Le président du Parti GRUP (Génération pour la réconciliation, l’union et la prospérité) El hadj Papa Koly Kourouma a accordé un entretien à Guinéenews© dans lequel il revient sur la situation sociopolitique que traverse le pays notamment la grève du SLECG, les marches de l’opposition républicaine, et l’hypothèse d’un éventuel 3e mandat pour le président Alpha Condé. Avec lui, nous avons évoqué aussi les rumeurs faisant état de son rapprochement à la mouvance présidentielle et les causes du délestage électrique. Lisez la deuxième partie !
Guinéenews© : quel est votre rapport avec le chef de file de l’opposition dont vous êtes l’un des conseillers ?
Papa Koly Kourouma : nos rapports sont très bons. C’est un ami, un frère. C’est un allié de combat politique. Nous sommes dans le même bord pour mener le combat de façon concertée au sein d’une seule plateforme de concertation qu’est l’opposition républicaine. J’avoue que nos rapports sont au beau fixe.
Guinéenews© : récemment, le président de la République a promulgué la loi portant sur la restructuration de la Ceni. Quelle est l’appréciation du parti GRUP ?
Papa Koly Kourouma : chaque jeu a ses règles. Il faut qu’on l’accepte comme ça. Et les règles ne sont pas faites pour favoriser ou défavoriser. On définit un portrait-robot, celui qui rentre dedans, cela s’applique à lui. Mais il n’est pas dit que demain, ceux qui ont aujourd’hui dix, vingt députés ne seront pas ceux-là qui n’auront rien. Nous, par exemple, nous avons un député voire deux à l’Assemblée nationale. Nous avons participé à toutes les élections nationales de 2010 jusqu’aujourd’hui, mais malgré tout, il nous manque le deuxième député à l’Assemblée nationale. Donc, nous ne pouvons pas désigner. Alors, s’il était donné la latitude à tout le monde de désigner, il y a combien de partis politiques en République de Guinée ? Près de 200. Est-ce que ces deux cents-là vont aller désigner des représentants à la CENI ? Alors, il fallait des règles pour qu’il y ait la restructuration pour pouvoir éliminer certains et garder d’autres. Donc, personne ne doit s’en offusquer dans les conditions normales.
Guinéenews© : on prête des velléités au président Alpha Condé de vouloir briguer un troisième mandat. Quelle est la position du parti GRUP ?
Papa Koly Kourouma : on prête des velléités… Vous avez dès le premier jour, moi, j’ai dit, je ne peux pas juger les préjugés. Je ne juge pas les préjugés. Le Pr Alpha Condé n’a dit à personne encore, à ce que je sache, qu’il veut un 3e mandat. Il sait qu’il n’a pas droit à un troisième mandat même s’il le veut. On ne peut pas l’empêcher de le vouloir. Mais, il ne peut pas. Donc, on ne peut pas lui prêter des intentions et juger ses intentions et ses préjugés. Moi, je pense que l’affaire de 3emandat est un faux-débat. Le jour qu’elle va se poser, mais on répondra. Mais en attendant, je ne rentre pas dans ce débat.
Guinéenews© : en ce mois de décembre, le président de la République a entamé des tournées à l’intérieur et au cours desquelles il procède à des poses de premières pierres des infrastructures routières. Qu-est-ce que vous en pensez ?
Papa Koly Kourouma : (…) j’aurai souhaité qu’à la date d’aujourd’hui, qu’il aille faire des inaugurations que de poses de premières pierres. C’est à cela, on devait être amenés. Mais, mieux vaut tard que jamais. S’il estime que c’est aujourd’hui qu’il faut aller poser les premières pierres, Dieu soit loué. Ces premières pierres sont posées, c’est pour l’émergence de la Guinée, c’est pour la croissance de la Guinée. Ce que nous demandons, ce que cela ne soit pas de la poudre uax yeux des Guinéens. Parce qu’on a tellement vu de poses de premières pierres… L’année dernière, on a vu la pose de la première pierre de la route Coyah-Dabola. A la date d’aujourd’hui, je ne sais même pas si dix mètres ont été réalisés dans ces travaux. Il y a trois ans, on a posé la première pierre de la route Kankan-Kissidougou. A la date d’aujourd’hui, je crois que les usagers souffrent encore plus qu’hier. Il y en a plein de poses de premières pierres.
Mais jamais, on a assisté à une inauguration. Je pense qu’on devait arrêter cette manière de tromper le peuple. On n’a pas besoin d’organiser des fêtes pour aller faire des premières poses. Surtout quand il s’agit de la route, elle parle d’elle-même. On fait aujourd’hui, demain, on y passe dessus, on dira que le président de la République a fait une route. Son ministre des Travaux publics a réalisé une route, on n’a pas besoin d’aller faire des festins pour tout simplement poser la première pierre d’une route. Donc, il est préférable qu’on fasse la route et qu’on passe dessus et on n’apprécie que d’aller organiser une fête. Cela s’appelle du tape-à-l’œil. Qu’on arrête !
Guinéenews© : vous avez été ministre de l’Energie. L’actuel régime se vante d’avoir fait plus que n’importe quel gouvernement. D’ailleurs, à N’Zérékoré, le président Alpha Condé a annoncé, d’ici 2020, il y aura mille méga watts de réalisés. Pourtant, et malgré la réalisation de Kaléta et l’utilisation de certaines centrales thermiques, le problème de courant devient récurrent. Pour vous, quel est le vrai obstacle pour la fourniture d’électricité en Guinée ?
Papa Koly Kourouma : le problème va demeurer longtemps. Vous savez, on ne peut pas perdre de vue le fait que très longtemps, la réalisation des infrastructures, qu’elles soient de production, de transport ou de distribution, ont accusé un retard énorme par rapport au schéma directeur de développement de ces infrastructures en République de Guinée. La démographie augmente, les constructions se multiplient. Chaque construction que l’on fait aujourd’hui, est une source de demande d’énergie. Alors si la demande ou l’offre n’obéît pas à la demande, il est difficile de suivre le rythme. En 2010 déjà, nous avions un déficit énorme auquel il fallait pallier. C’est ainsi que très rapidement, nous nous sommes battus pour sortir le projet Kaléta du projet Energie de l’OMVG pour le réaliser dans le cas spécifique de la Guinée. Mais au moment où finissait le projet Kaléta, sa production était déjà absorbée par la demande. C’est un peu comme si on avait rien fait. On a juste pallié à une partie de la demande. Souapiti va venir, si on ne prend garde, avant qu’il ne finisse, la demande va déjà absorber la nouvelle production. Ainsi de suite. Parce qu’aujourd’hui, c’est nous qui courons après la demande. C’est la demande qui devait courir après l’offre. C’est-à-dire, l’offre doit être toujours supérieure à la demande. Tout cela est projeté et connu et s’est consigné dans un document qu’on appelle « le schéma directeur de réalisations des infrastructures en République de Guinée ». Tant qu’on n’a pas mis en œuvre, ce schéma directeur, on sera toujours après. Et je pense que ce que nous avons projeté à l’époque qui a été boycotté… Nous avons demandé de mettre en place une expertise nationale en matière de réalisations de micro-barrages. Parce que nous avons les ressources humaines nécessaires qu’il faut. Nous avons constitué ces ressources humaines, cette équipe d’expertise nationale de réalisations de micro-barrages qui ont fait plusieurs missions sur les micro-barrages et on a projeté de réaliser chaque année un micro-barrage parce que les micro-barrages sont partout en République de Guinée.
Si on avait été suivi, si notre action n’avait pas été boycottée à la date d’aujourd’hui, on serait au moins à seize micro-barrages et s’ils étaient interconnectés, on aurait résolu une partie importante de la demande en énergie que cela soit à Conakry ou à l’intérieur. Mais aujourd’hui, toutes les infrastructures que nous réalisons ici sont concentrées à Conakry et pour juste alimenter le système interconnecté. Le système interconnecté c’est Conakry, la Basse Guinée (sans compter Boké) et la Moyenne Guinée jusqu’à Labé. Mais à partir de Faranah jusqu’à la Guinée Forestière, le système interconnecté n’y arrive pas. On aurait pu résoudre ce problème par la réalisation de ces micro-barrages à travers l’expertise nationale qu’on avait mise en place.
Malheureusement, nous n’y sommes pas parvenus. Nous avons programmé les ressources dans notre budget. On n’a pas pu accéder aux moyens financiers pour réaliser ces micro-barrages. Les études ont été faites et nous avons voulu commencer par le barrage de Sérédou. A la date d’aujourd’hui, j’ai encore les études. Même pour la seconde mission pour aller évaluer ce qu’il y avait à faire, nous avons été incapables de financer cette mission et à dessein.
Donc, cette expertise est en train de pourrir au ministère de l’Energie. Moi, je pense qu’on devait réveiller cette expertise. Car pour réaliser un micro-barrage, c’est trois millions de dollars. Il y en a même certains que le Fonds mondial de l’Environnement (FME) nous a donnés. Il s’agit du projet Kenno à Gueckédou. L’Etat a été incapable de payer sa contrepartie pour qu’on réalise ce barrage. Vous comprenez la réalité à laquelle nous étions confrontés. C’est triste ! Alors nous nous n’attendons pas demain pour dire qu’on a résolu le problème énergétique guinéen. Il ne va pas se résoudre avant 2040 ou 2050.
Guinéenews© : pourtant, la Guinée pourrait vendre de l’énergie aux pays voisins à la fin de la réalisation de Souapiti…
Papa Koly Kourouma : (Rires). La Guinée va exporter de l’énergie. Mais avant d’exporter, moi, je pense que c’est l’excédent de production qu’on exporte. Mais quand on n’a pas un excédent, comment va-t-on exporter. A la fin de Souapiti, il est évident qu’on va exporter de l’énergie. On va priver les Guinéens de l’énergie pour pouvoir exporter de l’énergie. Parce qu’à la date d’aujourd’hui, cette production excédentaire qu’il y aura va être exportée. Parce qu’on n’a pas pu distribuer aux Guinéens, faute de lignes de transport, de distribution à partir du site de Souapiti pour aller vers l’intérieur du pays. Mais avec la ligne d’interconnexion de l’OMVS, du WAP, je pense qu’on va pouvoir distribuer cette énergie et donner aux Guinéens sinon on sera dans l’obligation d’exporter.
Guinéenews© : qu’en est-il de votre poste de ministre Conseiller à la présidence de la République ?
Papa Koly Kourouma : vous savez qu’il y a des discussions qui n’en valent pas la peine. J’admire une phrase célèbre de nos enfants en Forêt quand ils font les discours. Ils disent que « parfois, les actes s’expriment mieux que les paroles ». Quand on a décidé de se démettre de ses fonctions, en prenant ses clics et ses clacs, en fermant la porte du bureau, en rendant ses clés, en cédant les avantages qui s’y rattachent, si on n’appelle pas çà démission, ils n’ont qu’à appeler comme ils veulent. Parce qu’en attendant, quand on veut démissionner, on demande, on est libre d’accepter ou non. Mais quand on a quitté, c’est plus expressif que de faire un papier. Ceux qui le disent, ce sont des gens qui n’ont rien à mettre sous les dents et je pense qu’il ne faut pas leur répondre. Je suis serein et tranquille dans ma tête.
Guinéenews© : au regard de ce qui se passe dans notre pays. Quel appel avez-vous à lancer au peuple de Guinée ?
Papa Koly Kourouma : je pense que la République de Guinée ne mérite pas ce qu’elle est en train de vivre. La Guinée a tellement de ressources mais malheureusement, on n’a pas eu encore les hommes capables de transformer ces ressources en bien-être pour la population. C’est cela, le problème fondamental de la Guinée. Il sera aussi difficile de transformer ces ressources en bien-être pour les populations guinéennes dans la mesure où le schéma directeur du développement de la Guinée qui a été élaboré dans les années 60 est aujourd’hui obsolète.
Aucun gouvernement n’a pensé à reformuler ce schéma directeur. Il faut qu’on regarde à l’intérieur, il faut qu’on se départît de notre égo, il faut qu’on arrête de penser à ce qui était hier et qui ne l’est plus aujourd’hui. Le monde est aujourd’hui un village planétaire.
Chaque fois que je pense au projet Simandou, je suis malade et j’en ris. Je ne vois pas cet investisseur sérieux qui va prendre Simandou et faire des investissements en l’état. Personne ne prendra.
Guinéenews© : pourquoi ?
Papa Koly Kourouma : on ne peut pas demander à un investisseur de prendre 5 à 6 ans, fais–moi un développement des infrastructures à hauteur de quatre milliards de dollars pour pouvoir sortir la première tonne. Un investisseur sérieux à moins qu’il blanchisse son argent, ne peut pas l’accepter et ne peut pas le faire. Alors qu’on a une solution de substitution qui nous permet à moins d’un an et demi de sortir la première tonne pour pouvoir réaliser des infrastructures. C’est dingue. Quand on a dit Chinalco va prendre, j’ai dit c’est faux. Ils nous mentent et ne paieront rien. C’était du bluff. Où en sommes-nous ? On va donner à un dollar symbolique, c’est faux. Ces gens-là sont en tandem pour nous exploiter. Ces gens-là n’ont pas intérêt à mettre nos mines en valeur mais puisque nous sommes cons, on accepte. Je pense que la Guinée ne mérite pas ça. Il faut que le gouvernement change de méthode.
Il faut qu’il comprenne aujourd’hui qu’il a échoué et qu’il essaie de revoir sa méthode. On ne va pas en bras de fer avec sa population. Si c’était le bras de fer, on n’a pas besoin d’un gouvernement. Comme ça, on laisse chacun faire ce qu’il veut. Mais quand on a un gouvernement, c’est pour qu’il puisse établir l’équilibre entre les forces. C’est pourquoi on parle de force publique. Ce sont eux les dirigeants qui la détiennent. Mais si cette force doit être utilisée contre des gens parce que vous voulez satisfaire vos sales besognes, ça ne marche pas. Le peuple exprimera son ras-le-bol et un jour, il n’y aura pas de paix tant qu’une partie se sent brimée, le gouvernement ne peut pas avoir la paix. On ne peut pas accepter qu’on fasse des élections et qu’elles manquent de transparence et qu’à cause de vos magouilles qu’on reste bientôt dix mois sans mettre les exécutifs parce que vous avez triché, parce que vous voulez tricher, ça ne peut pas marcher.
On ne peut pas accepter qu’il y ait violation de l’expression libre des citoyens dans les urnes. C’est du viol et du vol. On viole leur expression en voulant donner à des personnes qui ne méritent pas, à des structures qui ne méritent pas. Aussi longtemps qu’on le fera, il n’y aura pas de paix. Donc, on a besoin de vivre en paix pour pouvoir développer nos infrastructures et pour pouvoir créer de la richesse suffisamment pour le bien-être des populations.
On en a besoin. Personne ne refuse ça. Quand vous voyez quelqu’un refuse et se met dans la rue pour protester, c’est parce que ses droits sont brimés. La loi est dite pour tout le monde, si chacun est obligé de respecter la loi, je pense que c’est ce qu’il faut pour que notre pays aille de l’avant.
Lisez la première partie : Opposition républicaine, rumeurs de rapprochement avec le pouvoir, Slecg, électricité, Papa Koly à bâtons rompus