Pour le futur proche, la transition conduite par le Colonel Mamadi Doumbouya sera qualifiée de réussie, quand elle aura, dans le délai imparti, jeté les bases de la refondation de l’Etat guinéen, procédé aux réformes politiques, institutionnelles, électorales et administratives, réconcilié les guinéens, fait adopter une jolie constitution et organisé des élections inclusives et acceptées
Mais pour le futur lointain, la transition guinéenne ne sera considérée comme réussie que si la vie politique et démocratique ne sera plus jamais perturbée au point qu’une autre transition ne soit nécessaire. A l’instar de Rawlings qui a réussi à construire une démocratie pérenne et imperturbable au Ghana.
C’est pourquoi le diagnostic de la transition doit être précis, sinon le traitement n’aura aucun effet. Qu’on ne s’y trompe pas, Mamadi Doumbouya, quelles que soient sa volonté et la durée de la transition, ne réussira pas à mettre fin à une chose en Guinée : le vote ethnique !
Or, le problème du vote ethnique est que ses résultats sont toujours contestés, quelle que soit la qualité de l’organisation du scrutin.
Ainsi, à la fin de la transition, malgré des reformes réussies, des Guinéens réconciliés, des institutions fortes installées, une constitution avant-gardiste adoptée, la prochaine élection présidentielle mettra, inéluctablement, en compétition, au deuxième tour, les deux candidats des deux grands groupes ethniques majoritaires du pays. Et s’en suivront ses corollaires de discours haineux, de violences politiques, de répressions et bavures policières, de contestations des résultats et de contentieux électoraux, de destructions de biens, de morts d’hommes, etc….
On peut être fataliste et attendre crédulement et stoïquement que la situation de 2010 se reproduise, mutatis mutandis.
On peut également conjurer le sort en prenant des décisions courageuses. Et pour que l’histoire ne se répète pas derechef, il suffira de prévoir dans la nouvelle constitution que la fonction de Président de la république sera tournante entre les quatre régions naturelles de la Guinée. Chaque région naturelle pourrait avoir son mandat renouvelable une fois. Ainsi, pour la région naturelle dont c’est le tour, seuls les deux candidats, les plus populaires qui ont été, préalablement, choisis à l’issue d’un scrutin au premier tour limité aux circonscriptions électorales et aux candidats issus de ladite région, seront éligibles au deuxième tour à un scrutin élargi à toutes les circonscriptions électorales. La région dont c’est le tour continuera à diriger la Guinée pendant toute la durée des deux mandats. Même en cas de vacance de pouvoir, c’est un autre candidat de la même région qui conduira la Guinée pour le reste du mandat. On pourrait sublimer cette décision en commençant la présidence tournante par la région naturelle qui n’a pas encore dirigé la Guinée…
Les bénéfices d’une présidence tournante sont énormes, mais à condition que tous les acteurs soient d’accord pour le jeu et que le tour de chacun soit scrupuleusement respecté. D’abord, le scrutin sera plus apaisé, la CENI aura moins de pression, le juge électoral aura moins de contentieux à trancher, les résultats des votes seront, par conséquent, plus faciles à accepter.
Ensuite, la démocratie sera plus saine et plus dynamique car elle favorisera des alternances au sein des formations politiques. En effet, les partis politiques, au pouvoir et ou à l’opposition sont obligés de sortir du confort du fief de leur leader originel pour diversifier leur ancrage, en choisissant les candidats crédibles pour chaque élection présidentielle.
Et rien que pour le fait qu’aucun Guinéen ne mourra plus pour le jeu politique, la présidence tournante vaut le coup d’être essayé !