« Je prie Dieu que le Colonel Doumbouya et son Gouvernement se tournent vers moi comme plusieurs autres, afin de m’aider pour recouvrir ma santé. C’est Dieu qui va les récompenser. J’ai passé toute ma vie à servir cette nation, et si je me retrouve aujourd’hui dans ce piteux état, c’est ce destin que Dieu m’a réservé. Pensez à nous autres, qui avions servi ce pays, est un devoir et une reconnaissance »
Fanta Kaba, ancienne actrice des Ballets africains, recrutée depuis 1964, est malade alitée depuis 9 ans. Aujourd’hui, elle perçoit que l’indemnité que le gouvernement a octroyée aux anciennes gloires.
Après tous les efforts consentis pour l’essor de la culture guinéenne, elle se sent « très déçue. »
Avec des phrases entrecoupées, immobile sur son lit de malade, celle dont le célèbre acteur et réalisateur américain Marlon Brando séduit, a voulu nouer la bague autour du doigt, et qui par patriotisme s’en est abstenue, s’est livrée à cœur ouvert à Guineenews.
Fanta Kaba est née en Côte d’ivoire. Elle est la fille de Ousmane et de Adouna Doumbouya de nationalité ivoirienne. Fanta n’a pas connu la route de l’école française. Cependant, elle maitrise plus ou moins le coran.
Cette célèbre actrice était mariée et divorcée sans enfants. Plusieurs années au sein des Ballets africains, elle a rendu le tablier suite, dit-elle, à la proposition du processus de départ volontaire. Qu’elle en avait marre déjà et que quand l’occasion s’est présenté « j’ai foutu le camp ».
Fille adoptive du feu président Ahmed Sékou Touré pour un moment de sa vie, Fanta Kaba vivait dans la cour présidentielle, et finalement vu les heures tardives après les spectacles, elle a préféré s’éloigner pour ne pas déranger, et se refaire une autre vie. Elle affirme pourtant que les relations, jusque-là, restent toujours serrées entre elle et cette famille présidentielle.
Entourée de ses deux impressionnants chiens de garde (Bamakan et Fidèle), et du jeune Lamine Bangoura, qu’elle a entretenu depuis l’âge de 4 ans et qui en a 27 aujourd’hui, veillent sur la célèbre Fanta Kaba.
Ce fut une découverte, une rencontre pleine d’émotions, car tout au long de l’interview, notre interlocutrice, Fanta Kaba était en larmes.
Guinéenews : On peut affirmer aujourd’hui bien que vous ne soyez plus sur scène, que vous faites partie des doyennes au sein des Ballets Africains de Guinée. Comment êtes-vous venue dans le théâtre et parlez-nous de votre parcours ?
Fanta Kaba : J’ai été recrutée par feu Ahmadou Cissoko, qui était le directeur des Ballets Africains de Guinée d’alors et c’était à Dixinn. Ma forme a plu et du coup, il a eu ce jugement de m’intégrer dans les Ballets africains de Guinée. J’étais toute jeune, inexpérimentée dans la danse et progressivement, ils ont assuré ma formation et c’était vers 1964.
Guinéenews : Pouvez-vous nous énumérez quelques rôles d’actrice principale dont vous aviez tenu dans ces Ballets africains ?
Fanta Kaba : J’ai été actrice principale dans les numéros ‘’Soundiata’’, ‘’Bagataye’’. Et j’ai joué plusieurs autres rôles secondaires et signifiant dans assez de numéros au sein des Ballets africains. C’est moi qui jouais le rôle du serpent dans l’orpheline. Quand j’y pense, ce sont des larmes qui coulent.
Guinéenews : A vu d’œil, votre état de santé est critique et préoccupant. Vous êtes malade depuis combien de temps et qu’est-ce qui vous est arrivé ?
Fanta Kaba : Il y a 9 ans de cela que je suis malade alitée. Pour un premier temps, j’ai été victime d’un accident de circulation dans un magbana (transport en commun). J’ai eu des fractures à plusieurs endroits, au niveau de mes membres inférieur et supérieur. J’ai aussi été victime de chute, ce qui a aggravé mon état de santé. Présentement, je ne peux pas marcher et je me déplace à l’aide d’un fauteuil roulant.
Guinéenews : Dans cet état actuel, comment vous parvenez à résoudre les problèmes de vos soins médicaux et pharmaceutiques ?
Fanta Kaba : Ah ! par la grâce de Dieu, j’arrive tant soit peu à résoudre mes problèmes de santé. Je bénéficie de l’indemnité octroyée aux grandes gloires d’un montant de 5 000 000 GNF et chaque mois je perçois 4 800 000 GNF.
Guinéenews : Alitée depuis 9 ans, peut-on connaitre vos sources de revenus ?
Fanta Kaba : à part cette indemnité, je dirai Dieu merci car j’ai une école primaire privée dénommée ‘’INGRID’’, qui me rapporte plus ou moins quelques sous, bien que je facilite la scolarisation à de moindres couts (30.000 FG/mois pour tous les cycles).
Guinéenews : Recruté au sein des Ballets africains depuis 1964, vous ne percevez pas vos droits d’auteurs au niveau du BGDA ?
Fanta Kaba : je n’ai jamais perçu un droit d’auteur provenant du BGDA. Dans mon état actuel, veulent-ils que je coure derrière eux comme un mouton ? S‘ils n’ont pas pitié, quant à moi, j’ai une dignité.
Guinéenews : Quelles sont vos relations actuelles avec les Ballets africains de Guinée ?
Fanta Kaba : nos relations sont moindres. Feu Hamidou Bangoura me rendait le plus souvent visite. A part ce grand monsieur, personne ne s’inquiète de ma vie.
Guinéenews : Votre ministère de tutelle s’occupe-t-il de vous et de votre état de santé ?
Fanta Kaba : le département n’a pas besoin de moi et je l’ai compris. C’est quand tu es en activité qu’on t’applaudit et en dehors de la scène, c’est l’ingratitude qui se dessine.
Guinéenews : Pendant que vous étiez au sein des Ballets africains, qu’est ce qui a le plus retenu votre attention ?
Fanta Kaba : c’est la discipline surtout qui régnait au sein du groupe. L’union était incontestable et nous avions dansé et chanté à cause de la patrie. J’étais la responsable des femmes et pour tout conflit, il se gérait avant ou après les spectacles.
Guinéenews : De bouche à oreille, est-ce vrai que cet acteur et réalisateur américain MARLON BRANDO était tombé amoureux de vous et voulait vous avoir comme épouse ?
Fanta Kaba : C’est vrai que Marlon Brando a coïncidé à un de nos spectacles à Honolulu (Hawaï). Par la suite, il avait favorisé beaucoup de spectacles pour les Ballets africains aux USA. Il s’était manifesté et il avait vraiment voulu m’épouser. J’étais en mission de l’Etat et patriote, je ne pouvais pas accepter. Il m’a vraiment prouvé de l’amour. Je ne pouvais pas déserter car le responsable suprême de la Révolution avait une confiance extrême en moi.
Guinéenews : Bien qu’étant malade, avez-vous des projets ?
Fanta Kaba : dans mon état actuel, je n’ai aucun projet sauf celui en cœur et tout en priant Dieu, de m’accorder la possibilité de réaliser mon rêve, celui d’accomplir mon cinquième pilier de l’Islam qu’est le pèlerinage.
Guinéenews : Dans l’enceinte de votre domicile, il y a des espaces construits et qui certainement ressemblent à des pistes de danses. Peut-on avoir des explications à propos ?
Fanta Kaba : avant, je dispensais des cours pratiques de danses à plusieurs Guinéens et expatriés. Ce domaine dont vous parlez a été conçu à cet effet.
Guinéenews : Avez-vous encore des relations avec tout ce monde d’élèves que vous avez formé et quels apports ont-ils pour vous ?
Fanta Kaba : je reconnais que tout ce monde d’élèves pense à moi et le plus régulier pour mon assistance, est un européen qui est décédé. Beaucoup d’autres continuent de s’occuper de moi.
Guinéenews : Quels conseils avez-vous pour cette jeune génération ?
Fanta Kaba : le seul précieux conseil que j’ai à prodiguer à cette jeunesse, est celui de suivre le pas des anciens. Quand je parle de pas, ce ne sont pas ces pas de danses mais plutôt nos traces, les marques indélébiles de nos valeurs artistiques et culturelles. Tous ces jeunes sont animés de l’esprit d’aller ailleurs, en Europe, aux USA et autres destinations. C’est bien leur époque, et je crois qu’il faille maitriser d’abord son domaine d’activités avant de penser à autre chose.
Guinéenews : Après la disparition de feu Hamidou Bangoura, sur qui misez-vous pour la relève ?
Fanta Kaba : honnêtement, si le choix doit se porter tout d’abord sur la compétence et que s’en suive l’expérience, à mon humble avis, MANANA est la plus indiquée.
Guinéenews : Quel est votre dernier message suite à cette interview ?
Fanta Kaba : mon dernier message s’adresse à l’endroit du Colonel Mamady Doumbouya et son gouvernement. Je prie Dieu qu’ils se tournent vers moi comme plusieurs autres, afin de m’aider pour recouvrir ma santé. C’est Dieu qui va les récompenser. J’ai passé toute ma vie à servir cette nation, et si je me retrouve aujourd’hui dans ce piteux état, c’est ce destin que Dieu m’a réservé. Pensez à nous autres, qui avions servi ce pays, est un devoir et une reconnaissance.
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews.