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Accident mortel de Sangoyah. Ce qu’il faut en retenir

Comme c’est le cas quelquefois, des évènements tragiques se produisent sur la route. Leur caractère violent et spectaculaire marque l’opinion en même temps qu’il induit dans le subconscient collectif une sorte de densité émotionnelle lente à s’estomper qui favorise la gestation et la propagation d’une foultitude de commentaires, de supputations et autres conclusions hâtives.

Ces types de réaction accompagnent indubitablement toute survenue d’accidents et sont à l’origine de bien d’incompréhensions ou d’antagonismes.

Il en sera sans doute ainsi pour encore bien longtemps, le sujet étant du domaine public, donc largement partagé par tous avec des niveaux d’interprétation divers.

Aussi, pour mieux traiter de semblables questions, est-il souvent nécessaire de prendre un peu de recul pour mieux comprendre les vrais tenants en cause et cela, sans la tension ou la passion des premiers moments.

A ce jour et pour ce cas précis, le temps aidant, la fièvre s’est estompée d’un cran. Une approche, pour mieux cerner les éléments constitutifs à l’origine de ce drame, est rendue possible.

Dernier bilan de l’accident

D’emblée, c’est le bilan corporel qui a changé. Le nombre de morts a été revu à la baisse. Au lieu de six (06) comme annoncé à la survenue de l’accident, la police routière ramène le total de victimes mortelles à quatre (04) le lendemain, puis à cinq (05) à ce jour.

Un (01) homme qui figurait parmi les blessés serait décédé deux jours après à l’hôpital. Quand on y ajoute les quatre (04) femmes décédées la même nuit, parmi lesquelles, un bébé de six mois : Hadjiratou Sylla et sa mère Aminata Camara, on en est au chiffre cinq (05).

Les blessés graves sont au nombre de six (actuellement hospitalisés). Quant aux dégâts matériels, ils sont importants et variés : 07 véhicules, y compris le camion et 03 motos, un kiosque de parieur et une pharmacie dont la façade a été emboutie et démolie.

Fluctuation du bilan corporel

Cette variation de chiffres, quant au nombre de morts notamment, serait due à la diversification des données à centraliser suite à l’évacuation des victimes dans les deux CHU (Centres Hospitaliers Universitaires) Donka et Ignace Deen et au CMC (Centre Médical Commmunal) de Matam. Tout cela entrepris et accompli la nuit, sans éclairage public, dans un tumulte absolu, résultant du caractère soudain et extraordinaire de l’évènement.

Ce que vivent les services constat sur un lieu d’accident

Aussitôt après l’accident, des scènes poignantes ont été observées. Pendant que certains s’investissaient à porter secours, d’autres sans doute moins endurcis, criaient leur effroi, tétanisés par l’horreur étalée sous leurs yeux. La circulation était paralysée, les gens allaient dans tous les sens, essayant de comprendre ce qui se passait. Une situation de désordre qui fait souvent le lit de l’anarchie, dont sont friands les vandales cherchant le profit par tous les moyens. Le camion ayant malheureusement terminé sa course contre la pharmacie dont le carrefour tire le nom (Sangoyah-pharmacie), la destruction de la façade a été l’occasion pour eux de se servir largement, au mépris de toute morale. Les produits destinés à la vente ont été pillés.

Mais, il n’y a pas que cet épisode d’incivisme à évoquer. Cet accident nous interpelle à double titre : son caractère gravissime, spectaculaire et violent, mais aussi sa survenue en ces lieux par le fait d’un conducteur supposé savoir le risque qu’il prenait en empruntant cet itinéraire fatidique.

Rappel des circonstances

Le commandant de police, Norassana Soumah « français » commissaire spécial adjoint de la routière de Enta au moment des faits, (aujourd’hui promu commissaire spécial de la sécurité routière de Matoto), nous résume les circonstances de cet accident : «le chauffeur nous déclare qu’au volant de son camion Renault semi remorque chargé de 14m3 de sable, il se rendait à Sangoyah. A partir d’Enco5, il a entrepris de passer par la transversale n0 3. On était aux alentours de 22 heures. Pendant qu’il roulait sur cette forte pente, le système de freinage, amplement sollicité en cet endroit, a cessé de fonctionner. Il a donc perdu le contrôle de son camion qui, peu avant le carrefour, à l’aboutissement sur l’autoroute s’est déporté sur sa droite pour heurter violemment les passants, les véhicules et les infrastructures situés sur sa trajectoire. Il a fini sa course contre le mur de la pharmacie, située un peu plus bas.

Informés de l’accident par les éléments de notre commissariat postés au carrefour, nous nous sommes déplacés pour les fins de constat. Arrivés sur les lieux, nous avons trouvé une situation difficile à gérer, où régnait une véritable anarchie. Il fallait d’abord ramener l’ordre pour faire face aux urgences. Pour cela nous avons bénéficié de l’appui précieux de la CMIS, de la gendarmerie mobile et du génie route de l’armée qui nous ont aidé à maintenir l’ordre et évacuer les victimes. »

Evolution du dossier

Une semaine après l’accident, le dossier a évolué. Le commissaire Norassana Soumah « français » indique que le chauffeur a été déféré, le camion, ainsi que tous les autres véhicules endommagés sont immobilisés en fourrière, en attendant la décision du tribunal. A ce jour, les blessés graves sont tous hospitalisés et l’évolution de leur état est suivi par le service constat du commissariat spécial de la sécurité routière de Enta.

Selon le commissaire Soumah, aussitôt après l’accident, le conducteur du camion est allé librement se constituer prisonnier à la gendarmerie de Matoto. C’est le lendemain qu’il a été mis à la disposition de la police.

Gros camions et transversales

Le problème de la circulation des gros porteurs sur les transversales à Conakry reste entier. Il s’agit d’une dizaine de routes de grande dimension qui coupent la route Le Prince dans le sens Nord-Sud. Cette dernière constitue ce qu’on pourrait appeler l’épine dorsale ou la crête en termes d’altitude, dans le sens Est-Ouest du tracé de la ville de Conakry. Toutes les transversales qui la coupent en dehors de la T1, plus adoucie, sont à peu près de configuration identique. Ce sont des versants de plus de 10% par endroits. C’est dire qu’en empruntant l’une ou l’autre à partir de la route Le Prince qui est le point culminant ou le point zéro, dans n’importe quelle direction où l’on va, on est sur une descente abrupte.

Depuis leur ouverture dans les années 90, la circulation des gros camions y a été interdite. D’aucuns estiment que même sans signalisation, tout chauffeur est à même d’apprécier le danger qui le guette en voulant emprunter à tout prix ces itinéraires.

Quid de l’interdiction

Bien entendu, lorsqu’on construit une route c’est pour que les véhicules y circulent. Ainsi cette interdiction ne peut pas concerner tous les camions à la fois. Il en existe bien qui sont capables d’aborder en toute sécurité, toute pente de quelque raideur qu’elle soit. Mais, ces dits-camions sont assez rares chez nous. Ils doivent être à l’état neuf ou sinon en très bon état technique, parfaitement entretenus, chargés convenablement et conduits par des professionnels, respectueux des règles et procédures liées à la conduite.

Science et conduite

La conduite automobile obéit à des lois immuables de la physique. Tout conducteur qui les viole en subit les conséquences.

Selon les spécialistes, un véhicule en déplacement est soumis à des forces parmi lesquelles il faut citer l’inertie qui se manifeste sur les descentes, surtout lorsqu’il s’agit d’un camion chargé. Les forces qui agissent alors sur lui sont impressionnantes. Elles ont tendance à le pousser vers l’avant quand il est en phase de décélération, obligeant ainsi le chauffeur à faire recours intensément aux freins. Si à ce moment, les garnitures de frein sont usées, les tambours ovalisés, les circuits de freins défectueux, qu’il y ait absence de dispositifs additionnels de freinage… et qu’à tout ceci s’ajoute un rapport de vitesses élevé pour aborder la descente, un poids considérable, une chaussée glissante, des pneus usés, l’accident est alors inévitable. L’intensité du freinage chauffe les tambours au point qu’ils perdent toute adhérence. Le chauffeur perd alors littéralement le contrôle de son camion. La suite, on l’imagine facilement, avec la frayeur en bonus. C’est la désolation, quelques mètres plus bas.

Le bien fondé de l’interdiction

L’absence de visite technique, le peu d’intérêt que les conducteurs accordent à l’entretien et à la réparation de leurs camions, sont autant de facteurs qui mettent en doute la fiabilité technique de ces derniers et la situation empire quand on y ajoute les surcharges inévitables, le manque de professionnalisme des conducteurs. C’est une réalité commune à tout le parc automobile roulant chez nous. Conséquemment, l’interdiction pour les camions de circuler sur les transversales vaut bien d’être prise.

Un triste rappel

Il est plus facile aujourd’hui de compter les transversales indemnes d’accident que le contraire. Des catastrophes routières ont été enregistrées sur la T2, tant du côté du centre émetteur que de celui de l’aéroport. Il en est de même sur la T3 à la Tannerie.

La T4 de Enco5 vers Sangoyah dont il est question ici a connu plusieurs cas similaires dont le plus grave a été celui du camion qui avait traversé l’autoroute pour aller s’écraser sur un atelier de couture, tuant du coup sept (07) jeunes filles, apprenties couturières. C’est là également qu’un vieux camion conduit par un apprenti avait dévalé la pente sans freins pour venir heurter mortellement Yaya Boiro, un brigadier-chef de police qui assurait la prévention au carrefour. D’autres descentes dans la même disposition que les transversales ont eu leurs lots de victimes : cité OBK vers marché Matoto et Sonfonia vers marché ENTA avec neuf (09) morts.

La vraie réponse encore attendue

A la survenue de chacune de ces tragédies, on a toujours entendu déplorer, dénoncer, stigmatiser la circulation des camions sur les transversales. Jusque là, rien n’a été fait pour y mettre fin.

Paroles intenses, réactions hâtives et inadaptées, promesses et menaces n’ont pas manqué. Tout s’est avéré être une opération de type «feu de paille», comme à notre habitude. Et le mal continue.

Pourtant, l’homme est au centre de tout ce débat. C’est vers lui qu’il faut orienter les efforts pour obtenir les résultats escomptés.

L’espoir est permis

Des pistes de solutions existent: implantation de panneaux de signalisation, sensibilisation des chauffeurs, en rapport avec les associations socio professionnelles, (Syndicats, Union des Transporteurs), ré institution de la visite technique, contrôle-sanction des contrevenants…

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