Bien que n’ayant pas enregistré encore de cas de MPOX, la Guinée n’est pas en marge du dispositif qui se met en place face à la maladie désormais «classée comme urgence de santé publique à portée internationale», par l’OMS. Dans une interview accordée à Guineenews, le directeur Général de l’ANSS (agence nationale de la sécurité sanitaire) a abordé les dispositions prises pour accroitre la prévention et organisée une riposte éventuelle. Dr Sory Condé a surtout rassuré de l’efficacité probante d’un système très alerte, grâce à des installations techniques performantes et des ressources humaines qualifiées.
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Guineenews : Monsieur le directeur général, par le passé, l’ANS a été la pierre angulaire quant à la lutte contre les maladies à potentiel épidémique en Guinée. Maintenant que le MPOX est déjà signalé dans deux pays proches, en l’occurrence le Libéria et la Côte d’Ivoire, qu’est-ce qui est fait au niveau de l’ANSS pour prévenir et éventuellement riposter ?
Dr Sory Condé: Merci beaucoup. Je voudrais d’abord rectifier. Si vous dites que l’ANSS a été, il faut dire que l’ANSS est. Nous sommes la pierre angulaire de notre système de prévention, de préparation et de réponse aux épidémies. Dans le cadre du partage d’informations transfrontalières avec les autres pays, depuis le début de ce mois, nous avons eu l’information avec les collègues de la Côte d’Ivoire de la situation qui y prévaut et qui évolue au fil du temps.
Depuis lors, nous avons pris les mesures de la chose. Il faut rappeler que l’Afrique a connu des cas d’impostes de par le passé. En 2023, il y a eu des suspicions en Guinée.
En 2022, l’OMS avait déclaré l’urgence de santé publique de portée internationale par rapport à MPOX. Donc, nous avons dans tous les pays, il y a eu le renforcement des mesures de préparation et de réponse. Et à cette occasion, nous avons élaboré des documents et fait des mises en niveau avec nos équipes d’intervention rapide, ce qui avait abouti à la détection des cas suspects, heureusement qui ont été testés négatifs. Donc, déjà depuis le début de cette année encore, nous avons ressorti les mêmes documents. Nous avons réchauffé.
Nous avons également rappelé aux équipes les dispositions idoines dans le cadre de la prévention, de la préparation et la réponse à d’éventuelles épidémies de Mpox. Ça, ça nous a amené déjà à détecter des cas suspects. Il faut noter que le 14 de ce mois, pendant que l’OMS déclarait l’urgence de santé publique de portée internationale, nous nous avions des cas suspects à Lelouma, dans une préfecture très lointaine de la Côte d’Ivoire.
Pour dire que le système fonctionne, c’est une prévention frontalière avec la Côte d’Ivoire ou le Libéria, mais également dans des endroits les plus éloignés. Et heureusement, ces cas qui ont été investigués, les échantillons ont été transportés au laboratoire et ont été testés négatifs. Pas plus tard qu’avant hier également, nous avons été saisis d’une alerte par nos équipes de terrain, à Coyah. Donc, ce cas également a été prélevé, testé négatif au laboratoire. Il y a d’autres alertes que nous avons reçues et investiguées. Certaines n’ont pas été considérées, et ont été classé. Parce que l’équipe a trouvé et testé d’autres maladies, en l’occurrence la varicelle. À Koundara, donc la frontière avec le Sénégal, également à Dubréka, ici, pas loin de Conakry, il y a eu des cas suspects, disons des alertes qui ont été remontées au été investiguées. Et les équipes ont conclu à d’autres maladies éruptives, mais différentes de MPOX. C’est pour dire que nous sommes là et la sensibilité du système est là. La vigilance est là. Nous détectons des cas suspects, donc nous sommes prêts à faire face à toute éventualité.
Guineenews: Dans votre réponse, il ressort que l’information qui a été donnée dans le communiqué publié par le gouvernement la semaine dernière, comme quoi il n’y a pas de cas de Mpox en Guinée, cette information reste d’actualité?
Dr Sory Condé: Oui elle reste d’actualité. Vous savez, il y a beaucoup de choses que nous détectons. Mais si on dit tout, les gens vont paniquer. Il y a des suspicions, des informations qui sont remontées, des alertes. Les équipes vérifient et certaines, déjà à la vérification, sont déclassées comme des fausses alertes. Et celles qui sont considérées comme des vraies alertes font que l’investigation continue jusqu’au laboratoire. Maintenant, si le labo teste négatif, ces échantillons, on les déclasse, donc on n’en parle pas. On a eu des cas de suspicion qui ont été testés négatifs, donc nous n’avons pas de cas de MPox jusqu’à date en Guinée. Et nous espérons que la situation va demeurer ainsi. Nous allons quand même faire en sorte que rien ne nous échappe. C’est pourquoi, déjà, nous avons un plan de préparation et de réponse qui a été élaboré en trois jours avec tous les acteurs, tant du niveau national qu’avec les partenaires, assortis d’un budget. Donc, l’État est en train de mobiliser les moyens avec l’appui des partenaires pour mettre à disposition le système.
Guineenews: Parlant de modes de contamination de la maladie, est-ce qu’il y a actuellement des directives qui sont élaborées, qui ne sont pas mises à disposition du public, mais qui sont prêtes à l’être?
Dr Sory Condé: Oui, les directives sont élaborées bien sûr. Comme je l’ai dit, ce n’est pas la première fois que nous tombons dans cette situation de renforcement de la surveillance concernant le MPOX. Nous avons déjà des documents qui ont été élaborés par le passé, diffusés. Ces mêmes documents sont en circulation. Nous les avons remis à la disposition des équipes de terrain.
Mais il y a les collègues de la communication qui ont travaillé sur un document à l’attention du grand public, qui va bientôt être publié. Il va y avoir d’autres modes de communication à travers la presse pour que la majorité de la population soit au courant de ce qu’est le MPOX, comment ça se manifeste, comment ça se contracte, comment on peut l’éviter. Et en cas de suspicion, ce qu’il faut faire, et la conduite à tenir.
Guineenews: Est-ce qu’à titre illustratif, on peut en savoir un peu plus sur ce mode de prévention?
Dr Sory Condé: Vous savez, c’est une maladie virale. Et la transmission, elle est interhumaine. Donc pour dire que quand quelqu’un est atteint de la maladie, pour que la personne passe à une autre personne, il faudrait qu’il ait un contact direct. Soit entre la personne et le malade directement, ou entre la personne et des objets utilisés par la personne malade. Ça, c’est le principal mode de transmission de la maladie. Mais il y a également d’autres modes de transmission qui sont décrits, mais qui ne sont pas encore suffisamment compris, dont la transmission par voie sexuelle, qui pourrait être une possibilité. Certains documents affirment qu’à travers les baisers, les hommes pourront se contaminer.
Il y a également la transmission à travers les animaux, parce que c’est une maladie zoonotique, donc à l’interface de l’homme et de l’animal. Donc pour le moment, ce sont des modes de transmission qui sont décrits. Et souvent par rapport à certaines maladies de ce genre, la littérature évolue.
C’est comme Ebola, à c’est début, il y a beaucoup d’informations qu’on n’avait pas, mais au fil du temps, les recherches se font et on fait des découvertes. Du coup, ce sont les mesures de prévention qu’on va demander à la population de vulgariser et d’appliquer. C’est comme les fièvres hémorragiques, en même temps, donc le lavage des mains, éviter tout contact avec les personnes suspectées jusqu’à ce que le laboratoire tranche, et limiter le contact avec les animaux sauvages, surtout ceux qui sont malades ou les cadavres des animaux. Cela pourrait nous permettre de prévenir, d’être à l’abri de ces situations. Mais il faut surtout de contacter le 115 ou d’aller se faire consulter dans une structure de santé la plus proche en cas de suspicion.
Guineenews: C’est vrai que nous sommes pour l’instant à titre préventif, mais il se trouve que potentiellement, il y a besoin de beaucoup de moyens pour faire face aux épidémies. Est-ce qu’à cette phase, l’ANSS et ses partenaires sont suffisamment dotés ou en tout cas prêts pour se donner tous les moyens nécessaires pour riposter à une maladie éventuelle de MPOX en Guinée?
Dr Sory Condé: Il y a eu, comme je l’ai dit, une réunion d’urgence au ministère le 15, à la suite de laquelle nous avons élaboré notre plan de préparation et de réponse avec la participation de tous les partenaires. Nous n’avons pas encore tout ce que nous voulons et généralement on n’a pas tout d’un trait, tout ce que l’on veut. Mais il y a quand même de l’espoir que ce soit le cas dans un délai très bref. Parce que nous avons échangé avec les partenaires qui ont participé à l’élaboration du plan, donc ils considèrent déjà ce plan comme étant le leur. Et il y en a qui se sont positionnés pour certaines lignes. Il y en a aussi qui sont en train de s’activer pour nous appuyer en termes de molécules, les besoins de médicaments que nous avons exprimés pour renforcer le stock au niveau des centres de traitement des épidémies. Et aujourd’hui, nous avons participé à la réunion que l’organisation ouest africaine de la santé a bien voulu organiser avec les différents pays. Avec pour objectif, de voir les dispositions prises dans chacun des Etats. Donc cette entité sous-régionale également est disposée à accompagner les pays en termes de formation. Il va y avoir des responsables de laboratoire qui vont être formés au mode de diagnostic de la maladie. Également des responsables de prise en charge des pays qui vont participer à des séries de formations en termes de prise en charge. Il pourrait y avoir aussi des fonds à hauteur de 100 000 dollars que chacun des pays pourrait bénéficier de cette organisation. Et il aura une facilité d’accès à ces fonds. Sans oublier que sur le plan national, nous avons une opportunité. Parce que le président de la République a signé il n’y a pas longtemps la promulgation du programme de sécurité sanitaire. C’est une forte enveloppe de 106 millions de dollars. Donc le pays va pouvoir l’utiliser dans le cadre de la sécurité sanitaire. Cette situation (menace de la variole MPOX ndlr) va être une première déjà qui va bénéficier de ce financement.
Guineenews: Techniquement, par le passé, le pays a été confronté à certaines difficultés parce que, point de vue laboratoire, il fallait toujours aller faire le test à l’étranger. À un moment donné, il y avait la possibilité de le faire ici, et c’est pour des cas exceptionnels ou en tout cas de nécessité d’approfondissement qu’on envoyait les échantillons à l’étranger. Qu’en est-il présentement ?
Dr Sory Condé: Je pense que l’une des forces de notre système, c’est la capacité de techniquer la majorité des échantillons des maladies que nous surveillons. J’ai parlé de ce cas suspect de Louma, le cas de Coyah, c’est l’Institut National de Santé Publique (INSP) qui abrite en son sein le laboratoire national de référence qui a techniqué ces échantillons. Nous avons des plateaux techniques capables de techniquer ces échantillons. Nous avons également des ressources humaines formées et qui peuvent faire ces confirmations de laboratoire. Nous avons le laboratoire national de santé publique à l’INSP, et d’autres qui sont capables de le faire. C’est le cas du laboratoire des fièvres hémorragiques qui était à Nongo, qui est maintenant à l’hôpital d’Anta nord, l’hôpital régional de Conakry.Il y a le CERFIG (centre de recherche et de formation en infectiologie en Guinée également, l’Institut Pasteur de Guinée… Tous ces laboratoires-là ont des capacités nous permettant de techniquer. On a des échantillons qui sont sur place. On n’aura pas besoin d’en envoyer ailleurs. Sans oublier qu’à Kindia, nous avons le CREMS (centre de recherche en épidémiologie microbiologie et soins médicaux), qui dispose aussi de personnels qualifiés et un plateau technique bien fourni avec des réactifs. Pour le moment, on a quand même ce qu’il faut pour techniquer ici tous les échantillons liés à cette maladie.
Guineenews: Est-ce qu’il y a un aspect qu’on n’a pas évoqué qui nécessiterait d’être abordé dans cet entretien?
Dr Sory Condé: Je pense que je voudrais terminer par lancer un message à la population. C’est pour eux que nous sommes ici, et je le dis souvent, l’ANSS, c’est comme l’élite dans le cadre de cette réponse face aux maladies à potentiel épidémiologique, donc c’est une armée d’élite, mais qui fait face aux ennemis invisibles. Et la population peut compter sur nous, nous sommes en train de travailler, de faire tout pour que la situation ne soit pas débordante. Et nous allons faire le maximum pour la prévention afin que nous n’enregistrions pas des cas. Et si par hasard des cas étaient enregistrés, à faire la circonscription le plus tôt que possible, pour éviter toute propagation, pour mettre à mal notre façon de vivre, comme nous l’avons connu avec la COVID-19.
Merci.
Entretien réalisé par Thierno Souleymane Diallo & Mamadama Sylla