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Comment identifier et rapatrier les fonds volés et placés à l’étranger :  voici les cas d’école qui doivent inspirer le CNRD

Des millions de dollars US provenant des détournements présumés, dorment dans des comptes offshores au nom des personnes physiques ou morales. Notre confrère Louis Célestin, dans la rubrique grands dossiers, vient de traiter de manière édifiante le sujet en révélant les techniques traditionnelles et modernes employées pour dissimuler les ressources financières illégalement obtenues par certains. (cf https://guineenews.org/un-vent-de-panique-sur-les-dignitaires-du-regime-alpha/)

Le peuple de Guinée attend du CNRD qu’il lui donne rapidement des assurances sur le fait que les caisses de son trésor public vont prochainement retrouver des niveaux optimaux en termes de liquidités, afin de financer la construction d’hôpitaux dignes de nom et de former des médecins compétents afin que personne ne meurt inutilement. Il y a aussi naturellement d’autres défis en termes d’infrastructures physiques et humaines à gérer afin que la Guinée rattrape son retard dû à la mal gouvernance, la gabegie financière, la corruption etc.

La récupération des fonds détournés par des régimes totalitaires après leur chute est une constante de l’histoire contemporaine avec des résultats mitigés que nous allons passer en revue. Voici deux cas d’école encore contemporains.

  • Philippines: les milliards détournés par Ferdinand Marcos se sont retrouvés en Suisse. Le dictateur philippin a régné d’une main de fer de 1965 à 1986 avant d’être renversé par une révolution populaire. Une commission de bonne gouvernance mise en place par le régime suivant a identifié des détournements entre 5 et 10 milliards de dollars. Le salaire officiel de Marcos était de 1.125 dollars par mois. Il a fallu des dizaines d’années d’enquêtes minutieuses et de procédures judiciaires pour récupérer une partie des sommes volées qui se trouvaient essentiellement en Suisse. C’est seulement en 2002, soit 16 ans après sa chute qu’une partie des sommes volées seront récupérées lorsque la justice suisse ordonna la saisie de 600 millions de dollars qui devaient être rendus au gouvernement philippin
  • Iran: A la chute de Mohamed Reza le Shah d’Iran, le régime islamique aux prises avec la lutte interne pour consolider son pouvoir ne pouvait se concentrer sur la récupération des biens mal acquis du Shah estimés entre 100 millions et 1 milliards de dollars à l’époque. La Suisse était le récipiendaire d’une grande partie de ces comptes secrets obtenus via des détournements et commissions secrètes. Le gouvernement iranien engagera des cabinets d’avocats et des investigateurs pour retracer l’argent. Mais, le fait que la révolution iranienne devenait de plus en plus anti occidentale, la Suisse et les Etats-Unis où le Shah s’était réfugié ne se sentirent plus obligés de dévoiler les secrets bancaires et une partie de l’argent ne fut rendue à l’Iran qu’en 2015. Soit 51 ans après qu’une partie des avoirs de l’Iran – 150 milliards – fut débloquée par l’administration de Barack Obama.
  • Nigéria: Sani Abacha le dictateur militaire du Nigéria est l’épithome du racket d’état. De son accession au pouvoir en 1993 à  sa mort en 1998, Abacha va siphoné les revenus pétroliers à travers des comptes numérotés et des sociétés écrans totalisant selon les estimations les plus faible à 5 milliards de dollars dont 1,2 milliards en espèces.

Avec les détournements placés en Suisse par des dictateurs de toutes sortes, le système bancaire suisse décida de restreindre les dépôts en refusant d’accepter les dépôts “douteux”. Des narcotrafiquants aux évadés fiscaux de l’Union Européenne en passant par les cadres véreux du monde entier, l’argent sale s’accumulait en toute quiétude dans les coffres forts des Banques suisses qui n’hésitaient pas à s’en accaparer en cas de disparition subite du propriétaire. Ainsi, les descendants des juifs européens assassinés par le régime hitlérien eurent toutes les difficultés à récupérer le bien de leurs parents, les banques suisses exigeant un “certificat de décès” des victimes de l’holocauste.  En septembre 2015, le parlement suisse vote la levée du secret bancaire dans les institutions financières suisses.

Est-ce que c’est la raison qui a poussé l’ancien gouvernement guinéen à fermer le compte bancaire de la BCRG en Suisse en 2016 et de transférer dans une autre juridiction que plusieurs observateurs estiment être Dubaï, une place financière réputée pour le laxisme dans la transparence financière? Le présent gouvernement – non reconnu internationalement – risque de se retrouver devant l’omerta bancaire des institutions financières pour retarder le déblocage des fonds guinéens domiciliés à l’étranger.

Le cas du Nigéria est révélateur sur le comment la Guinée peut s’inspirer pour récupérer les fonds volés et placés à l’étranger.

Un avocat genevois récupère environ 2,4 milliards USD

En 1999, le Président Olusegun Obasanjo, quelques semaines après son élection démocratique, a pris la décision de confier à un avocat Genevois Enrico Monfrini, le soin de trouver partout où ils sont dissimulés, les fonds détournés par le dictateur Sani Abacha, subitement décédé en juin 1998. Une enquête de police de l’époque estimait ces fonds à environ 1.5 milliards USD.

Traditionnellement avocat d’affaires dans le négoce de matières premières de base, l’impétrant flair de l’opportunité en l’acceptant tout en sachant que la tâche est nouvelle pour lui. Il relate d’ailleurs son expérience dans un livre intitulé « recovering stolen assets » ou « récupération d’actifs volés » nous apprend un article de la BBC publié à cet effet, début 2021.

Il s’est donc employé à réaliser un travail de fourmis ce qui a permis au Nigéria de récupérer, malgré les bâtons qui ont été mis dans les roues de l’avocat, des ressources importantes.

Les informations fournies par les autorités nigérianes lui ont servi de base pour aller rencontrer le procureur fédéral helvétique avec pour argument de base, l’idée selon laquelle, M. ABACHA et sa famille constituaient une organisation criminelle. Ce qui a ouvert des opportunités de traitement du dossier par les autorités judiciaires suisses.

C’est ainsi que le Procureur Général a lancé une sorte de notice judiciaire sous forme d’alerte, intimant à tous les établissements bancaires helvètes de révéler tout actifs détenus en leur sein par la famille ABACHA et ses alliés.

Il aura fallu 48 heures seulement pour que 95% des établissements financiers de la Confédération Helvétique retournent les informations pertinentes au bureau du procureur.

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Ces documents étaient remis au procureur qui ensuite les donnait à l’avocat représentant les intérêts du gouvernement nigérian, pour faire le travail d’enquête.

De fil en aiguille, l’avocat genevois a découvert une toile d’araignée globale de comptes bancaires et de paiement reçus de la part de différentes compagnies. En clair, tout le système de corruption du régime d’alors a été reconstitué et mis à nu.

Il s’est tout de même heurté à de sérieuses difficultés dans la mesure ou la famille du dictateur défunt a fait appel dans plusieurs cas, ce qui a eu pour effet de retarder le processus pendant des années. Les premiers fonds ont été récupérés après 5 ans.

En 2008, l’avocat a stipulé qu’entre 2005 et 2007, ce sont environ 500 millions de dollars récupérés des comptes suisses appartenant à la famille qui ont été remis au Nigéria. En 2018, c’est environ 1 milliards USD. En 2020, ce sont environ 300 millions USD récupérés dans des comptes logés sur le paradis fiscal de l’île de Jersey qui sont récupérés par le gouvernement nigérian grâce au travail de l’avocat suisse.

Une information confirmée par l’enquête internationale revelée par la presse anglaise, les sommes récupérées étaient principalement cachées dans quatre pays : la Suisse, l’île de Jersey au Royaume-Uni, les États-Unis et le Liechtenstein. Sous la présidence (nigérianne) d’Abdulsalami en 1999, 750 millions de dollars ont été récupérés. Sous l’administration Obasanjo, 1,2 milliard de dollars ont été récupérés en 2002; 149 millions de dollars de Jersey Island, Royaume-Uni en 2003 ; 500 millions de dollars récupérés en 2004 auprès de la Suisse et 458 millions de dollars récupérés en 2005 auprès de la Suisse. Sous l’administration Jonathan, 1 milliard de dollars a été récupéré en 2012 et 380 millions de dollars en 2015, les deux lots provenant de la Suisse. L’administration Jonathan a également récupéré 227 millions de dollars du Liechtenstein en 2014 et 48 millions de dollars des États-Unis la même année. Finalement c’est le président actuel Mohamed Buhari qui a récupéré ce qui semble être la dernière tranche de 320 millions de comptes gélés en Suisse depuis 2016 sur ordonnance judiciaire.

Les pays ont tout de même demandé à ce que les autorités nigérianes s’engagent à mettre les fonds récupérés au profit du financement du développement du pays en faveur notamment des couches sociales défavorisées.

Le CNRD doit rapidement se mettre à la tâche

On l’aura compris : récupérer des fonds détournés et logés dans des comptes à l’étranger, n’est pas tâche aisée.

Seulement, l’expérience nigériane qui semble, sauf erreur de notre part, être une première, peut servir de cas d’école à la Guinée, en profitant des effets d’expérience de cette dernière.

En effet, il est traditionnellement reconnu qu’en ne réinventant pas la roue, il est permis l’espoir d’aller plus vite dans la récupération des biens publics financiers dont les Guinéens ont tant soif pour sortir de la misère.

Les autorités guinéennes actuelles ne doivent pas attendre dans l’œuvre qui consiste à dessiner une stratégie efficace de récupération des ressources qui reviennent de droit au peuple de Guinée.

Un comité de travail spécial doit être constitué à cet effet, si ce n’est déjà pas le cas. Ce dernier devrait rapidement pouvoir se faire aider par des ressources légales internationales afin de déclencher des procédures judiciaires pertinemment motivées. La réussite d’une telle démarche est conditionnée par la qualité du travail fait à cet effet par des ressources elles mêmes de qualité. Commencer ce travail ne pourrait que rassurer davantage le peuple de Guinée sur la résolution sans faille du CNRD, à rendre à César, ce qui lui appartient !

Vivement une commission nationale pour l’identification et le pistage des biens indûment pris aux Guinéens les privant de routes, d’hôpitaux, d’adduction d’eau, d’infrastructure etc…

Boubacar Caba Bah et Abdoulaye Diallo ont collaboré dans la rédaction de cet article.

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