Située en région forestière et faisant frontière avec le Libéria, la préfecture de Macenta, l’un des greniers du pays, au-delà de son potentiel agricole et culturel cosmopolite, est très accueillante.
Malgré ces potentialités, la vie de certains enfants laisse à désirer. Ici, ces mineurs ne tiennent pas un pot pour faire la mendicité comme nous l’avons connu dans certains pays de la sous-région. A Macenta, c’est tout autre. Ces enfants détiennent entre autres des bidons ouverts, des sacs où mettre des ordures ou encore des brouettes pour transporter des bagages contre une somme d’argent dérisoire. Mais il faut vivre. La réalité crève aux yeux.
La situation de ces enfants mineurs est triste. Ils mineurs sillonnent la ville et tentent tant bien que mal pour survivre. Et ce, sous le nez et la barbe des autorités locales. Voilà ce à quoi ressemble le quotidien de plus des dizaines d’enfants mineurs évoluant dans cette localité.
Au niveau de cette commune urbaine où vivent environ 7 mille âmes, il n’est pas rare de rencontrer au cœur de la ville surtout aux abords des rues, des enfants, le plus souvent des mineurs, à la quête du prix du pain quotidien. Alors que des institutions et autres ONG (organisations non gouvernementales) se abattent pour les droits des enfants, l’on se demanderait bien pourquoi pas ces mineurs ?
Pour savoir davantage sur la vie quotidienne de ces enfants, Guineenews© s’est intéressé de plus près au phénomène. A travers ce reportage grand format, votre site électronique vous plonge au cœur des réalités de cette entité de mineurs qui subissent des exploitations sous diverses formes. Très vulnérables, ces enfants sont exposés à des énormes dangers. Leur avenir est en danger. Le monde devient de plus en plus cruel. Les faibles sont jetés à la pâture.
En ce mois de mai 2019, nous nous sommes rendus au marché central de Macenta. La première chose qui retient l’attention, c’est le nombre important de mineurs qui s’affairent aux abords et coins de rues. Les uns brouettes chargées de marchandises en mains s’activent pour gagner à tout prix leurs destinations. D’autres, par contre, balaient à la main, dégagent les ordures sous des tables ou devant les boutiques et magasins.
Parmi eux, certains font encore sortir des magasins des marchandises pour les disposer sur des étales sous l’œil vigilant du propriétaire. En bref, ces mineurs connaissent déjà des matinées chargées. Pendant ce temps, leurs camarades d’âge, dans des tenues sont sur le chemin de l’école.
Qui sont réellement ces mineurs à la merci du plus offrant ?
Selon les informations qui nous ont été rapportées, ces enfants seraient entre autres des enfants abandonnés et des « talibés » issus des foyers coraniques. « Vous savez, ces enfants, généralement, viennent des zones éloignées du centre ici. Certains sont envoyés par leurs parents pour apprendre le coran. Il y a deux grands foyers islamiques ici. D’autres encore viennent de la Sierra Léone ou du Libéria voisin ici. Mais il y a aussi parmi eux d’autres enfants qui ont complètement déserté leur foyer », explique Alassane Sow- détenteur d’une boutique d’alimentation dans le centre-ville depuis plusieurs années….
Sur la même lancée, un autre boutiquier qui sollicite parfois le service de ces mineurs pour le déplacement de sa marchandise ou le balayage de la devanture de sa boutique, s’est dit écœuré par rapport à la situation de ces enfants qui sont l’avenir de demain.
« C’est vraiment triste d’assister à un tel scénario. Alors que ces enfants devraient suivre les cours à l’école pour recevoir une bonne éducation, ils sont à la merci du plus offrant. Ils s’attèlent actuellement à faire des activités que ne leur sont pas du tout réservé. Personnellement, je sollicite leurs services pour quelques-unes de mes activités. Je paie 500 FG ou 1000 FG selon l’activité en question. Bon nombre d’entre eux viennent des foyers coraniques. Il y a des Guinéens, des Libériens ou des Léonais. Et ce qui est pitoyable dans tout ça est que ces enfants ne sont que des mineurs. Leur avenir est vraiment en jeu mais on n’y peut rien. C’est ça la réalité », se lamente-t-il.
Pour savoir davantage leur situation, nous avons réussi à recueillir le témoignage de quelque- uns de ces mineurs qui sont parfois réticents pour toute communication avec un inconnu. « On nous intime de venir travailler le matin pour avoir de l’argent et payer notre manger. Et dans l’après-midi, on rentre là où on apprend la lecture du coran. C’est comme ça qu’on fait tous les jours. Moi, je ne fais que balayer et jeter les ordures. C’est 1000 FG parfois 2000 FG qu’on me paye. Si je gagne beaucoup de travail, je peux avoir 10 000 FG ou plus par jour », explique un enfant de moins de dix ans.
Par contre, un autre enfant donne les raisons de sa présence dans la rue: « j’ai perdu mes parents. Mes tantes ne s’occupent pas de moi. Je suis venu ici et j’ai retrouvé d’autres amis. Nous travaillons ensemble pour avoir nos besoins. Depuis plusieurs mois, c’est ce que je fais. Et je ne suis jamais rentré à la maison. Je me débrouille chaque jour pour trouver où passer la nuit ».
Interrogé par notre rédaction, un doyen de la localité, revient sur les origines de cette situation. « Vous savez, c’est avec les guerres au Libéria et en Sierra Léone que cette pratique a vu le jour à Macenta vers les années 1990. Surtout avec l’arrivée à l’époque des réfugiés. Ceux-ci sont partis mais la pratique, elle, persiste encore. Et avec la situation de précarité que nous connaissions aujourd’hui, elle a encore des beaux jours devant elle si rien n’est fait », prévient ce sexagénaire.
« Il ne faut pas se voiler la face. C’est une réalité. Il y a une exploitation pure des enfants à Macenta. C’est vraiment pitoyable. Même la mairie est dépassée par la situation », regrette un autre membre de l’équipe communale.
Les autorités locales face à la situation
Sur la question, les autorités locales sont conscientes du danger que courent ces enfants. Des consultations et des démarches seraient en cours pour mettre fin à ces pratiques qui foulent au sol les droits des enfants. Difficulté, le problème est ancré dans la société.
Patricia Akoi Mara, la directrice préfectorale de l’Action sociale, de la promotion féminine et de l’enfance, est bien imprégné de la situation. « C’est une question qui, aujourd’hui, préoccupe beaucoup. C’est un véritable souci. Avec la gestion des enfants à Macenta, nous sommes confrontés à d’énormes problèmes. Vous pouvez trouver à Macenta, les enfants de la rue, des enfants abandonnés, des filles violées, les enfants exploités ou encore des enfants déscolarisés. Voilà entre autres nos préoccupations. Aujourd’hui, nous avons plus d’une centaine d’enfants qui sont dans cette situation. Le constat aussi est que ces enfants ne sont pas que des Guinéens. Il y a des Libériens, des Sierra-Léonais, des burkinabé qui se sont retrouvent ici à Macenta. (…) C’est un peu islamique. L’argument que les maîtres exploitants ont fourni est que ces enfants sont venus apprendre le coran et le comportement musulman. Mais, ce sont des arguments qui ne tiennent pas. Tout simplement parce que ces enfants sont exploités.
Ils sont dans la rue. Quelqu’un par exemple qui se trouve au Libéria et qui a besoin d’un groupe d’enfants pour faire un travail soit de construction ou de maraîchage, l’intéressé fait appel à eux pour faire le travail. Ils sont vraiment exploités, ces enfants. Et pire dans tout ça aussi est que ce ne sont que des mineurs. Les plus âgés ont quinze ou seize ans. Sinon, vous avez de mômes de sept, huit, neuf ou douze à treize ans », déplore Patricia Mara.
Il n’y a pas que l’exploitation des enfants à Macenta. Il y a aussi et surtout les cas de viol et d’enlèvement d’enfants dans la cité. Une situation que Patricia Mara a fustigée : « Vous savez, il y a aussi des cas d’enlèvement d’enfants. Mais heureusement qui est aujourd’hui en baisse. Cette année 2019, nous avons enregistré un seul cas d’abord. C’est une femme qui était partie vendre son enfant au Libéria. Mais, avec les forces de sécurité, nous avons réussi à mettre main sur elle. Actuellement, le dossier est devant le tribunal de première instance de Macenta. A cela, s’ajoutent huit autres cas de viol ».
Le rôle de l’Action sociale pour freiner le phénomène…
Patricia Mara apporte des précisions : « Nous avons déjà entamé le processus. Et comme il s’agit d’une couche très vulnérable, nous allons définir une stratégie pour mettre fin à ça. Nous avons convoqué ceux-là qu’on appelle les » maîtres exploitants » pour échanger avec eux. Ils nous ont dit les raisons qui les poussent à procéder à cette pratique. Raisons à mon avis qui ne sont pas fondées. Pour le moment nous sommes en train de voir comment mettre en place une stratégie et impliquer les ONG pour en finir avec cette pratique ».
Du côté de la mairie, l’équipe communale est aussi préoccupée par ces enfants. La question serait d’ailleurs l’une des priorités. Des concertations avec une ONG de la place ont déjà eu lieu nous fait savoir le maire Gnenego Guilavogui qui se dit dépassé par la situation.
Ainsi, au regard de leur vécu quotidien, ces enfants ont aujourd’hui plus que jamais besoin de l’aide pour être rétablis dans leurs droits les plus élémentaires car ils encourent des risques énormes. Or, chaque enfant a droit à la santé et à l’éducation comme le stipulent les textes de lois.
De retour de Macenta, Abdourahamane Barry , pour Guinéenews®