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Que sont-ils devenus ? Amadou Mouctar Bah, du groupe African groove, se confie à Guinéenews

Amadou Mouctar Bah est musicien, guitariste et chanteur. Il est membre de l’orchestre, du groupe African groove de feu Maitre Barry. Né en 1958 à Télimélé, il est le fils de Mamadou Aliou alias Super Bobo, opérateur économique et de Safiatou Bah. Marié à une femme, il est père de 4 enfants dont 3 filles.

Amadou Mouctar Bah n’a pas fréquenté l’école française. Par l’aide de son grand père, Il a reçu une saine éducation et a appris le coran. Il rend hommage à ce grand parent, qui lui a tout enseigné et l’a protégé puisque, né handicapé dans un état de malformation

Autodidacte, il a appris la langue de Molière, l’anglais et de surcroit l’espagnol.  C’est quand il a quitté le grand père et arrivé à Dakar qu’il a continué l’apprentissage du ‘’Tafsir Khourane’’.

A bâton rompu, Amadou Mouctar Bah, nous plonge dans son univers musical à travers Guineenews, ce site quotidien d’information en ligne, qui fouille et étale dans cette rubrique, la vie, les œuvres et parfois le carnet de santé de nos acteurs du secteur des arts, de la culture et des sports.

Lisez l’interview

Guinéenews : Musicien, guitariste chanteur au sein du groupe African groove de feu Maitre Barry, ce site quotidien d’informations en ligne, s’intéresse à vous par rapport à la musique. Dites-nous comment vous vous êtes retrouvé là ?

Mouctar Bah : je me suis retrouvé dans la musique par le biais des amis sénégalais, toucouleurs, la famille Kann qui habitait au N° 36, rue Mohamed 5 à Dakar. J’ai commencé à travailler avec des amis étudiants revenants de la France, et qui apportaient dans leurs bagages des guitares (acoustique, électrique). Nous avions travaillé ensemble cette musique folk d’alors de Bob Dylan, de James Taylor, d’Otis Redding et autres. Moi, j’aimais bien et détenait tous les classiques guinéens du Bembeya, de Kèlètigui, du Horoya Band… Etant à l’extérieur et comme j’aimais le jazz, j’interprétais ces classiques sous forme de métissage. J’ai été vite repéré par les mélomanes sénégalais et grands musiciens. J’ai eu des contacts très serrés avec ces artistes de grandes renommées, tels Youssou N’Dour, feu Thione Balago Seck, Baba Maal et autres. J’avais eu à former même un groupe de jazz, dénommé à l’époque ‘’Kolobane Express’’, en compagnie de feu Cheick Tidiane Tall.

Guinéenews : Aviez-vous eu un maitre à la guitare ?

Mouctar Bah : un maitre à la guitare non ! Seulement que j’avais eu des personnes qui m’ont initié, notamment un ami du nom de Mohamed Gassama Kann. J’ai appris seul la guitare, puisqu’en Guinée et au village (Télimélé), je suivais les troubadours lors des ‘’Landiari’’, des fêtes célébrant les lendemains de Korité et de Tabaski. J’ai commencé à jouer le ‘’Kérona’’, le ‘’Tanbirou’’, et je n’ai pas eu de difficultés pour transposer ces notes sur la guitare.

Guinéenews : Parlez-nous de votre parcours ?

Mouctar Bah : musicalement, mon parcours se situe entre Dakar et ailleurs (Cote d’Ivoire, Zaïre, France…), en compagnie des requins de studios comme Séidina Issa Wade, Oumar Sow, Idrissa Diop. C’est un parcours riche surtout du côté ouest africain. J’ai bien aimé Aly Farka Touré dans son style, que je reprends d’ailleurs lors de nos différentes soirées en compagnie d’African Groove. C’est surtout au Sénégal, que j’ai aiguisé mes armes. J’ai appartenu au ‘’Kolobane Express’’, au ‘’Super Etoile 2’’ de Youssou N’Dour, à l’orchestre ‘’Daméls’’ de Dakar. À Abidjan, j’ai joué avec l’orchestre de la RTI et pas mal d’orchestres dans le continent. J’ai été un musicien, qui jouait plutôt dans les clubs de jazz. J’évoluais toujours dans un quartet composé d’un bassiste, d’un batteur, un saxophoniste et moi-même. Le Groupe anglais ‘’G Police’’ m’a toujours inspiré.

Guinéenews : Très doué dans les interprétations de la musique guinéenne qu’étrangère, d’où tirez-vous vos sources d’inspirations ?

Mouctar Bah : j’écoute beaucoup et je suis mélomane depuis l’âge de 7 ans. J’ai joué à plusieurs instruments. Ma principale source d’inspiration, c’est la musique américaine, le country music.

Guinéenews : Avez-vous des productions musicales sur le marché ou dites-nous quels sont vos projets ?

Mouctar Bah : je n’ai personnellement pas de productions musicales en ce moment. J’ai accompagné néanmoins assez d’artistes. Présentement, je suis en studio pour un album, dont un des singles va précéder la sortie en cette fin d’année 2023. Je compte aller finaliser cet album ailleurs. Cet album sera composé de 6 titres où je travaille seul, comme un homme-orchestre. C’est-à-dire, je joue ma basse, mon accompagnement, mes solos, je programme les claviers, les nappes, j’instaure personnellement les voix féminine et masculine en chœur. S’il s’agit de travailler en live, je ferai écouter l’album aux musiciens pour une conduite pendant les répétitions. C’est pour bientôt mon album.

Guinéenews : Presque malvoyant, comment expliquerez-vous cet état de fait qui impacte peu votre métier de musicien ?

Mouctar Bah : vous savez quand il s’agit du destin, Ko Allah yidhi kon o wadhata (littéralement traduit en français ‘’Dieu fait ce qu’il veut’’). Je suis né avec une malformation. Et Dieu m’a donné tout sur le reste de mes organes de sens. Autour de mon corps, il y a des sensibilités qui me préviennent. Psychologiquement, je suis bien averti et grâce à mon grand-père, j’ai été bien fabriqué et sur le plan du coran et de la protection.

C’est un fait de Dieu, et je ne trouve pas d’impact sur mon évolution grâce à Dieu. Je n’ai pas de guide et je parviens à conduire la nuit et non le jour. Je suis malvoyant et pas un non voyant.

Guinéenews : Vous êtes fils d’un très grand opérateur économique. Laissez-moi dévoiler le coin du voile. Pourquoi n’avez-vous pas abondé dans le même sens ?

Mouctar Bah : dans mon esprit, si votre père est menuisier, soyez maçon. Il faut donc diversifier les activités. Quand en tant que maçon, tu vas construire, il viendra achever en fermant le reste. Cette formule n’est pas facile à accepter. Mon choix de musicien n’a pas été si vite accepter.

Guinéenews : Vos parents se sont-ils opposés à votre choix ?

Mouctar Bah : bien sûr. Ils se sont opposés pendant des années. Sauf que mon père a été plus compréhensif que ma mère, qui était une vraie conservatrice. Ma première guitare fut achetée par mon père, suite à un concours de musique au Sénégal (Génération 80 ou Podium 80), que j’ai remporté à Dakar au temps du président Abdou Diouf. Ce prix était de 3.000.000 FCFA. Mon père avait assisté à la remise et finalement je n’avais demandé que 200 000 FCFA, et le reste a été gérer par le papa. La maman continuait à se lamenter, face au soutien que mon père m’apportait. Finalement, elle s’était ralliée en ne voulant plus accepter un de mes sous.

Guinéenews : Jouer à la guitare et chanter n’est pas fait pour tout le monde. Comment vous êtes arrivé à cumuler ces deux qualités ?

Mouctar Bah :  je suis entièrement d’accord avec vous, que ce n’est pas chose facile. Pour quelqu’un qui veut chanter et je ne dis pas crier, il faut maitriser les techniques de chants. Chanter et jouer au clavier est moins difficile que chanter et jouer à la guitare. Quand tu joues de la guitare, ton esprit doit être strictement concentré sur l’instrument. Je dirais que c’est un don d’avoir ces deux qualités.

Guinéenews : Peut-on appeler le Sénégal votre pays adoptif et si oui, quel parallèle faites-vous entre la musique guinéenne et celle sénégalaise ?

Mouctar Bah : je peux dire effectivement que le Sénégal est notre pays adoptif, notre second pays, le pays de notre soubassement. Vous savez, on a beau aimé notre maman, on ne peut pas rejeter son père. La Guinée est notre pays natal.

Quant au parallèle entre la musique guinéenne et celle sénégalaise, tout au début, toutes ces deux musiques s’identifiaient à travers la rumba congolaise, disons la musique cubaine. Sauf que chaque musique de son côté se faisait sentir par son identité. Progressivement, le Sénégal s’est démarqué en faisant valoir son ‘’Sabar’’, son ‘’balax’’ qui signifie ‘’mélange’’, c’est-à-dire quelque chose que l’on secoue et qui secoue. Les citoyens sénégalais se sont organisés et ils ont valorisé cette identité à travers leurs orchestres notamment, le ‘’Star band’’, ‘’ Number one de Dakar’’, ‘’ Etoile de Dakar’’, ‘’ Super Guéwel’’, ‘’ Khalam 2’’, ‘’ Super Kayor’’. Le Sénégal a réussi où la Guinée a échoué. Ils ont gardé leurs identités, pendant que la Guinée n’a pas pu conserver cet atout en maintenant ces orchestres nationaux. Tout a été jeter après 1984, suite à la mort de feu président Ahmed Sékou Touré. La jeune génération est venue s’accaparer de la culture, et la détourner du riche folklore guinéen. Je ne peux pas accepter aujourd’hui, d’entendre que la musique sénégalaise est plus internationalisée que celle guinéenne d’aujourd’hui.

Guinéenews : Comment aviez-vous intégrez le groupe African Groove ?

Mouctar Bah : c’est suite à ma rencontre avec Bintou Tofan Camara, qui était chanteuse au sein de ce groupe. Je jouais dans un bar restaurant sénégalais de la place, où elle a fait ma connaissance. Ce bar était géré par Benjamin Corréah, et je faisais de l’acoustique dans diverses variétés entre 18 h et 23 heures. Finalement, le groupe s’est agrandi. Bintou Tofan Camara était souvent notre invitée chanteuse. C’est à travers elle, que j’ai été présenté au maestro feu Maitre Barry, qui est venu directement rencontrer mon père pour mon recrutement au sein de son ensemble. Enseignant de profession, le maestro n’a pas eu de la peine pour m’intégrer au sein de son groupe African groove. Voilà comment, je me suis retrouvé au sein de ce groupe par l’intermédiaire de Bintou Tofan Camara.

Guinéenews : African groove composé de divers musiciens, qu’est-ce qui explique l’homogénéité de ce groupe ?

Mouctar Bah : feu maitre Barry était un homme bien organisé. Il avait trouvé la solution de recruter quelques anciens de ses amis, qui ne pourraient pas lui faire faux bonds. Donc il a été très strict dans le recrutement, et a tenu compte de la loyauté de ses amis et de leurs compétences. C’est ainsi il a pu former le noyau de ce groupe. Il a allié la compétence à la fidélité, pour arriver à ce qu’il est convenu d’appeler un groupe homogène dénommé African Groove.

Guinéenews : Avez-vous des relations avec d’autres artistes guinéens ou étrangers ?

Mouctar Bah : je tisse des relations très amicales avec tous les artistes guinéens. Seulement qu’il n’est pas facile de côtoyer les musiciens guinéens. Ils sont plafonnés, et quand un musicien est limité, il devient jaloux. Sinon, il y en a plein qui gardent le contact avec moi, notamment Soul Bang’s, Marcus des Banlieu’zarts, Petit Kandia, Sékouba Kandia et tant d’autres. A l’étranger, j’ai d’énormes relations avec tous ces grands artistes du continent.

Guinéenews : Si l’on vous réveillait la nuit, quels souvenirs meilleur ou pire gardez-vous dans votre parcours musical ?

Mouctar Bah : le plus beau souvenir, c’est quand j’ai joué en avant-scène à Paris aux parcs des princes, avant les prestations de Michael Jackson. C’était à l’occasion d’une fête de la musique, en compagnie des requins de studios sénégalais. J’ai eu l’occasion de serrer la main à Jack Lang, ancien ministre français de culture, qui fut l’initiateur de cette fête de la musique. C’est un inoubliable souvenir.

Le pire des souvenirs que je ne vais jamais oublier, est la mort de Maitre Barry (paix à son âme). Il est parti à un moment, où des projets étaient déjà concoctés et qui devraient nous amener loin. A l’annonce de sa mort, j’ai fait un coma entre 6 h et 7 h du matin. J’allais rendre la vie ce jour à Ambroise Paré, en suivant cet inoubliable maitre. C’est un mauvais souvenir que je garde jusque-là. Si je continue à jouer encore dans ce groupe African groove, c’est pour encore lui rendre hommage et lui être fidèle.

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews.

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