Depuis la subite disparition du maestro Mamadou Aliou Barry, musicien saxophoniste, ex Chef d’orchestre du Kaloum star de Conakry 1 et du constant groupe African groove, diverses interrogations pendent sur les lèvres des mélomanes, artistes, musiciens et autorités. Il s’agit de celles de savoir, quelle place occuperait progressivement la section vent, qui tend à disparaître dans la musique guinéenne.
Il faut noter que pendant ces derniers temps, la pratique des instruments à vent dans les orchestrations était rare ou presqu’absente. Certes, il y a eu quelques formations musicales qui se sont accrochées en recrutant au niveau des fanfares, de jeunes trompettistes, saxophonistes, trombonistes et qui ont finalement et parfaitement aiguisé les doigts, les lèvres et les coups de bec, pour assurer momentanément la relève.
A cet effet, Ils ne sont pas nombreux car la génération actuelle pour aussitôt atteindre la ligne d’arrivée, a opté pour d’autres pratiques, particulièrement la guitare, la batterie, le djembé, le chant entre autres.
Ces différentes sections qui composent un orchestre sont apparemment plus faciles à aborder dans l’apprentissage que la section vent. Ce qui pourrait expliquer ce penchant pour ces instruments.
Non pas détesté mais craint pour son temps d’apprentissage, il s’avère pour la génération actuelle qu’avec la pratique de la section vent, en découle rarement le vedettariat. Ainsi confirmé, nous pensons que se hisser au sommet, sans passer par les escaliers ou les ascenseurs, est généralement l’itinéraire choisi, et qui convient mieux pour bon nombre d’artistes de la nouvelle génération.
Il est évident que la section vent a disparu au niveau de nos formations orchestrales qui, à leur tour, ont toutes décliné.
Quelles sont les dispositions pratiques à envisager pour enfin ressusciter ces sections vent ?
C’est la grande question qui se pose et qui défie la chronique dans le milieu artistique et culturel et ce, depuis le rappel à Dieu du dernier mohican, maître Mamadou Aliou Barry.
Les archives aidant, joint à son vivant, maître Mamadou Aliou Barry, avait lui-même exposé son point de vue sur cette préoccupante question en ces termes « Je suis sûr et certain que la race ou la denrée commence à disparaître et mieux vaut tard que jamais ».
Soucieux de la relève, feu maître Barry avait tiré la sonnette d’alarme en invitant les jeunes à emboiter les pas des aînés pour apprendre les instruments à vent.
« Je m’adresse à la relève, à tous ces jeunes musiciens, de prendre le temps d’apprendre les instruments à vent car, la race est en terrible disparition dans la sous-région et principalement dans notre pays. Nous avons eu des célébrités, la liste est longue et qui ne sont plus parmi nous (paix à leurs âmes) ».
C’est indéniable que ces renoms des sections vents de nos formations nationales et fédérales, étaient talentueux et admirables derrière leurs instruments. Des partitions dans l’ensemble ou en solo apportaient de la mélodie et couvraient toutes les autres sections. La quasi-totalité de ces pionniers, figures emblématiques des sections vents, surtout de nos orchestres nationaux ont rejoint le royaume du silence.
Pour un sondage effectué et seulement au niveau des 4 formations nationales à l’origine (Bembeya jazz, Balla et ses baladins, Kèletigui et ses tambourinis, Horoya band national), au décompte, ils ne sont que 3 instrumentistes à vent qui sont en vie sur près d’une vingtaine, dont les mélodieuses et voluptueuses partitions continuent à nous bercer pour le bonheur du glorieux passé de la musique guinéenne.
Il est important de connaître le primordial rôle que joue la section vent dans les orchestrations d’où sa place de choix et de poids dans une formation orchestrale.
Pour démontrer le rôle combien de fois nécessaire que joue la section vent dans un orchestre, feu maître Barry poursuit « Vous savez la présence d’une section vent dans un orchestre, oblige de faire la structure dans les arrangements. Pour qu’il y ait des interventions dans les morceaux, il faut forcément des partitions de la section vent au début, au milieu et à la fin. Donc cette structure doit être respectée dans les règles ».
Il est certain que la solution de facilité épousée par nos jeunes musiciens, les contraint à jouer sans penser à créer une ‘’structure’’. Pour preuve, ils introduisent le morceau, le solo intervient et la clôture est faite. Ce qui témoigne à suffisance, que les instruments à vent non plus de place dans ce type d’orchestration.
Plusieurs jeunes artistes, interrogés sur les raisons de leurs réticences pour l’apprentissage de ces instruments à vent, ont eu pour réponses « ce sont des instruments très compliqués et difficiles à apprendre »
Pour feu maître Barry la réponse à cette question « certes difficile à apprendre et qui, a un impact selon leur avis sur la santé. Ils s’orientent tous vers la guitare, la batterie et le chant, options dans lesquelles la formation est plus rapide. Il n’est pas possible de former un saxophoniste ou un trompettiste en un court temps.
90% des dispositions à prendre doivent relever des autorités en charge de la culture. Il faut mettre les moyens, il faut acheter les instruments, mettre en place des structures et les conditions qui permettent aux anciens encore vivants, de léguer leurs connaissances à travers les formations théoriques et pratiques.
J’ai été proposé pour aller donner des cours à l’actuel Institut des Arts Mory Kanté de Dubréka. Le matériel fait défaut. Pour un si grand nombre d’étudiants, ce n’est pas avec 2 ou 3 saxophones qu’on peut assurer les cours pratiques. Il faut penser aussi à la santé des uns et des autres pour ne pas utiliser les mêmes instruments à chaque moment. On peut partager le piano, la guitare, la batterie. Ce n’est pas normal d’utiliser un seul ou deux instruments à vent pour tout un monde.
Aujourd’hui, on fait une musique avec les claviers, et on veut essayer de remplacer toutes les partitions des instruments à vent par le clavier. Ce qui est aberrant. Il y a cette respiration de l’être humain sur l’anche, sur l’instrument à vent que le clavier ne pourra jamais imiter. Le clavier le fait de façon superficielle et les notes sont généralement toutes collées et se ressemblent presque toujours ».
A écouter de nos jours les grands classiques, les tubes de ce passé glorieux de la musique guinéenne, les œuvres ou partitions de ces différentes sections vents ont apporté de la sensation.
Pensez- y et redonner de la force ou de la renaissance à cette section vent au sein de la musique guinéenne, est un devoir absolu.