En session plénière au Palais du Peuple, le Conseil National de la Transition (CNT) a adopté ce mardi 19 septembre le volet recettes du Projet de Loi de Finances Rectificative (PLFR) 2023 avec beaucoup de réserves.
Selon le rapport de la Commission du Plan, des Affaires Financières et du CNT lu par la conseillère Fatima Camara, le projet de Loi de Finances rectificative dans son volet recettes est évalué à 29 029,32 milliards de GNF en LFR contre 27 910,95 milliards de GNF en LFI, soit une augmentation de 1 118,37 milliards de GNF (4,01 %).
Poursuivant, elle a indiqué que les équilibres budgétaires et financiers prévus dans la LFI 2023 ont été modifiés en raison des changements survenus au cours de son exécution à fin juin par les éléments suivants : « la révision à la hausse du taux de croissance économique qui passe de 5,7 % à 6,1 % en LFR 2023, soit un accroissement de 0,4 % ; la révision à la baisse des prévisions de recettes douanières de 10 772,99 Mds à 9 957,43 Mds, soit une baisse de 815,56 Mds (-7,57 %) ; la prise en compte des ouvertures de crédits gagés par le reliquat du ticket d’entrée de Simandou pour 25 millions de dollars (211,5 Mds de GNF) dans le cadre du renforcement des capacités opérationnelles des forces de défense et de sécurité ; le recrutement de nouveaux agents pour le compte du Ministère de la Défense Nationale ; la poursuite des efforts de mobilisation des ressources intérieures par la Direction Générale des Impôts (+ 1 183,99 Mds) ; l’inscription en charge de financement de la garantie de l’État dans le cadre de l’accord Sino-Guinéen pour 1 165,07 Mds ; la révision à la baisse du service de la dette, essentiellement due à l’appréciation du franc guinéen par rapport aux devises étrangères pour 788,51 Mds ; la baisse des ressources allouées au Fonds d’Entretien Routier (FER) de 253,96 Mds par rapport aux prévisions initiales de 778,13 Mds ; le report des crédits 2022 du BAS FCE pour 240,34 Mds en faveur du secteur éducatif ; l’augmentation des crédits alloués aux pensions civiles et militaires de 52 Mds en raison de la prise en charge des magistrats retraités et des ayants-droits des magistrats décédés ; l’ajustement à la hausse des dépenses d’investissement pour 245,36 Mds ; les virements et transferts de crédits opérés essentiellement en faveur des Ministères de l’Agriculture, de la Défense, de l’Énergie, de la Sécurité et de l’Administration du Territoire ; l’incertitude concernant l’émission des emprunts obligataires prévus pour 3 000 milliards dans la loi de finances initiale », a-t-elle expliqué.
Dans la même logique, elle a ajouté que le cadrage macroéconomique du projet de Loi de Finances Rectificative 2023 se résume comme suit : « réaliser un taux de croissance du PIB de 6,1 % ; baisser le taux d’inflation (moyenne annuelle du PIB) à 9,2 % contre 10,1 % en LFI 2023 ; réaliser un taux de pression fiscale du PIB de 12 % contre 12,52 % en LFI ; ramener le taux de change par rapport au dollar à 8 750 GNF contre 9 054,9 GNF en LFI ; assurer les réserves de change pour cinq mois d’importation ».
Plus loin, elle a fait savoir que les recettes du budget de l’État, y compris les recettes d’ordre, sont révisées à 29 029,32 Mds contre une prévision initiale de 27 910,95 Mds, soit une augmentation de 1 118,37 Mds (4,01 %).
Les réserves
Selon toujours le rapport, à la lumière des interrogations soulevées et des réponses apportées par les représentants du Gouvernement, des constats assortis de recommandations spécifiques ont été formulés ainsi qu’il suit : « Les multiples arrêtés conjoints de partage de ressources affectent sensiblement la mobilisation des recettes budgétaires étant entendu que les structures concernées bénéficient d’allocations financières. Ce constat est d’autant plus pertinent que nos analyses ont révélé une perte de 555 milliards au détriment du trésor public rien que pour la période allant de janvier à fin août 2023. Par conséquent, le CNT invite le Gouvernement à travers le ministre en charge des Finances à fournir dans un bref délai la liste exhaustive de tous les arrêtés conjoints pour examen.
Les contraventions policières liées au mauvais stationnement des véhicules ne sont pas reversées au Trésor. Pire, ni le Trésor, ni le ministère de la Sécurité encore moins le Gouvernorat de la ville de Conakry n’ont connaissance de la destination de ces recettes. Le CNT recommande fermement que les entités concernées prennent toutes les dispositions pour l’intégration de ces recettes dans le compte unique du Trésor Public avant le dépôt de la LFI 2024.
Au regard du faible niveau de mobilisation des impôts et taxes à l’intérieur du pays, le CNT recommande de procéder au recrutement du personnel nécessaire et à l’accélération des opérations de digitalisation.
Partant du constat de la baisse considérable de la taxe liée à l’exportation de l’or artisanal ayant entraîné une baisse des recettes de l’État et tenant compte du fait que plus de 70 % des exportations sont soutenues par cette catégorie d’extraction, le CNT recommande de revoir la taxe de l’exportation de l’or de 50 dollars par kilogramme exporté à 0,5 % de sa valeur pour le projet de loi de finances 2024. Par ailleurs, il invite le Gouvernement à prendre des mesures sévères contre la sortie frauduleuse des métaux précieux, qui est l’une des causes principales de la déperdition des ressources.
Partant du constat du niveau important des recettes engrangées par les amendes et pénalités douanières, le CNT recommande de revoir à la hausse la part du trésor public de 5 % à 10 %.
À date, 28 sur 55 sociétés publiques ne paient pas de dividendes à temps ou ne les paient pas du tout. Le CNT recommande la tenue des CA avant le 30 juin de chaque année et le paiement de tous les dividendes par les sociétés concernées d’ici la LFI 2024. Il invite à cet effet les présidents de Conseil d’Administration à fournir à la direction du Portefeuille de l’État et des Investissements Privés, le procès-verbal des CA portant sur le partage des dividendes avant leurs virements dans le compte unique du Trésor.
Le CNT émet des réserves quant à la pertinence de la mesure visant à baisser le taux des ressources affectées au FODECON de 6,5 à 5,5 % dans ce projet de LFR soumis à son appréciation par rapport à la LFI. Il invite donc le Gouvernement, pour une meilleure dotation des collectivités décentralisées, à revenir au taux de 6,5 % dans l’élaboration du projet de loi de finances initiale 2024.
Le CNT constate avec un profond regret que malgré la revue récente à la hausse des loyers, le patrimoine bâti public en charge de la collecte de ces recettes locatives, en dehors des précomptes des loyers, ne verse aucun franc dans le compte unique du trésor. Il s’interroge d’ailleurs sur son statut actuel et déplore que les ressources de l’État collectées ne soient pas reversées dans le compte unique du trésor en violation flagrante des dispositions en la matière. Par conséquent, il invite vivement le Gouvernement à revoir cet état de fait qui ne concerne pas que le patrimoine bâti public.
Le CNT s’interroge sur la non-prévision des amendes judiciaires de la CRIEF étant donné que des sentences judiciaires ont déjà été rendues. Il invite par conséquent le Gouvernement à prendre toutes les dispositions utiles pour leur prise en compte dans la LFI 2024.
Le CNT constate également avec regret que 5 % de la masse collectée des jeux de hasards soient alloués à la présidence, malgré qu’elle soit officiellement dotée en budget. Il recommande par conséquent le rajout de ces 5 % prévus pour la présidence au 15 % du trésor pour les porter à 20 %.
Le CNT s’interroge sur la destination de certaines recettes collectées par l’ARPT telles que la taxe sur les appels entrants de l’International, la taxe sur les transactions électroniques. Il sollicite à cet effet, une rencontre entre le CNT, le Trésor public, l’ARPT et la Direction Générale des Impôts pour analyser cette situation dans l’intérêt de toutes les entités conformément aux législations en la matière et ce avant la LFI 2024. Les commissions permanentes du CNT en charge des Finances et du Développement Durable sont invitées à saisir respectivement la direction générale du trésor, la direction générale des impôts et l’ARPT à cet effet dans les meilleurs délais et de rendre compte à la Conférence des Présidents.
Le CNT constate aussi avec regret que l’intensification des activités minières ne soit pas proportionnelle à la mobilisation des ressources internes y afférentes. Il pense que c’est paradoxal que les ressources minières soient extraites et que l’État n’ait pas en contrepartie de ressources suffisantes pour faire face à ses défis de développement durable, et cela à cause du passif considérable des exonérations fiscales souvent sans fondement accordées aux entreprises multinationales. Le CNT déplore le fait que l’essentiel de ces sociétés soient exonérées sur de longues périodes au paiement des droits de douane, de la TVA, la TUV, de la RTL, l’IS, l’IMF, etc. Ces exonérations font perdre plus de 2000 Mds par an au budget national. Par conséquent, il propose solennellement au Chef de l’État d’entamer un processus de révision de toutes les conventions minières non ratifiées par les parlements antérieurs. Il le rassure de l’accompagnement de l’organe législatif dans cette démarche qui se veut courageuse, patriotique et prompte.
Dans un monde économique qui se digitalise de plus en plus, le CNT invite le Gouvernement à doter ses trois régies financières d’un système de monitoring en vue d’optimiser leur capacité de mobilisation et de sécurisation des recettes.
Pour ce qui est de la collecte des ressources issues de la vente des vignettes, le CNT en appelle à la solidarité gouvernementale et sollicite à cet effet, l’implication effective du ministère de la sécurité auprès de celui en charge du budget pour le respect de la mesure.
Le CNT constate avec regret la non-rétrocession des recettes collectées par le trésor public au titre de la TUV et la CFU aux collectivités locales depuis environ deux ans en violation des dispositions des articles 273 et 337 du code général des impôts. Il invite par conséquent, le Ministre du budget et celui de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation à élaborer d’ici la LFI 2024 un tableau portant répartition de ces recettes évaluées à date à 98 Mds entre toutes les collectivités.
Le CNT invite le Gouvernement à former les greffiers de justice à la liquidation des dépends judiciaires en vue de l’amélioration de la mobilisation des recettes internes.
Le CNT invite la Direction Générale du trésor à prendre toutes les dispositions utiles pour prévoir désormais dans ses livres les frais d’agrément des écoles et cliniques privées.
Le CNT invite le Gouvernement à rendre le taux de la TVA flexible contrairement au taux fixe de 18 % qui rend difficile la taxation d’une certaine catégorie de service telle que la restauration, les établissements de loisirs et les débits de boissons.
Et enfin, le CNT invite le Gouvernement à revoir ses prévisions en termes de déficit pour des raisons de sincérité budgétaire.
Le CNT s’inquiète de l’accroissement du volume des importations de poussins d’un jour alors que le secteur privé a énormément investi pour répondre aux besoins du marché. Par conséquent, il recommande la taxation de leur importation dans les mêmes conditions que les œufs de consommation et les carcasses de poulets congelés importés en vue d’encourager la production locale et lutter contre la concurrence déloyale.
Sachant que les permis de construction et les titres fonciers font l’objet de multiples demandes pour leurs obtentions, le CNT invite le Gouvernement à rendre public les tarifs de leur délivrance pour éviter toute spéculation tout en précisant les procédures de prise en compte des anciens titres émis avant la digitalisation.
Le CNT réitère sa recommandation relative à l’implication du patronat, la Chambre du Commerce, les unités industrielles et les PME à la réorganisation du secteur informel afin d’élargir l’assiette fiscale et surtout mettre leur expertise à contribution pour la levée des capitaux étrangers.
Ayant constaté que les recettes générées par l’Institut Guinéen de Normalisation et de Métrologie (IGNM) ne sont pas prises en compte par le trésor public, le CNT appelle le Gouvernement à sécuriser le mécanisme de leur perception.