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Simandou – Ce que Rio Tinto dit à ses actionnaires et au marché financier.

Le mega projet Simandou avance à petit pas. Lentement mais surement. Telles sont les conclusions des observateurs suite à l’annonce des partenaires sur une entente concernant les infrastructures ferroviaires de 600 kilomètres actuellement en construction entre Simandou et Forécariah.

Comme d’habitude en Guinée, les détails d’un projet transformationel pour l’avenir de la Guinée n’ont pas été divulgués par le gouvernement – ce qui devrait pas tarder vu que Rio insiste que l’accord soit paraphé par un l’état guinéen qui normalement le soumettra au Conseil National de Transition (CNT) – qui fait office de parlement provisioire.

A lire de près le communiqué officiel de Rio Tinto il est évident que des obstacles – et non des moindres doivent être pris en considérations pour un aboutissement de ce projet qui dure depuis des décennies et dont les négociations seront « serrées » selon les observateurs. La Guinée est représentée dans ces négociations par une firme conseil française qui a obtenu le marché en gré à gré et dont le montant de compensation n’a pas été divulgué

Guinéenews a analysé le communiqué de Rio traduit de l’annonce officielle en anglais destiné non pas au public guinéen, mais à ceux qui comptent à ses yeux: les actionnaires, les places boursières et analystes économistes qui suivent l’action de Rio Tinto. Il faut se rappeler que Rio Tinto en tant qu’entreprise en actions publiques cotée sur les grandes places boursières a une obligation de  transparence et surtout de ne pas faire des déclarations trompeuses au public sous peine de poursuites judiciaires tant des actionnaires que des gendarmes de la bourse. Les gouvernements guinéens quant à eux ne sont pas soumis à cette contrainte et n’ont pas l’habitude de transparence vis à vis des Guinéens.

Rio Tinto a déjà payé des amendes pour mettre fin à une enquête de corruption sous Alpha Condé. L’annonce est autorisée à être diffusée sur le marché par Steve Allen qui est le secrétaire général de Rio Tinto.

Décriptage

Rio Tinto et la coentreprise Simfer (Simfer) ont franchi aujourd’hui une étape importante en concluant des accords clés avec la République de Guinée et le consortium gagnant Simandou (WCS) sur l’infrastructure transguinéenne pour le projet de classe mondiale de minerai de fer de Simandou.

Une « étape franchie » signifie juste ceci: une étape. Il y a eu des accords clés dont le contenu n’est pas revelé et pour les observateurs, cela démontre que les annonces triomphales du gouvernement dans le passé ne sont pas encore paraphées par les juristes et les Conseils d’Administration des partenaires.

La convention de co-développement avec la République de Guinée et les accords associés ajustant les conventions minières existantes de Simfer et WCS créent le cadre juridique pour le co-développement de plus de 600 kilomètres de nouvelles voies ferrées polyvalentes ainsi que des installations portuaires, qui seront utilisées pour exporter le minerai de fer des concessions minières de Simandou dans le sud-est du pays.

Un langage très prudent volontairement vague. Les accords existants sont donc « ajustés » et créent un cadre juridique qui signifie que les engagements antérieurs sont modifiés pour se conformer à la nouvelle réalité du marché et au rapport de force.

La capacité de l’infrastructure et les coûts associés seront partagés à parts égales entre Simfer, qui développe les blocs 3 et 4 du projet Simandou, et WCS, qui développe les blocs 1 et 2. China Baowu Steel Group a également précédemment conclu un accord avec WCS qui pourrait le voir s’associer au périmètre WCS pour les blocs 1 et 2 de la concession minière de Simandou et la coentreprise d’infrastructures.

La presse financière parle d’un engagement de 4 milliards de dollars américain de Rio pour la mine et l’infrastructure pour un total de 14 milliards. Est ce que ceci incluera les engagements faits par Rio Tinto à date dans le projet ou bien ce sera une nouvelle injection de capital? Et surtout quel est l’engagement financier de la Guinée qui demande 15 % gratuit tant pour la mine que pour les infrastructures qui de toutes les facons reviendront à la Guinée dans quelques décennies? Ce n’est pas très clair mais les négociateurs guinéens poseront certainement les bonnes questions.

La convention de co-développement requiert la ratification de l’État guinéen. Il est également soumis à un certain nombre de conditions, dont l’approbation par l’État guinéen de l’étude de faisabilité finale du projet. Les négociations se poursuivent entre les partenaires pour finaliser les accords d’investissement et pactes d’actionnaires y afférents qui sous-tendent le co-développement. Une autre annonce sera faite le cas échéant concernant ces accords.

C’est le point nodal des discussions. Rio – qui est sous la loupe des ONG humanitaires et de droits de l’homme sait qu’elle négocie avec un gouvernement militaire de transition dont la durée est indéfinie. Quoique les travaux continuent, il est curieux de constater que l’étude de faisabilité finale du projet n’est pas encore faite. Encore moins le pacte des actionnaires qui devrait clarifier ce que chaque partie devrait apporter et en bénéficier sur le méga projet.

Parlant des actionnaires, le montage est complexe. La compagnie qui exploitera la mine est une SARL guinéenne Simfer et comprend Simfer SA, qui est titulaire des blocs 3 et 4 de Simandou Sud. Simfer est une entreprise mixte entre l’État guinéen (15 %) et  Simfer Jersey Limited (85 %)  – une filiale de Rio Tinto domiciliée au paradis fiscal britannique pour échapper aux impôts guinéens, britanniques, américains et australiens. Cette filiale à  son tour, Simfer Jersey Limited est une coentreprise entre le groupe Rio Tinto (53 %) et Chalco Iron Ore Holdings (47 %) . Cette dernière Chalco Iron Ore Holdings est une coentreprise dirigée par Chinalco et de grandes entreprises publiques chinoises (Chinalco (75 %), Baowu (20 % ), China Rail Construction Corporation (2,5 %) et China Harbour Engineering Company (2,5 %). En embarquant les gros intérêts chinois pour le projet,  Rio assure ses arrières et le financement ne posera aucun problème vu la capacité et la réputation des acteurs chinois qui se ramassent le marché des infrastructures.

Quant à Winning Consortium Simandou (WCS) , c’est un consortium entre la firme de logistique maritime singapourienne Winning International Group (49,99 %), Weiqiao Aluminium (appartenant au groupe China Hongqiao) (49,99 %) et United Mining Supplies  (0,0002 %). Cette dernière l’UMS de Wazni est celle qui a fait venir Winning en Guinée et a relancé le projet Simandou sous Alpha Condé.

Un expert remarque: « la Société des Infrastructures – la Compagnie du Transguinéen CTG – annoncées en grande pompe par le gouvernement en juillet 2022 – Rio Tinto indique clairement que les accords ne sont pas finalisés concernant les infrastructures. Donc il est difficile de voir clair  sans les détails.

Les travaux du chemin critique continuent d’être réalisés par les partenaires pour garantir que les progrès sont maximisés pendant la saison sèche 2023-24.

Rio Tinto écrit bien « maximiser » pas « compléter » car le calendrier de Rio est complètement en déphasage avec le calendrier – opaque – du CNRD. Rio Tinto préfère négocier avec un gouvernement légal et une assemblée légitime pour éviter de se laisser embourber par un changement brutal de régime qui pourrait mettre en cause tous les acquis comme ce fut le cas au temps du CNDD. Selon la presse australienne, Rio aurait obtenu une concession de la Guinée de repousser les premières tonnes de fer à 2026 au lieu de 2025, en cas de « force majeure ». L’action de Rio Tinto a clôturé à 59,94 dollars américains sur la bourse de New York, une baisse de 4,75 % pour la semaine boursière.

Quant au CNRD, il reste obsédé par une transition qui aboutirait à des « réalisations concrètes » comme Simandou que ses supporters pourraient utiliser comme argument pour une extension au pouvoir car « il faut le laisser continuer le bon travail ».

Quelles que soient les tournures, beaucoup de Guinéens cherchent tout simplement à trouver du travail et des contrats dans ce méga projet dont ils ont entendu parler depuis des décennies. A cet effet, ils peuvent se rassurer:  l’impact Simandou est réel, Rio Tinto Simfer et Winning Consortium Simandou embauchent à bout de bras et octroient des centaines de millions de FG de contrats « contenu local », pour cimenter l’adhésion des Guinéens au projet.

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