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Taran  Diallo, président de l’ADR: « Le gouvernement ne doit pas empêcher une manifestation consacrée par la constitution »

« Il faut que les acteurs politiques guinéens apprennent à cultiver le débat et l’entente pour régler les différends politiques »

Président de l’Alliance Démocratique pour le Renouveau (ADR), Alpha Oumar Taran Daillo n’est plus à présenter. Il incarne l’une des valeurs sûres de la politique guinéenne. Compétent et intègre, le fondateur  de l’IFORD (Institut de formation en développement) jouit d’un capital  de confiance important dans le secteur éducatif où il a fait et continue de faire ses preuves. Et dans le domaine politique qu’il se propose de « révolutionner ». Dans un entretien accordé à  Guineenews© le weekend passé, en toute humilité mais sans fausse modestie, M. Taran décline sa vision et justifie l’ambition dont il est porteur.

Guineenews©: vous êtes acteur politique et fondateur d’école donc entrepreneur. Comment parvenez-vous à être sur les deux tableaux à la fois?

Alpha Oumar Taran Diallo: vous pouvez imaginer que ce n’est pas sans difficultés. Mais comme dirait l’autre à cœur vaillant rien d’impossible. Donc, nous y arriverons par le sérieux mis dans le travail de part et d’autre. Pour être plus clair, nous faisons la part des choses. A l’institut, nous travaillons pour gagner notre vie en pratiquant un métier que nous connaissons.  C’est-à-dire transmettre le savoir et le savoir-faire. Ceci nous met à l’abri du comportement versatile de certains politiques qui n’ont ni compétences ni revenus (…) Côté politique, c’est par vocation mais aussi suite à un constat selon lequel notre pays n’est pas bien géré et nous avons décidé de nous engager pour changer les choses en étant acteur.

Guineenews©: parlant de la politique, vous êtes aujourd’hui à la tête de l’ADR (Alliance Démocratique pour le Renouveau). Mais ce n’est pas votre premier parti. Vous avez été d’abord responsable, plus précisément un des vice-présidents du parti NFD de l’actuel ministre de la Jeunesse Mouctar Diallo.  Quel est le bilan de votre parcours politique?

Alpha Oumar Taran Diallo: vous l’avez dit, j’ai été membre fondateur et vice-président du parti NFD avant de démissionner en 2014 et initier le projet de l’ADR que je préside actuellement. Donc j’ai été acteur dans le vrai sens du terme de la vie politique guinéenne depuis plus de dix ans.

Guineenews©: pourquoi avoir quitté les NFD?

Alpha Oumar Taran Diallo: C’est une page tournée que je ne souhaite pas ouvrir. Notez tout simplement que je ne me reconnaissais plus dans la gestion du parti et j’ en ai tiré les conséquences sans créer de polémique.

Guineenews©: l’actualité politique, c’est la crise dont la cause immédiate est le double scrutin du 22 mars dernier. Le Front  national pour la défense de la constitution annonce une marche pour demander le départ du président Alpha Condé. Le gouvernement, sauf changement de dernière minute, n’entend pas  de cette oreille. Quelle est votre position?

Alpha Oumar Taran Diallo: notre position par principe est que le gouvernement ne doit pas empêcher une manifestation politique qui est consacrée par la constitution guinéenne. Maintenant, vu le contexte de défiance et de tension aggravée par la crise sanitaire que le gouvernement instrumentalise hélas, nous proposons le dialogue. Il faut que les acteurs politiques guinéens apprennent à cultiver le débat et l’entente pour régler les différends politiques.

Guineenews©: comment un dialogue est-il possible alors qu’il y a souvent eu des dialogues mais dont les conclusions n’ont jamais été respectées?

Alpha Oumar Taran Diallo: tout est question d’approche et d’organisation. Si les protagonistes mettent en avant le seul intérêt de la Guinée, en tirant les leçons des échecs précédents, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas. Heureusement d’ailleurs, le passé que vous rappelez existe. Donc s’il s’agit d’un dialogue sérieux, il faut un cadre qui tient compte des difficultés qui ont existé et prévenir des cas semblables dans le futur.

Guineenews©: on peut vous rétorquer que c’est facile à dire…

Alpha Oumar Taran Diallo: je ne vous dirai pas que c’est facile à faire. Mais ce n’est pas non plus impossible. Ça demande quand même un travail sérieux parce qu’il faut partir sur de nouvelles bases. Au fait, on ne doit plus faire la politique comme s’est fait jusque là. Il faut faire la politique autrement, en replaçant la Guinée et l’intérêt général au centre des débats. Ce qui passe par un diagnostic de la situation et son contexte socioéconomique et culturel, assorti de solutions adaptées aux besoins.

Guineenews©: pour vous, quel est le besoin prioritaire actuellement en Guinée?

Alpha Oumar Taran Diallo: Pour nous, la priorité reste la cohésion sociale. Aujourd’hui, le vivre ensemble est en péril en Guinée. Et rien de sérieux et durable n’est possible dans ce pays si le tissu social mis à rude épreuve ne se reconstitue pas.

Guineenews©: mais comment reconstituer ce tissu social pendant que les acteurs politiques manipulent les questions communautaires et éthniques au gré de leurs intérêts?

Alpha Oumar Taran Diallo: d’abord, il faut préciser que ce ne sont pas tous les acteurs politiques qui jouent à ce jeu. Ensuite, il faut identifier des acteurs sérieux et disposés à travailler ensemble pour une Guinée où les communautés se côtoient pacifiquement et se complètent pour sortir le pays de cette crise chronique et le construire durablement. Des fils et filles du Foutah, de la Haute Guinée, de la Forêt et de la Basse Guinée qui acceptent de mettre en place un plan où les intérêts de chacun et les préoccupations de tous sont pris en compte. Bref, la politique telle que ça se passe maintenant là a montré ses limites. Il faut une nouvelle vision que nous nous donnons le devoir de porter et sous peu nous ferons connaître les contours et parties prenantes de ce projet.

Guineenews©: Est-ce que vous n’êtes pas trop ambitieux comparativement aux moyens que cela nécessite et les mastodontes de la classe politique en face?

Alpha Oumar Taran Diallo: nos ambitions sont nobles et légitimes. D’abord eu égard à la crise chronique que traverse notre pays. Ensuite, c’est une question de vision, de leadership. Il s’agit  de fédérer les forces du pays autour de l’essentiel. Ce qui demande de la patience, de la persévérance et de l’humilité, nous en sommes conscients. Mais il faut proposer quelque chose à nos compatriotes. Ils méritent mieux que ce qu’ils endurent depuis toutes ces décennies. Vous savez, les mastodontes dont vous parlez, nous les respectons en tant qu’aînés mais ne perdez pas de vue que parmi les principaux acteurs qui les animent, beaucoup sont arrivés aux affaires à notre âge. Il y en a même qui ne l’avaient pas. Si vous prenez le gouvernement Sidya, beaucoup de ses membres étaient autour de 45 ans. Nous avons quelque  chose de sérieux  à offrir aux Guinéens, c’est pourquoi nous avons décidé de mettre en place une formation politique. Un outil que nous entendons utiliser pour changer voir  révolutionner la façon de faire la politique dans ce pays. Il consiste à faire de la politique une solution aux problèmes de la nation et pas l’inverse.

Guineenews©: mais l’âge n’est pas forcément un critère de performance déterminant

Alpha Oumar Taran Diallo: nous sommes parfaitement d’accord: C’est pourquoi à l’ADR notre crédo, c’est la vision, les compétences et le leadership…

Guineenews©: on peut vous rétorquer que vous n’avez pas l’expérience qu’il faut

Alpha Oumar Taran Diallo: Si vous parlez d’expérience dans la gabegie et le détournement des deniers publics,  non! nous n’en n’avons pas. Mais s’il s’agit de la rigueur au travail, là, je vous arrête parce que c’est un mensonge qu’il ne faut plus laisser prospérer. Je prends l’exemple sur moi-même. Ça me fait 25 d’activités cette année. Il faut préciser que j’ai fait carrière dans l’enseignement et je faisais la quatrième année à l’université quand j’ai commencé à enseigner, bien sûr en tant que bénévole. Ensuite, j’ai enseigné au public et au privé. Mais l’administration publique étant ce qu’elle est, il y a trois ans, j’ai fini par quitter la fonction publique que j’avais intégrée suite à un concours national. Je continue au privé où j’ai fait mes preuves en tant qu’employé et responsable dans des institutions de grande renommée.

Par exemple, j’ai été Censeur à Nelson Mandela, Proviseur à Victor Hugo Kamsar puis le Directeur Général de tout le Groupe Victor Hugo dont j’ai initié et porté le projet de création de l’université avant de quitter à l’amiable en 2013. Et grâce à l’expérience acquise en tant qu’enseignant et gestionnaire au public et au privé, j’ai mis en place le projet d’un institut d’enseignement Supérieur qui fait son petit bonhomme de chemin. Non sans difficultés mais ça avance. En tout cas, nous y gagnons honnêtement notre vie, ce qui est capital à nos yeux. En créant de l’emploi pour d’autres Guinéens. Je n’ai pas été ministre ni Premier ministre mais en termes de compétences je n’ai pas à envier à beaucoup qui l’ont été. Bien au contraire.

Guineenews©: pour revenir à l’actualité politique, est-ce que vous serez candidat à la présidentielle du 18 octobre si la date était entérinée?

Alpha Oumar Taran Diallo: vous faites bien de mettre le « si » parce que pour nous, les élections sont importantes mais les conditions dans lesquelles elles se tiennent le sont encore plus. Cela dit, le débat est en cours à l’interne et la position qui sera adoptée le sera de façon consensuelle.

Guineenews©: mais quelle est la position du parti sur la candidature de plus en plus probable de l’actuel président?

Alpha Oumar Taran Diallo: permettez-moi de ne pas anticiper sur le travail qui doit se faire à l’intérieur du parti. Cela dit, j’insiste pour dire qu’à l’ADR, nous estimons que le moment est venu pour aborder d’autres sujets dans la politique guinéenne. Il faut sortir de la politique politicienne  pour penser développement.

Guineenews©: est-ce que vous n’êtes pas en train de cautionner  un troisième mandat pour Alpha Condé?

Alpha Oumar Taran Diallo:  nous ne cautionnons rien. Nous notons tout seulement que ce que nous vivons présentement est la conséquence d’une politique qui existe dans ce pays depuis l’indépendance et qu’il faut changer pour espérer voir la Guinée sortir de l’ornière. Et c’est ça notre mission.

Entretien réalisé par Thierno Souleymane 

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