Que l’on ne nous prête nullement l’intention de nous substituer à la HAC dont c’est la mission, ou d’inciter à un quelconque débat houleux et sans fin, en raison de la pertinence du sujet. Toutes choses pouvant donner à croire à une quelconque prétention de notre part. Il n’en est rien. Que l’on se rassure.
Nous voulons juste apporter un plus à un sujet d’actualité qui donne à croire que la presse ou pour mieux dire, une certaine presse, contribue intentionnellement ou pas à asseoir et à intensifier le culte de la personnalité dans le pays. Cela ne date pas d’aujourd’hui.
Ils sont nombreux, nos confrères de la presse écrite comme audiovisuelle à faire un usage abusif et inopportun de titres sensationnels qu’ils jugent accrocheurs sans en mesurer les effets néfastes qu’ils peuvent avoir sur la conscience collective. Ils veulent juste attirer l’attention sur un fait et vendre plus. Ils sont friands de scoops annoncés à grand renfort de mots saccadés ou de phrases hachurées de type slogan où l’on note de l’exaltation ou de la célébration. Ils ne prêtent guère attention aux corollaires durables que laissent les mots ainsi véhiculés au sein de l’opinion, pour se garder d’en faire un usage immodéré voire excessif, surtout lorsque ce n’est ni indispensable, ni même nécessaire.
L’on se souvient encore, quoique dans un lointain passé, des titres ronflants que la presse a utilisés pour affubler nos dirigeants de l’époque révolutionnaire. S’ils ne produisent plus aujourd’hui les effets qui étaient les leurs à l’époque où ils étaient amplement servis, ils n’en demeurent pas moins qu’ils sont encore incrustés dans nos mémoires. Ce qui atteste bien qu’ils constituent des moyens privilégiés de manipulation de la conscience individuelle et collective.
Nous citons pêle-mêle les titres en usage du temps du PDG : ‘’responsable suprême de la révolution’’, ‘’guide suprême du peuple’’, ‘’guide éclairé’’, ‘’grand timonier’’, ‘’l’homme-peuple‘’, etc.
Passé ce régime, arrive le CMRN. Là, on change de registre et les titres dans la presse s’adaptent ou se recyclent. On nous sert du ‘’général-président’’, ‘’président-paysan’’, ‘’sènèsamo ’’, et bien d’autres encore, servis en fonction des événements et circonstances.
Avec le CNDD, le vocabulaire laudatif s’est un peu estompé. On note cependant qu’il a connu un pic avec le slogan- choc de ‘’Dadis ou la mort’’ qui a surgi peu avant les événements tragiques du stade du 28 septembre.
Cet entracte n’a pas duré. Alors que l’on pensait en avoir fini avec ces titres laudatifs et ronflants avec l’élection du professeur Alpha Condé, voilà que revient une formule à peine améliorée tirée du premier vocabulaire en usage du temps du général-président. C’est maintenant ‘’professeur-président’’ ou ‘’président-professeur’’. Parfois, on titre : ‘’le bâtisseur’’.
Arrive enfin le CNRD qui annonce vouloir en finir avec tout ce tintamarre. On interdit les comités de soutien, leurs déclarations et les affiches et banderoles qui vont toujours avec. Mais la presse semble n’en avoir cure. Elle ne se lasse pas d’innover encore dans ce domaine, se gargarisant de titres comme ‘’l’homme fort du pays’’, ‘’le tombeur de…’’. Comment s’étonner alors que les adeptes de comités de soutien, les fabricants de banderoles et autres affiches veuillent reprendre du service ? Ils ont bien où prendre l’exemple et répondent à ceux qui les interpellent que ce qu’on leur interdit est largement en usage dans les médias.
En la matière, un exemple est à citer. Une affiche lisible encore la semaine dernière, à l’angle du carrefour de la banque centrale, du côté de Sékoutoureya montre et parle du président du CNRD, en rapport avec sa prestation de serment et la fête de l’indépendance. Il est à noter que l’auteur a écrit l’indépendance avec e n à dance. De l’avis de tous ceux qui l’ont lu et que nous avons rencontrés, pour cette seule raison, cet écriteau n’a pas sa place à ce niveau. D’autant qu’il célèbre un homme et des événements historiques à un endroit qui passe pour être l’un des lieux d’exposition les plus en vue du pays.
A écouter ou lire les nouvelles, on se rend compte que l’inspiration est limite. C’est du copier-coller de l’époque du général Lansana Conté qui est encore servi. On modifie juste le grade et le tour est joué ! Ainsi, au lieu de général, on dit simplement ‘’colonel-président’’ ou l’inverse.
Dans le même registre, la presse internationale a sa part. Mais, pour elle, la visée est toute autre. Il lui faut plaindre et moquer ces africains qui se réveillent encore avec leurs coups d’état qui n’en finissent pas de se produire. Ils diluent dans leurs papiers une dose d’ironie où transparaît de la condescendance, sinon du mépris. Le ‘’colosse de Conakry’’ les entend-on annoncer.
Certes, le colonel Doumbouya est grand de taille. Mais, eux aussi, ils ont bien eu un de bien grand et célèbre parmi leurs dirigeants : le général De Gaulle. Chez nous d’ailleurs, quiconque est élancé au-delà d’un certain seuil, est appelé De Gaulle, le plus simplement du monde. Mais, a-t-on jamais entendu dans les pays des blancs ou ailleurs, appeler le général De Gaulle ‘’colosse’’ ou ‘’géant’’ ? Que nenni !
Il n’y a pas longtemps, un quotidien africain bien connu a inséré dans un titre consacré au président de la transition, le qualificatif : ‘’géant aux pieds d’argile’’. Mais, que nous sachions, depuis lors et jusqu’à maintenant, malgré les fortes pluies qui se sont abattues sur Conakry, ces pieds dits d’argile, quoique fortement imbibés, ne se sont pas ramollis pour fondre. Le géant ne s’est pas effondré. Et qui plus est, souhaitons à ces annonceurs de ne jamais attendre de recevoir un coup bien ajusté de ces pieds qu’ils pensent si fragiles. Ils risquent de ne point s’en remettre. L’impact est d’airain et non d’argile !