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La prostitution sur la route de l’immigration irrégulière

L’immigration clandestine des subsahariens en Europe à partir de l’Afrique du Nord sont généralement associés à la figure masculine. Or depuis un certain temps, les femmes sont de plus en plus nombreuses à tenter les passages clandestins. Ce flux de femmes qui se déverse dans les villes magrébines entraine une réalité qui crève les yeux. La prostitution à grande échelle. Et cela interpelle. Qui sont ces femmes ? Quels sont les rapports sociaux de sexe noués en cours de route ?

 

Jusqu’aux années 1980, selon les recherches menées, la figure féminine était associée à l’image de la mère au foyer rejoignant son époux dans le cadre du regroupement familial et cantonnée à des activités de reproduction sociale. Il faut attendre les années 1980-1990 pour que s’affirme une approche dynamique des migrations féminines. La précarité de la situation migratoire a conduit les femmes qui cherchent à rejoindre l’Europe, à entretenir des relations sexuelles ponctuelles et contre rémunération, auprès d’autres aventuriers mais aussi de Marocains.

Racolage, prostitution en plein air, proxénétisme à visage découvert, l’alcool, sexe à gogo…. La débauche et le libertinage en un mot. Voilà ce à quoi sont livrées les femmes bloquées dans les villes marocaines avant de « passer » de l’autre côté de la méditerranée. Interrogées, elles reconnaissent le phénomène, mais disent toutes que c’est du commerce occasionnel qui ne dure que le temps de transit. Le philosophe allemand, Nietzsche ne disait-il pas qu’« il est plus facile de s’arranger avec sa mauvaise conscience qu’avec sa mauvaise réputation ? »

Les Camerounaises, les Ivoiriennes,  les Maliennes, les Guinéennes qui se rendent au Maroc dans le but de se rendre en Europe sont pour la plupart des mères de famille, mariées très jeunes et divorcées, des filles-mères des jeunes filles sans enfants, des célibataires parmi lesquelles on retrouve les sortantes d’université et de grandes écoles de formation…. Si, par la migration, certaines espèrent améliorer leur situation socioéconomique, d’autres cherchent à fuir les regards désapprobateurs des proches et du voisinage qui souvent condamnent leur divorce. De surcroît, la pression familiale en vue d’un remariage peut être mal vécue. Ces femmes, socialement dévalorisées en raison de leur statut matrimonial, sont attirées par l’image des pays européens, synonymes pour elles de plus grande liberté et de promotion sociale.

Mais hélas ! Ces femmes qui pensaient trouver l’opportunité de voyager et d’acquérir une indépendance, leur désillusion est souvent rude. Dépendantes de leurs tuteurs (aventuriers recalés, devenus vétérans et expérimentés) chez qui elles sont nourries et logées, elles sont parfois confrontées à des situations d’exploitation. Elles jouent parfois le rôle d’épouses le jour et prostituées la nuit. Sous l’emprise de ces  réseaux de proxénètes, ces femmes, selon certains témoignages recueillis, sont livrées à la rue, ce qui est particulièrement préoccupant lorsqu’il s’agit de mineurs. Des facteurs comme la peur, le sentiment de perte de contrôle de leur vie, la préoccupation due à leur situation irrégulière, profitent aux réseaux qui les exploitent.

N’Gamet S. ancienne étudiante à l’Institut du Tourisme d’Hamdalaye  encouragée en 2018 par sa grande sœur dont le mari travaillait au port de Nouadhibou en Mauritanie, s’est retrouvée un matin à Casablanca, au Maroc dans le but de se rendre en Espagne et plus tard en Italie. Ses parents ont été mis à contribution pour les frais de voyage. Au Maroc, sa première tentative dans la Méditerranée fut infructueuse suite à la désorientation du capitaine du navire de fortune qui devrait les débarquer sur l’autre rive. Après l’échec, aucun  moyen pour retourner à Conakry. La voilà donc dans le filet des réseaux de proxénètes. « De retour à Casablanca,  je n’avais plus d’argent pour me loger et me nourrir. C’est ainsi qu’un ami Malien m’a proposée d’aller vivre avec lui en attendant de trouver les moyens pour reprendre le voyage. Mais pour rester avec lui, il faut que j’accepte d’être sa petite copine et en même temps sortir les nuits me prostituer….Pendant trois ans je vivais avec lui et d’autres hommes pour pouvoir me nourrir et  payer mes frais de transport. Il a fallu être forte. Vous pratiquez tout ce qui est mauvais. La drogue, l’alcool, le sexe… Ne pouvant plus supporter cette vie infernale, j’ai préféré rentrer au pays. Beaucoup de nos camarades sont mortes d’overdose ! Il fallait se droguer à fond pour pouvoir tenir avec trois ou cinq hommes par nuit…C’était l’enfer», soutient mademoiselle  N’Gamet S, les larmes dans le coin de l’œil.

Si N’Gamet s’est faite un proxénète de tuteur qui jouait avec son corps et la livrait à la prostitution dans la rue, ce n’est pas le cas d’Oumou B. et sa camarade Maîmouna D. Ces deux femmes après plusieurs tentatives, se sont volontairement livrées à la prostitution. « Nous étions trois filles au départ dans un studio que nous avons loué. Suite aux multiples échecs sur le chemin d’Europe, nous n’avions plus rien pour supporter le coût de la vie au Maroc. C’est ainsi, on a commencé à fréquenter les boites de nuits, les bistrots et des bars américains  par le truchement d’une Camerounaise. On s’en sortait puisqu’on arrivait à payer le studio à se nourrir et à se vêtir. Toutes les femmes subsahariennes qui sont dans les villes Marocaines vivent du commerce de sexe. C’est choquant, mais c’est la triste réalité. Même nos amies qui sont des domestiques dans les foyers, elles lèvent parfois les pieds malgré elles», nous apprend ces anciennes aventurières désormais coiffeuses dans un salon à Yimbaya.   

N’ont-elles pas peur ?

A cette question, une autre migrante de retour au pays nous répond : « C’est vrai. Il y a des risques. On nous a appris qu’une de nos compatriotes avait été défenestrée par un Marocain suite à une dispute après les rapports. Il y a cinq ans  de cela, je crois…Mais ainsi va la vie ! Ce n’était pas sa chance ! Nous n’avions pas de choix. Malgré ce que cela comporte comme risque, on sortait les nuits. Et on rentrait à la maison au petit matin. La vie était refermée sur nous ! On ne pouvait pas aller, ni retourner comme ça au pays. Voyez-vous ? C’était un mal, mais nécessaire pour la survie »

Adjaratou et  Maimouna sont deux autres  jeunes mères divorcées qui, à Conakry, vivaient de commerces de rue. Après avoir travaillé plusieurs mois chez une famille casablancaise, elles se sont enfuies de la maisonnée pour tenter de passer clandestinement en Europe. Echec. Elles se sont retrouvées dans la rue  pour vendre leur charme.

Toutefois, pour ces femmes, il est très difficile, pour des raisons matérielles (coût du transport…) et subjectives, de mettre un terme à leur  séjour et de rentrer au pays. Et d’ailleurs comment affronter le regard des proches en revenant les mains vides ? Comment leur raconter leur vie?

Nous sommes donc face à des femmes qui résident de façon temporaire ou permanente au Maroc. Bon nombre d’entre elles ont vu ce pays comme un espace de transit vers l’Europe mais y sont restées bloquées pendant des années alors que ce n’était pas leur projet initial. Et celles que nous avons eu à interroger expliquent qu’étant là-bas, leur envie de migrer primait sur l’éventuelle répugnante au travail du sexe.

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