l’attente de leurs salaires fréquemment payés en retard et que les canalisations cèdent sous la pression des eaux de pluies diluviennes à Conakry, Alpha Condé lui, joue au potentat généreux en distribuant à chacun et chacune des 36 ministres du gouvernement Kassory, 50 millions de francs du pays, soit au total une belle somme d’un milliard 800 millions de francs. C’était à l’occasion de la fête musulmane de Tabaski qui vient juste de passer, comme nous le révélait samedi dernier notre quotidien Guinéenews.

Face à ce constat, on peut se permettre d’affirmer que le président Alpha a bel et bien du cœur, si l’on entend par « avoir du cœur » le fait de pouvoir ressentir et exprimer une certaine affection, un certain acte de bonté à l’égard d’autrui. Néanmoins, on peut tout autant dire que ce geste d’humanisme du président Condé n’est que seulement localisé, voire focalisé uniquement sur les voies et moyens qui lui permettent de régner comme un roi, sans être inquiété pour son trône.

En effet, Alpha Condé connaît maintenant ses ministres, cela fait dix ans qu’il les nomme, les déchoit, puis les remplace. Il sait qu’il n’y a parmi eux que très peu de vrais patriotes. Il suffit juste de les graisser un tout petit peu parfois pour que leurs esprits excités se dégonflent et finissent par se soumettre docilement, même si leurs départements sont laissés sans aucun budget depuis le moment où il a décidé que c’était lui Alpha le meilleur gestionnaire de l’État et le seul crédible pour veiller à la sauvegarde des ressources publiques. Dans un certain sens, il n’a peut-être pas complètement tort puisque depuis qu’il exerce le pouvoir, il fait tout pour que la responsabilité pénale des ministres et de lui-même ne soient jamais engagées, même si certains pourraient dire qu’elle n’est pas inexistante pour autant.

En vérité, les Guinéens se sont accoutumés depuis longtemps avec des ministres et des chefs d’États qui détournent les deniers publics à leurs propres comptes sans jamais être inquiétés pour cela. Nous en avons vu des exemples sous le régime de Lansana Conté et nous en connaissons également des tonnes d’exemples sous le régime actuel d’Alpha Condé. Et pourtant, si elle existait et était appliquée avec rigueur, cette responsabilité pénale aurait pu permettre de dissuader individuellement les ministres irresponsables, accapareurs de biens collectifs. De même, elle aurait fait en sorte que le premier ministre et toute sa cohorte soient responsables collectivement devant l’Assemblée nationale des actions de leur gouvernement. Or, il n’en est rien de tel en Guinée. Les citoyens n’ont pas accès à l’information concernant l’utilisation des budgets alloués aux différents ministères du gouvernement. Tout cela est considéré comme un secret de polichinelles et se gère dans l’opacité la plus totale.

Dès lors, cette absence de responsabilité pénale ministérielle en Guinée ne profite aujourd’hui qu’au président Alpha Condé lui-même, lui qui a sciemment créé les conditions de son inapplicabilité. C’est le lieu de rappeler que cela fait maintenant plus dix ans que le président de la République hésite à donner son accord pour la mise en place de la Haute Cour de Justice, alors qu’elle est prévue dans la Constitution et que la Cour constitutionnelle a même fait la recommandation à l’Exécutif et au Législatif de procéder à son installation et ce, depuis l’investiture du président Alpha pour un troisième mandat. Mais alors comment faire lorsque toutes ces institutions sont en réalité soumises bon gré mal gré à la seule autorité du président Condé, qui les manipule et les dresse selon sa volonté ? Il est donc temps que le président Alpha marque son slogan de « gouverner autrement » par le sceau final qui en garantit la crédibilité. Il est temps qu’il se montre favorable à l’institution de la Haute Cour de Justice et se considère lui-même comme un citoyen à part entière, soumis aux mêmes lois et règles que n’importe quel Guinéen.

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