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«Si les conducteurs savaient l’importance de l’extincteur, ils l’auraient choisi avant le pneu de secours», dixit le S/G des transporteurs d’hydrocarbures

Des incendies récurrents de véhicules, survenus ces temps derniers à Conakry et dans le pays profond, ont polarisé l’attention des citoyens. Un seul de ces sinistres s’est produit après accident. Tous les autres, ont lieu pendant le roulage, en pleine circulation.

Par ordre chronologique, nous allons citer les cas, d’un camion et d’une voiture, suite à une collision par arrière à Yeniya dans la sous-préfecture de Tanènè, d’un bus de la société de transport public, à Bambeto, de deux camions, respectivement à Yombokhouré (Linsan) et Boulliwel (Mamou) et encore d’une voiture en début de semaine, peu après la T8, vers la cimenterie. Aucun de ces véhicules ne disposait d’extincteur. De même, pas un seul des usagers « secouristes » n’en possédait ou n’en a fait usage pour s’attaquer au départ de feu. A certains endroits, quelques dispositions ont bien été prises pour limiter les dégâts. C’est le cas à Yeniya, où un apport d’eau par camion-citerne a été possible sur réquisition du maire de Tanènè. Quant à Yombokhouré, les secouristes ont défait quelques sacs de ciment de la cargaison du camion pour en jeter la poudre sur les flammes. Pour l’ensemble de ces cas, les dégâts matériels ont été considérables. Pire, il y a eu cinq morts à Yeniya, parmi lesquels deux qui ont péri dans les flammes.

Ces cas évoqués ici ont interpellé bon nombre de nos concitoyens qui ont exprimé leur profond regret devant tant de calamités. L’un de ceux qui nous ont traduit le mieux leur engagement à voir cette série d’incendie s’arrêter a été le secrétaire général du syndicat CNTG des transporteurs d’hydrocarbures. De par sa fonction de premier responsable syndical et de conducteur de camion-citerne, Alpha Oumar Baldé s’intéresse vivement aux questions de circulation et de sécurité routière. Pour lui, le palliatif essentiel contre l’incendie de véhicule reste l’extincteur. Tout usager doit en posséder au moins un, qui soit en bon état de fonctionnement. En plus, son détenteur doit pouvoir s’en servir correctement.  La trame du discours et la profondeur des convictions laissent apparaitre chez ce syndicaliste, un réel désir de contribuer à l’information et à la sensibilisation du public pour que de pareilles situations ne se reproduisent plus sur nos routes. Entretien.

Guineenews: monsieur Baldé, ou pour faire dans le vocabulaire syndical, camarade secrétaire général, qu’est-ce qui vous a fait réagir dans la survenue de tous ces incendies de véhicules que nous enregistrons chez nous, depuis un certain temps?

Alpha Oumar Baldé : merci de me permettre de m’exprimer sur un sujet aussi pénible et dramatique que celui-ci. Cela me donne l’opportunité d’apporter ma petite contribution ou ma petite expérience que je voudrais partager avec tous les usagers, tous les détenteurs d’engin, dans le cadre de la sécurité routière. L’incendie de véhicule n’est jamais un sujet banal. Au-delà de son caractère spectaculaire et de sa capacité à se propager vite et loin, il y a la perte matérielle, la destruction de l’environnement et parfois aussi hélas, les cas de brûlés ou de mort d’homme. Evoquer ce sujet nous conduit toujours à remémorer des exemples survenus ici et là à travers nos préfectures. J’ajoute à votre longue liste de cas survenus ces temps derniers, un accident sur la route de Koundara qui avait entrainé l’incendie de deux véhicules (un camion transportant des bœufs et un taxi en provenance de Lélouma). Aussi, un camion-citerne qui avait pris feu bien avant, à Souguéta. La liste n’est sans doute pas exhaustive. Loin s’en faut. Les services de sécurité routière, police et gendarmerie pourraient mieux en parler que moi. Tout cela nous amène à regretter les malheurs survenus et nous exprimons notre tristesse pour les pertes subies et nos condoléances pour les cas de décès. Je vous le dis sincèrement, devant des situations pareilles, je ne peux pas m’empêcher de réagir, c’est plus fort que moi !

Guineenews: qu’est ce qui explique que vous éprouviez tant d’émotion à aborder ce sujet?

Alpha Oumar Baldé : d’abord je suis comme tout le monde, un être humain avec un cœur et des sentiments. Ensuite je suis chauffeur de camion-citerne et secrétaire général d’une section syndicale de plus de deux mille adhérents. Le risque d’incendie de véhicule nous concerne tous, quel que soit notre âge, notre religion, notre rang social ou notre profession. Aucun conducteur d’engin motorisé n’est à l’abri, surtout nous qui transportons les hydrocarbures. C’est pour cela, par rapport à mes convictions religieuses, à ma formation, à mes responsabilités, et à mon devoir citoyen, je ne blague pas quand il s’agit d’évoquer un tel sujet. Je suis profondément sensible au malheur d’autrui.

Guineenews: pour vous et autour de vous, cela signifie faire quoi concrètement?

Alpha Oumar Baldé : il s’agit pour moi de donner le bon exemple à tous les chauffeurs, de les inviter à adopter le bon comportement pour éviter l’incendie de leur véhicule et si l’incendie survient, leur dire ce qu’il faut faire et comment le faire. Comme vous l’avez dit, la liste est longue de véhicules qui prennent feu dans la circulation. Les causes d’incendie sont diverses. Elles sont d’origine mécanique et surtout électrique. Mais l’unique et meilleur remède à pareille situation, c’est l’extincteur. L’avez-vous à bord de votre véhicule ? Est-il en état de fonctionner ? Savez-vous vous en servir correctement ? Si oui, vous êtes à l’abri, en cas de problème. Tout déclenchement de feu sur votre véhicule reste un simple incident. Vous maitrisez parfaitement la situation et éteignez rapidement les flammes.  Vous pouvez même envisager de continuer votre chemin, les dommages étant généralement très limités. Vous pouvez également assister tout automobiliste en situation de détresse que vous trouvez sur la route. C’est là toute l’importance de l’extincteur. Je voudrais déjà vous prévenir que je vais répéter ce mot des dizaines de fois. Il est si important à mes yeux ! Je m’excuse par avance de vous sembler ennuyeux.

Ceux qui ne possèdent pas d’extincteur peuvent le regretter très amèrement. Quand le feu survient un jour, à un endroit où il n’y a rien à utiliser pour le combattre. Qu’il n’y ait pas d’étoffes ou de linges mouillés, pas de feuillages, pas de terre, pas de sable. Rien que les mains nues. Que se passe-t-il alors ? En général, ces malheureuses victimes restent choquées et tétanisées, à regarder leur véhicule brûler jusqu’aux jantes, sans rien pouvoir faire. C’est dommage et ce n’est pas à souhaiter !

Guineenews: vos explications nous amènent à comprendre que vous avez acquis des compétences dans ce domaine. Est-ce que vous les transmettez aux autres, notamment à vos collègues chauffeurs et même au-delà ?

Alpha Oumar Baldé : c’est prétentieux pour moi de vous dire que j’ai des compétences me permettant d’enseigner aux autres. Il y a bien meilleur que moi dans le transport d’hydrocarbures. Bien sûr, au-delà de la formation professionnelle initiale et des recyclages réguliers dispensés à tous ceux qui travaillent dans notre secteur, j’ai bénéficié en 2014 avec d’autres chauffeurs, d’un stage organisé par Total en Tunisie. Mais cela ne fait pas de moi un expert capable de transmettre des connaissances, comme vous pouvez l’espérer.

Je peux vous dire sans hésiter et en toute honnêteté que nous avons des cadres compétents qui nous forment dans toutes les disciplines liées à la manipulation des produits pétroliers et à la conduite défensive. Il y a aussi parmi nous d’éminents spécialistes en protection incendie qui veillent en permanence sur notre cadre de travail, surtout au dépôt à Coronthie.

Au demeurant, je vous le répète, tous les transporteurs d’hydrocarbures sont formés et régulièrement recyclés. Ils sont aussi constamment et rigoureusement suivis dans leurs activités au quotidien. Cette disposition ne souffre d’aucune dérogation et elle est en train d’être élargie à l’ensemble des parcs, jusqu’à ceux des particuliers, appelés indépendants.

C’est l’un des combats de notre syndicat et celui de notre camarade Adama Sanoh de l’USTG. Nous faisons front commun avec lui dans l’intérêt bien compris de notre pays et des populations, quand on sait ce que représente l’importance du transport d’hydrocarbures et le danger qui le guette en cas d’incendie ou d’accident.

Dans cette activité, nous sommes soutenus par Total et Vivo, par les patrons des parcs, les chauffeurs eux-mêmes et aussi notre chef de département, M. le Ministre Diakaria Koulibaly.

Chacun se préoccupe de nous voir toujours assurer un transport sécurisé de nos produits. Nous entendons maintenir ce cap et faire en sorte que notre exemple, salué par tous, soit suivi par l’ensemble des chauffeurs de notre pays, pour qu’il y ait moins d’incendie de véhicules et moins d’accident.

Guineenews: des incidents techniques sont mis à l’index pour expliquer ce phénomène assez insolite d’incendie de véhicules. Au même moment vous avez une frange de l’opinion qui range souvent ce genre d’évènements en série dans le domaine du mystique. Quel est votre avis ?

Alpha Oumar Baldé : Je suis chauffeur depuis 1988. On m’a toujours appris que l’accident ou l’incident, comme un déclenchement accidentel de feu sur un véhicule, est à mettre au compte d’un comportement humain. Le véhicule et la route sont construits par l’homme qui les utilisent à des fins diverses pour la satisfaction de ses besoins. Vous voulez qu’on accuse le véhicule ou la route en cas de problème qui survient dans la circulation ? A mon avis, non ! L’homme est toujours responsable de ce qui arrive, puisque c’est lui qui utilise le véhicule et la route. C’est lui qui doit toujours dominer les deux éléments qui ne sont que des outils à son service.

Pour moi, tous ces incendies de véhicules sont dus au mauvais entretien et à la mauvaise réparation des véhicules et surtout au manque d’extincteur constaté sur la plupart d’entre eux. Il n’y a pas à invoquer d’autres raisons qui font la place à la fatalité, au destin ou au hasard.

Guineenews: que pensez-vous donner aux autres conducteurs, comme exemple, conseil, ou leçon?

Alpha Oumar Baldé : nous ne donnons pas de leçon !  Nous allons simplement parler de la nécessité pour chacun d’entretenir son véhicule. Nous insistons, comme je vous l’ai dit plus haut, sur les problèmes électriques qui sont souvent à l’origine des incendies. Les mauvaises réparations, les mauvais branchements, les mauvais serrages, les fils dénudés, les mauvaises protections des installations, etc.… Mais nous allons surtout parler et encore parler d’extincteur. Un outil dont nous, transporteurs d’hydrocarbures et produits assimilés, nous ne nous séparons jamais. Chez nous, aucun véhicule ne peut circuler sans cet accessoire. C’est même inimaginable. Qui dit camion-citerne dit extincteur. Quand vous ne l’avez pas, votre véhicule n’a pas accès au dépôt à l’APT et donc vous n’êtes pas habilité à charger, à transporter ou livrer du carburant. Vous transporterez de l’eau, si vous voulez, mais jamais du carburant !

A-t-on idée de charger 40.000 litres d’essence dans une citerne pour livraison chez un client en ville ou à l’intérieur du pays, sans s’être assuré de la présence des extincteurs requis pour parer à tout début d’incendie ? C’est la première chose que l’on vérifie avant la roue de secours. Sur les camions citernes ce sont trois extincteurs qui sont exigés : un pour la cabine, les deux autres de 9 kilos chacun, pour la citerne. Ils sont de classe A B C, pour ceux qui comprennent ce langage technique. Pour faire simple, disons qu’ils éteignent les feux solides, de classe A, ceux liquides d’hydrocarbures, de classe B et les feux de gaz, de la classe C. C’est tout cela qui se trouve associé, combiné, dans un camion-citerne. Un mélange hautement inflammable, une vraie bombe !

Guineenews: c’est dire donc que le contrôle de  l’extincteur effectué en rase campagne par la gendarmerie a sa raison d’être, quand on l’exige aux automobilistes ?

Alpha Oumar Baldé : bien entendu que cela est important ! Vous imaginez que les véhicules roulent sans extincteur, c’est grave. En cas d’incendie, comment faire, avec tous les dégâts qui en résultent et dont nous venons de faire état ?

Guineenews: cependant, ils sont nombreux les automobilistes qui ne semblent pas comprendre le bien-fondé de cette mesure

Alpha Oumar Baldé : vous avez raison. Cela est à mettre au compte de l’ignorance. C’est le cas de beaucoup de gens qui n’ont jamais vu ou vécu un incendie de véhicule. Autrement, ils seraient les premiers à faire la promotion de l’extincteur.

Guineenews: on dit également que pendant le contrôle, on leur parle de gaz et on demande parfois ‘d’essayer’ si l’extincteur marche.

Alpha Oumar Baldé : je l’entends dire aussi. Mais tout cela tient de l’ignorance des uns et des autres. D’abord l’extincteur ne contient pas du gaz, mais plutôt de la poudre ou du liquide, selon la ou les classes de feu pour lesquels il est conçu. Ensuite, s’il est en bon état, on n’a pas besoin de le tester pour s’assurer qu’il fonctionne correctement. ‘L’essayer’, comme on l’entend dire, c’est le vider en quelques secondes. Il ne faut pas oublier qu’il est à usage unique et ne doit être utilisé qu’en cas de départ de feu sur un véhicule ou partout ailleurs où un feu se présente. Il faut ensuite le recharger par un professionnel certifié en la matière.

Guineenews: ainsi donc, un extincteur s’entretient. Il se charge, se décharge et se recharge

Alpha Oumar Baldé : affirmatif ! A travers les formations reçues, on nous a appris qu’il y a les extincteurs à pression permanente et ceux à pression auxiliaire (à percuter). Mais comme notre entretien n’est pas destiné à former les usagers ou les lecteurs, il faudrait plus de temps pour cela, nous allons nous contenter de les sensibiliser pour qu’ils comprennent la grande utilité de l’extincteur. Cet outil précieux pour la sécurité routière ne s’utilise qu’une seule fois. Il est toujours fabriqué pour une ou plusieurs classes de feu bien déterminées. Il faut surtout apprendre à s’en servir correctement pour vite et bien maitriser le feu et éviter de faire appel aux sapeurs-pompiers. Il ne doit pas servir d’ornement à afficher ou de faire-valoir pour passer les contrôles routiers.

Guineenews: c’est dire donc que les extincteurs que les gens brandissent avec ostentation pour prétendre qu’ils sont en règle, ne sont pas toujours opérationnels.

Alpha Oumar Baldé : il m’est difficile d’être formel là-dessus, puisque nous ne savons pas comment ces dits extincteurs ont été acquis. D’où nous viennent-ils, qui les a fabriqués, sont-ils homologués ?

Pour nous qui travaillons dans le secteur pétrolier, nos fournisseurs sont des entreprises agréées à cet effet. Les spécialistes qui y travaillent assurent le service après-vente. Tous les extincteurs utilisés sont rechargés et le reste des lots disponibles est soumis à entretien tous les six mois. Des inspections régulières sont effectuées par nos responsables en charge de la sécurité, pour s’assurer que cela est fait. On ne badine pas avec ce règlement et tout le monde s’y soumet sans discuter. Chez nous, c’est devenu une culture, un réflexe.

Guineenews: et les extincteurs que les gens vendent ici et là, en bordure de route ?

Alpha Oumar Baldé : je suis mal placé pour en parler. Il y a des gens plus qualifiés pour aborder cette question. Vous avez dit le marché et quel marché ? Celui qui se tient de manière informelle sur la route ? Si oui, alors nous sommes dans le domaine du risque, en termes de qualité, puisque nous n’avons aucun document qui certifie la garantie du produit vendu ou acheté.

Guineenews: monsieur Baldé, camarade secrétaire général, un mot de fin ?

Alpha Oumar Baldé : notre corporation bénéficie d’un niveau de formation appréciable qui explique le comportement que nous avons sur la route. Nous sommes cités en exemple et cela nous rend fiers.

Chez nous, il ne s’agit pas de réduction du nombre d’accidents, mais plutôt de zéro accident. Et nous le réussissons. Ce qui prouve que cela est du domaine du possible.

Dès lors, nous avons une responsabilité qui nous incombe : celle de nous atteler à toujours montrer le bon exemple, faire passer les bons messages autour de nous pour améliorer le comportement des usagers de la route.

Notre bureau syndical, avec l’appui de tous nos mandants, s’emploiera toujours à accompagner les autorités dans toutes les initiatives concourant à renforcer la sécurité routière dans notre pays.

Pour le cas spécifique des extincteurs, vous avez pu apprécier le nombre de fois que j’ai dû répéter ce mot, vous me permettrez de dire toute mon espérance de voir les usagers en comprendre l’utilité, de telle sorte qu’ils s’en procurent librement, sans y être contraints. Ils doivent pouvoir l’utiliser aussi facilement que leur téléphone portable et se préoccuper de son entretien régulier.

A mon humble avis, ce serait tout simplement merveilleux si les citoyens, dans leur ensemble, pouvaient être formés à l’usage des extincteurs et au secourisme.

Utopique, peut-être, mais cela permettrait d’assurer une protection qui dépasse le cadre strict de l’automobile.

En effet, le risque de feu est partout : sur la route, au travail, dans les lieux publics, les maisons d’habitation et même au-delà.

Il faut s’en prémunir pour vivre à l’abri du danger.

Guineenews: je vous remercie

Entretien réalisé par Diao Diallo pour Guineenews

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