La relance de Guinée Télécom dans les conditions actuelles présentées comme une préoccupation voire une priorité de tous les ministres qui se sont succédé à la tête du département des Télécommunications est-elle économiquement viable ? La réponse est non, selon l’ingénieur et expert dans les technologies de l’information, Mamady Kaba.
Il l’a fait savoir dans un mémorandum fait à l’attention de Colonel Mamadi doumbouya, président de la transition. Après avoir rappelé l’historique de la société dont le matériel acheté avec les 50 millions de dollars empruntés à EximBank serait obsolète. Il fait un état des lieux où il multiplie les arguments pour démonter son assertion.
Dans ce diagnostic, Monsieur Kaba affirme sans ambages que : « Guinée Télécom SA n’existe que juridiquement avec quelques actifs de la catégorie des immobilisations incorporelles de ladite société.» Avant d’ajouter que «les derniers rapports annuels de régulation disponibles chez l’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications (ARPT) en disent long sur le fait que pendant les cinq (5) prochaines années, il sera difficile voire impossible pour une autre société de pénétrer le marché de la téléphonie et se faire de la place c’est-à-dire des profits».
Toujours dans la rubrique état des lieux, l’ingénieur déclare que «la stratégie de fusion de Guinée.Télécom.SA avec la société Cellcom Guinée est à mon avis un risque et des gâchis de ressources de l’Etat en français simple il est improductif de célébrer le mariage d’un couple composé d’un mort (Guinée-Télécom.SA) et d’une comateuse (Cellcom) ».
En tout cas, argumente-t-il, «il est important de comprendre que la société Cellcom est à nos jours déficitaire comme l’était la Sotelgui il y a 10 ans ». Et de démontrer que les «actifs actuels de la Société Cellcom s’élèvent à 300 milliards GNF contre plus de 600 milliards GNF dont près de 500 milliards GNF appartenant à l’Etat guinéen en guise de redevances et taxes impayées». Des « données confidentielles (Axione, ARPT)» qui «…prouvent à suffisance que cette stratégie de fusion ne pourra produire qu’un effet temporaire de jouissance et ne saurait être pérenne en termes de création d’emplois et de richesses internes », prévient l’expert.
Les limites du schéma actuel
A propos de «la prise en charge des passifs et une prise de participation », Mamady Kaba, révèle « lors des négociations déjà entamées, la société Cellcom demande une prise en charge de ses passifs par la joint-venture avec prise de participation de 8 à 16% dans les actions de la société issue de la joint-venture ». Avant de poser la question de savoir «pourquoi Guinée-Télécom.SA prendra-t-elle les passifs d’une autre société, alors qu’elle-même s’est débarrassée il y a plusieurs années de ses passifs en les mettant au compte de la dette nationale afin de permette à la société d’attirer et rassurer les investisseurs à l’époque ?».
En tout cas, de l’avis d’expert, la « problématique liée au marché… il sera difficile pour une nouvelle société de tenir la concurrence actuelle dominée par la société Orange ». Tout au moins, ça ne sera pas sans condition. « Pour tenir, la concurrence il faut tenir : la couverture, la qualité ‘’Qos’’, la disponibilité… », rappelle-t-il.
Et de détailler « qu’avec plus de 1000 sites disponibles chez Orange, et 800 sites disponibles chez MTN, il est important de comprendre que la fusion des sites de Guinée-Télécom.SA et Cellcom font à peine 300 sites ».
Raison pour laquelle, le spécialiste préconise deux solutions. Premièrement, la «saisie de la société Cellcom Guinée par l’Etat». Non sans préciser que «même en cas de la liquidation de la société Cellcom, la dette qu’elle doit à l’Etat ne saurait être remboursée dans sa totalité. Par conséquent, la société peut être juridiquement saisie et remise dans le portefeuille de l’Etat ». Notant de passage que «les données stipulent en effet que la dette de la société Cellcom vis-à-vis de l’Etat guinéen (près de 500 milliards GNF) est largement supérieure à la somme des actifs de ladite société qui représentent (300 milliards GNF)».
Seconde option, la plus viable à en croire M. Kaba, s’inspirant de la Société nationale sénégalaise Sonatel, le «lancement de Guinée-Télécom.SA en tant que société d’infrastructures de télécommunications et (la) prise d’actions dans la société dominante sur le marché (Orange)».
Dans son schéma, l’expert intègre «les sociétés comme la GuiLab.SA où l’Etat est actionnaire majoritaire et la Sogeb.SA où l’Etat est 100% actionnaire, (qui) sont des projets initiés par l’Ex Sotelgui », tous les deux. Et de proposer «la fusion de ces entités au sein de la nouvelle société Guinée-Télécom.SA afin qu’elles puissent agrandir ses actifs pouvant lui permettre de prendre des actions au sein de la Société dominante du secteur et monter à la table de décision de celle-ci».
En attendant de savoir le sort réservé à ce mémo, on est au moins sûr d’une chose: le président a un élément de comparaison en vue d’une prise de décision finale.