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Simandou – Rio traine-t-elle les pieds ? Des zones d’ombres sur certains contrats.

Dans un communiqué de presse dont Guinéenews© s’est procuré copie, la firme française d’ingénierie Egis, a été sélectionnée par le gouvernement guinéen comme « conseil technique pour la construction des infrastructures du projet minier de Simandou ». Le méga-projet comprend la construction d’une ligne de chemin de fer de 650 kilomètres allant de Beyla à Forécariah, des installations minières à Beyla et d’un port en eaux profondes à Benty.

Selon le communiqué de presse, « le  contrat signé entre la République de Guinée et Egis, d’une durée de 26 mois, permettra à la Guinée de mener à bien ce projet important pour son développement économique, tout en respectant les critères techniques, environnementaux et de bonne gouvernance les plus stricts. » La date de début du projet et surtout le montant du contrat ne sont pas mentionnés.

Le rôle d’un conseil technique est d’accompagner les entreprises – dans ce cas-ci le gouvernement de Guinée – dans la mise en œuvre des projets et la gestion des services techniques. Les sociétés de conseil en ingénierie apportent des conseils d’appui technique et d’aide décisionnelle ayant trait aux équipements utilisés, à la création d’emplois, à la gestion des clients et d’autres volets. Leur savoir-faire peut être sollicité à toutes les étapes  – formulation, conception, mise en œuvre, évaluation –  d’un projet.

Vu l’ampleur du projet et les montants en jeu – au vu des experts –  il est tout à fait normal que la Guinée se fasse accompagner dans l’exécution d’un si important projet où elle est partie prenante tant au niveau de la mine que des infrastructures incluant le chemin de fer et le port.

Guinéenews© a cherché à connaitre les dessous, les tenants et aboutissants de ce contrat dont le montant et le début de la durée n’ont pas été dévoilés – chose tout à fait habituelle en Guinée, tant les décideurs sont muets sur les questions de dépense de l’argent public. Malheureusement, ni l’entreprise ni le gouvernement n’ont voulu se prêter à toutes nos questions au moment où nous publions cet article. Le membre du comité de pilotage de Simandou, ministre directeur de cabinet du gouvernement n’a pas répondu à notre demande d’information. Quand a Egis, la conversation s’est interrompue brutalement quand Guinéenews© a demandé le montant du contrat et s’il avait fait l’objet d’un appel d’offres concurrentiel.

Marché gré-à-gré géré au niveau de la Présidence ?

D’après le code des marchés publics, les appels d’offres sont obligatoires pour les marchés supérieurs à un certain montant. Aucune trace d’appel d’offre n’existe dans le journal officiel et les géants mondiaux de l’ingénierie – SNC Lavalin (Canada),  Bouygues (France), Mistibushi (Japon), Fluor Engineering (Etats-Unis) ne semblent pas avoir été mis au courant de cette opportunité de contrat pour pouvoir soumissionner.

Selon des experts interrogés par Guinéenews©, ce n’est pas la compétence de la firme Egis qui est mise en doute – ayant fait ses preuves dans d’autres pays – mais l’opacité de ce contrat qui engage la Guinée dans les décennies à venir fait qu’il  est de l’avis de certains  impossible pour les gouvernements futurs – après la transition – d’évaluer si ce contrat – comme tous les autres contrats publics – a été la meilleure option pour la Guinée.

Egis a déjà remporté en Guinée, plusieurs contrats de gestion d’infrastructures – notamment l’aéroport de Conakry en décembre 2022 et la réhabilitation de la route Conakry – Mamou – Dabola sous l’ancien régime de l’ex président Alpha Condé. En principe, dans ce dernier cas, Egis devrait contrôler les travaux de la firme chinoise China Road and Bridge Corporation (CRBC) chargée de la construction de la route financée à même des royalties de Chalco sur son exploitation de bauxite en Guinée. Egis a aussi été le « conseiller technique » de la rénovation de la route Donka – BelleVue dans la capitale Conakry reconstruite par CBITEC.

Certains critiques estiment que ces marchés sont des « broutilles » comparés au multi milliard projet infrastructurel qu’est Simandou où les grands joueurs chinois – Chinalco et Baidu Steel – et anglo australiens – Rio Tinto – mènent la danse. Egis – contrairement aux Bouygues,  n’est pas parmi les plus grandes entreprises françaises à plus forte raison dans le monde.

Curieusement, c’est la présidence elle-même et non le ministère des mines ou des infrastructure encore moins les Grands Projets, qui gère ce dossier et ce sont le ministre directeur de cabinet – et ami personnel de longue date du président de la Transition – et son conseiller personnel qui ont fait le déplacement en Chine pour l’avancement du projet censé reprendre en mars 2023 – après plusieurs arrêts – selon un communiqué de la présidence de la Transition.

Sur son site Internet, Egis se targue de « fort de 70 ans d’expérience et de 1 500 collaborateurs dans 25 pays du continent. Egis planifie, construit et exploite de grands projets d’infrastructures pour ses clients de toute l’Afrique » mais ne mentionne pas ses projets en Guinée préférant se concentrer sur les réalisations en Afrique du Sud (transport urbain), Cameroun  (péage routier et stades), etc….

L’Etat français à travers la Caisse de Dépôt est actionnaire à 34% du capital d’Egis ce qui fait dire à certains cyniques que c’est la raison veritable pourquoi la diplomatie française semble silencieuse face à certains critiques de la  gouvernance de la junte militaire de transition en Guinée.

Le silence assourdissant de Rio Tinto

L’autre acteur de ce projet, la firme australienne Rio Tinto est toujours silencieuse sur les développements annoncés par la Guinée quant à l’évolution de Simandou. Aucune ligne de dépense extra ordinaire dans son budget, aucune annonce aux actionnaires pour une société cotée en bourse et soumise à une pression des organisations non gouvernementales sans précédent sur ses relations avec des gouvernements non issus de processus démocratiques à l’occidentale.

Fortescu, le géant minier, perdant de l’appel d’offres sur Simandou et concurrent de Rio Tinto vient quant à elle annoncer le lancement de son propre Simandou au Gabon avec un détail sur le contrat d’exécution,  et le début des exportations cette année, indique dans un communiqué de presse adressé aux actionnaires.

Le dilemme de Rio Tinto est évident de l’avis des experts : soit chercher à contrer les géants chinois – Baidu, Chinalco – qui veulent réduire leur dépendance envers elle et l’Australie ou bien les rejoindre et jouer un rôle secondaire dans ce qui est considéré comme le plus riche gisement de fer non exploité dans le monde. Le hic pour Rio est que ce gisement a été « gelé » pendant plus de 2 décennies au grand dam des gouvernements  successifs de la Guinée. La concession initiale de tout le Simandou a été accordée pour la première fois à Rio Tinto par le régime de Lansana Conté en 1997, soit il y a 23 ans quand le président de la Transition Mamadi Doumbouya avait seulement 17 ans !

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