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Les Heurs et Malheurs d’un Possible Troisième Mandat : les malédictions du mandat de trop (1ère partie)

Le monde doit la sagesse de la limitation de mandats présidentiels au premier Président des Etats-Unis Georges Washington, qui avait préféré se limiter à deux mandats et donner l’opportunité à d’autres valeureux fils du pays de continuer l’œuvre de la construction de la jeune nation.  Ce n’est que plus de 150 ans plus tard que la question d’un mandat de trop va se poser pour la première fois aux Etats Unis.

Nous sommes en 1933, en pleine crise du capitalisme et du système économique américain quand Franklin Delano Roosevelt (FDR) fut porté à la magistrature suprême sous la bannière des Démocrates. Sa mission : sortir le pays de la plus grande crise économique de son histoire : La Grande Dépression.  FDR prend le taureau par les cornes sans perdre de temps.  Durant ses premiers 100 jours au pouvoir, il crée un compact social appelé The New Deal (la Nouvelle Donne) pour atténuer les effets de la Crise.  Ses initiatives vont profondément transformer l’Amérique et lancer le mouvement du libéralisme.  Charismatique, il va exploiter la radio pour communiquer à son peuple, comme il le faisait avec les membres de sa famille.  Il fut le premier Président américain à apparaitre sur une télévision, et sa popularité était légendaire. En reconnaissance de son exploit économique, les Américains vont le réélire avec un coup KO en 1936 pour son second mandat. Ses réformes économiques et politiques continuent de nos jours à donner une face humaine au capitalisme (lois sur la Sécurité Sociale, la protection des travailleurs, l’assurance des dépôts bancaires, la règlementation de la Bourse des Changes).

En 1940, alors qu’il devrait passer le témoin à un autre candidat, conformément à la tradition établie par Georges Washington pour limiter le mandat d’un Président à deux quadriennats, FDR est si populaire qu’il décide de briguer un troisième mandat.  Il n’a pas besoin de modifier la Constitution puisque celle-ci n’imposait pas de limite.  Il est réélu pour un troisième mandat, mais c’est le mandat de toutes les difficultés.  Déjà la deuxième guerre mondiale venait d’éclater, mais l’Amérique en était épargnée par sa neutralité.  Cette neutralité va changer le 7 Décembre 1941 par suite de l’attaque japonaise sur Pearl Harbor. FDR devient, par la force des choses, un Président de temps de guerre. Il s’allie avec Winston Churchill de l’Angleterre, Joseph Staline de la Russie et Chiang Kai Check de la Chine pour mettre en défaite les forces de l’Axe (Allemagne, Italie Japon et leurs alliés).  Affaibli par le stress de gérer une guerre, l’âge avancé et la maladie (il avait contracté la polyo depuis 1921), il ne résiste pas à la tentation de se présenter à un mandat de trop, un quatrième mandat qui va lui être fatal.  Il est réélu pour le quatrième mandat en Novembre 1944, mais ne finira pas les 100 premiers jours du mandat à cause de la malédiction du mandat de trop. Son investiture a lieu en Janvier 1945, mais 11 semaines plus tard il rend l’âme.

A la suite de son décès, les Américains célèbrent son héritage et l’élèvent au statut de troisième plus Grand Président des Etats-Unis, après Washington et Lincoln.  Mais ils n’oublient pas la faute d’un mandat de trop. Ils tirent la leçon et concluent que maintenir un Président trop longtemps au pouvoir pourrait avoir des conséquences négatives pour le jeu démocratique.  Ils se décident alors de bloquer les appétits des futurs présidents à travers un amendement  de la Constitution.  FDR faisait déjà des émules.  Le Président Ulysses Grant avait essayé de s’inspirer de FDR pour se présenter après un hiatus de trois ans, mais les électeurs avaient refusé. Après ce fut le tour de Theodore Roosevelt de s’essayer à un troisième mandat, mais les Américains ont dit « Non » et ont choisi Woodrow Wilson.  Le cauchemar du troisième mandat va hanter les Américains et les pousser à créer une commission de réflexion sur le sujet.  C’est la Commission Hoover, sous Harry Truman, qui conclut son travail avec la recommandation qu’un Président des Etats-Unis ne doit plus être autorisé  à servir au-delà de deux mandats.  La raison avancée est que le règne de plus de deux mandats pourrait non seulement affaiblir un Président, mais aussi remettre en question la démocratie et ouvrir la voie à la monarchie.  Or, les Américains se sont sacrifiés durant leur révolution pour mettre fin à la monarchie. Il n’est pas donc question de transformer leur Président en un autocrate qui sera tenté de régner comme un monarque. Un amendement à la Constitution est alors soumis au Congrès pour imposer la limitation de mandat aux futurs Présidents des Etats Unis. Cet amendement est approuvé par le Congrès le 21 Mars 1947 et deviendra le 22ème Amendement à la Constitution des Etats-Unis. Il aura fallu quatre ans pour ratifier l’Amendement le 27 Février 1951.

Depuis l’expérience de FDR, des politiciens nostalgiques ont essayé plusieurs fois d’introduire un projet de loi abrogeant le 22ème Amendement de la Constitution, mais n’ont même pu dépasser l’étape de Commission Parlementaire ou la mesure est invariablement rejetée. La limitation de mandat présidentiel fut par la suite introduite dans la Constitution de la plupart des pays qui se considèrent démocratiques.  En Afrique, la notion de limitation de mandat présidentiels était une aberration. Les pères de l’Indépendance étaient de fait Présidents à vie, et plusieurs parmi eux ont dû être dégagés par coup d’Etat.  C’est le discours de la Baule le 20 juin 1990 à l’occasion de la 16eme conférence des Chefs d’Etat d’Afrique et de France qui conditionne l’aide au développement à la bonne gouvernance, au pluralisme politique, et à l’alternance politique.  C’est ainsi que plusieurs pays africains, dont la Guinée, vont se lancer dans des reformes politiques.  Lansana Conte fut l’un des premiers Chefs d’Etats à embarquer son pays dans ce genre de reformes.  Volontariste, il rêvait de faire revivre l’exemple Guinéen du « NON » du 28 Septembre 1958 quand la Guinée avait inspiré les autres pays par son courage et sa témérité.   Le 23 Décembre 1990, il organise un referendum sur la nouvelle Constitution qui engage le pays résolument dans la démocratie.   Enthousiastes et pleins d’espoir pour un lendemain meilleur, les Guinéens votent « Oui » à 98%.  Par la suite, Conté dissout le Comité Militaire de Redressement National (la junte qu’il dirigeait) le 16 Janvier 1991 et se prépare aux élections démocratiques.  A partir de 1992, il autorise les partis politiques et fait le jeu démocratique. Il crée son propre parti, le Parti de l’Unité et du Progrès dont il sera le porte-flambeau et organise les premières élections démocratiques et pluralistes depuis l’Indépendance du pays.  C’est le 23 Décembre 1990. Avec un score de 51.7%, il a failli rater son coup KO et aller au second tour avec l’Opposant Alpha Condé crédité de 19.6%.

Conté fut donc le deuxième Président Démocratiquement Elu du pays, (Sékou Touré était en fait démocratiquement élu en 1958), mais plus tard quand Alpha Condé accède au pouvoir, ses partisans vont l’affubler du titre de « Premier Président Démocratiquement Elu en Guinée. » Conté avait donc de bonnes intentions au début, mais les forces du mal tapies dans le régime et la pesanteur du régionalisme et de l’ethnocentrisme ne tardent pas à le convaincre que le pouvoir est à garder pour soi, pour les siens et les alliés, que l’exercice du pouvoir tourne autour de la survie quotidienne pour préserver les avantages du pouvoir à vie. Ses stratèges arrivent à le convaincre que c’est de bonne guerre de tricher, mentir, persécuter les opposants, et acheter les consciences pour garder le pouvoir. C’est ainsi que Conté décide de devenir Président à vie. Comme lui, plusieurs Chef d’Etats africains essayeront de fausser le jeu démocratique pour se maintenir au pouvoir au-delà du nombre de mandats prescrit par la Constitution.

Pour éclairer nos lecteurs, nous avons examiné plusieurs sources et archives pour essayer de comprendre les implications d’un mandat de trop pour la Guinée.  Nos recherches ont fait ressortir que le troisième mandat est très risqué. Dans la grande majorité des cas, les choses ne se passent pas comme prévu.  Le pays devient la proie à de vives tensions et de divisions irréconciliables qui maintiennent le pays dans une impasse. Très souvent la dégringolade d’un pays commence par un mandat de trop, un refus de l’alternance et du partage du pouvoir. L’histoire n’est pas tendre envers ceux qui faussent le jeu démocratique pour se maintenir au pouvoir à vie.  Les sorts de Mobutu (ancien Zaïre), Mugabe (Zimbabwe), Ghadafi (Lybie), Siad Barre (Somalie) et autres sont pleins d’enseignements.  Le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument.  Un mandat de plus ne fait qu’aggraver la corruption du pouvoir.  Mais celui qui triche pour s’éterniser au pouvoir ne l’emportera pas au paradis.  La punition serait ici-bas, sous forme de malédiction.  Nous examinons ci-dessous par ordre alphabétique les pays africains ou les Présidents ont subi de plein fouet la malédiction du mandat de trop.  L’expérience de plusieurs pays africains montre que les mandats de trop se sont avérés être des mandats maudits. Soit le mandataire est confronté à des problèmes si énormes qu’ils lui font oublier les délices du pouvoir, soit il est dégagé comme un malpropre et mis dans la poubelle de l’histoire. Aussi, un pays qui se soumet aux ambitions politico-personnelles de son Président le fait à ses risques et périls. A part de très rares exceptions, un mandat de trop s’accompagne par des conséquences négatives significatives pour le pays : division, manque de cohésion nationale, manque de développement, crises politiques et économiques à répétition, conflits à long terme et séparatisme.

En Algérie, le Président Bouteflika, pour se maintenir au pouvoir à vie, avait fait adopter par son parlement en 2008 un amendement constitutionnel lui permettant de de présenter aux élections tant qu’il le voudra.  Elu en 1999, il sera réélu quatre fois, mais la malédiction du mandat de trop ne tarde pas à le rattraper. Il est physiquement et mentalement diminué, presque végétatif, au moment où il s’apprêtait pour un cinquième mandat.  Conspué par sa population et abandonné par son armée, il est forcé à la démission et accepte de sortir par la petite porte.  Au Soudan, Omar Al-Bashir a essayé de suivre le même chemin.  Il a formé une commission parlementaire pour modifier la constitution pour prolonger son mandat après 30 ans de pouvoir autoritaire. La malédiction du mandat de trop vient de s’abattre sur lui. Désavoué par la population, l’armée vient d’intervenir pour le destituer et l’embastiller comme un malpropre.

Au Burkina Faso, le Beau Blaise modifie la Constitution de 1991 en 2000 avec une truanderie qui rappelle celle que les sirènes du pouvoir veulent tenter pour Alpha Condé. L’amendement proposé par Blaise rentre en vigueur après son deuxième mandat. Elu en 1991, réélu en 1998, il était à son second et dernier mandat). Compaoré calcule que s’il change la Constitution avant la fin de son deuxième mandat, il pourrait remettre les compteurs à zéro, et donc se présenter à deux mandats de plus à partir de 2005.  Il modifie donc la Constitution, et sans surprise il remporte les élections de 2005, ensuite celles de 2010.  Toujours pas rassasié du pouvoir après 27 ans de règne, il essaye encore de modifier le Constitution pour un troisième mandat-bis en 2015.  C’est en ce moment que la malédiction du mandat de trop le rattrape.  Avec le mouvement Balai Citoyen, le peuple Burkinabè se lève comme un seul homme et chasse Blaise du pouvoir comme un malpropre. Il vit maintenant en exil, alors que tout son système est démantelé.

Au Cameroun Paul Biya s’accroche par la même tactique.  Après avoir obtenu le pouvoir par la ruse contre l’éminent bâtisseur Ahmadou Ahidjo en 1982, il est réélu en 1984 et 1988.  Quand le multipartisme est instauré, il organise des élections qu’il gagne en 1992, en 1997 et en 2004.  En 2008, il exige de son Assemblée nationale de supprimer toute limitation du nombre de mandats pour qu’il se présente en 2011. En 2018 il est réélu pour un septième mandat (excusez du peu). La malédiction du mandat de trop ne l’a pas terrassé encore, mais les séquelles sont évidentes. D’abord l’un des pays les plus riches d’Afrique qu’il a eu la charge de diriger est devenu méconnaissable et languissant, gangrené par la corruption, l’ethnocentrisme, Boko Haram, et même la guerre de sécession initiée par les séparatistes anglophones.  Affaibli, Paul continue à s’accrocher au pouvoir pour le moment.

Au Gabon, Omar Bongo modifie la Constitution en 2003 pour lui donner une présidence à vie. Il avait accédé au pouvoir en 1967 et était réélu en 1973, 1979, en 1986, en 1993, en 1998, et 2005. C’est en 2009 que la malédiction du mandat de trop le frappe.  Malade et affaibli, il meurt en 2009 après 42 ans d’exercice du pouvoir. Son fils Ali Bongo le succède en 2009 et est réélu en 2016 à l’aide de fraudes massives. La malédiction qui avait épargné Bongo père, ne tarde pas à frapper Bongo fils.  Au milieu de son second mandat, Ali Bongo prend un malaise le 24 Octobre 2018.  Il est hospitalisé en Arabie Saoudite et perd une bonne partie de ses facultés.  Inquiets de son incapacité, des jeunes militaires fougueux fomentent un coup d’Etat le 7 janvier 2019 mais échouent. Le malaise du pays s’empire.  Bongo est toujours en convalescence au Maroc alors que le Gabon s’interroge sur son avenir.

En Guinée, l’histoire se répète avec une régularité de métronome. Sékou Touré se considérait Président à vie et avait déjà passé la ligne rouge du mandat de trop.  Le 9 Mai 1982, il se fait réélire pour le quatrième septennat consécutif, et élabore des plans grandioses pour abriter le prestigieux sommet de l’OUA et en être le Président en exercice, tout en continuant de terroriser les guinéens par des complots suivis d’une répression impitoyable.  Il promet aussi le fer du Simandou, l’énergie du Konkouré et la transformation des produits miniers. La malédiction du mandat de trop le rattrape moins de deux ans après son quatrième septennat. Il mourra le 26 Mars 1984 en laissant derrière lui un pays arriéré et terrorisé par son règne sanglant.  Les militaires s’emparent du pouvoir et enterrent son héritage politique. Son successeur, Lansana Conté, lui aussi a opté de mourir le pouvoir en main. Après avoir accepté une Constitution moderne consacrant la limite de mandats en 1990, il décide de modifier celle-ci en 2002 pour briguer un troisième mandat.  Il se fait élire le 21 Décembre 2003 et s’adjuge 95.6% des suffrages.  Mais la malédiction du mandat de trop le frappe. Il est affaibli par la maladie et passera son troisième mandat comme un cadavre ambulant.  Il crée une vraie vacance de pouvoir, livrant le pays à la merci de clans mafieux. Le sommet de l’Etat devient une pétaudière et la Guinée bascule vers le statut de narco-Etat.  Cinq ans presque jour pour jour après son cadeau de coup KO du troisième mandat, il mourra le 22 Décembre 2008, laissant la Guinée dans un état pire qu’il ne l’avait trouvé.  Comme dans le cas de Sékou Toure, les militaires s’emparent du pouvoir. Le «  koudaisme » et le PUP sont morts avec lui. Ses héritiers et stratèges politiques se vendent aux adversaires d’hier. Dadis Camara qui succède à Lansana Conté au sommet de l’Etat a aussi à sa façon, essaye de se maintenir au pouvoir en s’octroyant l’option de se présenter à des élections qu’il allait organiser. La malédiction du mandat de trop le frappe avec une balle dans la tête et un exil forcé.

Au Niger, Mamadou Tandja est élu en 1999 contre son rival Mohamadou Issoufou.  Il rebelotte en 2006 pour un second mandat.  Puis en 2008, il décide que le pouvoir ne doit pas être abandonné.  Il fait appel aux Chinois pour lancer un grand projet d’exploitation de pétrole et de construction d’une raffinerie à Zinder. En même temps, il tente d’émerveiller la population en obtenant des Chinois la construction d’un deuxième pont sur le Niger pour désengorger la circulation.  Sur la base de ces projets, il corrompt à coup de francs des groupes de « mamayeurs «  qui se mobilisent le 21 Décembre 2008 devant l’Assemblée Nationale pour demander au nom du peuple que Tandja soit autorisé à prolonger son mandat de trois ans pour achever les grands projets qu’il a initiés. Tadzarché (continuité) ! criaient-ils.  En réponse, Tandja fait savoir qu’il est obligé d’accéder à la volonté populaire qui le supplie de modifier la Constitution pour prolonger son deuxième mandat vers un troisième mandat redox.  Il entame donc le process permettant de faire sauter l’article 36 de la Constitution de 1999 qui limitait le nombre de mandats présidentiels à deux.  Immédiatement, la Cour Constitutionnelle se saisit du dossier et sort une décision dans laquelle elle rejette les manœuvres de Tandja comme anticonstitutionnelle, mais aussi une violation du serment que le Président a pris sur le Coran. Tandja répond en quelques heures avec un communiqué annonçant la dissolution de l’Assemblée Nationale.  Il ordonne à la Cour Constitutionnelle de revenir sur sa décision, mais celle-ci refuse.  Alors Tandja joue son va-tout. Le 26 Juin 2009, il décide de légiférer par décret. C’est alors que l’Opposant Mahamadou Issoufou rallie le peuple derrière lui pour barrer la route à la violation de la Constitution.  Tandja fera à sa guise, malgré le mécontentement populaire.  Mais la malédiction du troisième mandat l’attendait au tournant.  C’est le 18 Février 2010 que l’armée décidera de mettre une fin aux ambitions du roublard Tandja. Ils l’arrêtent comme un malpropre et l’emprisonnent. Plus tard, comme pour lui donner une leçon, ils le laissent en liberté après le rétablissement de l’ordre constitutionnel. Il vit au Niger comme un simple citoyen.

Au Mali, l’erreur du très respecté Amadou Toumani Toure (ATT) a été de ne pas être clair sur son plan pour un troisième mandat.  Après avoir déclaré avec emphase « Je suis un homme d’honneur et puis après le pouvoir il y a la vie ! » Il promet en Avril 2010 de rendre le tablier, d’aller aux champs et s’occuper de ses petits-enfants. Il veut aussi faire le toilettage de Constitution malienne de 1992 avant la fin de son mandat.  Il est catégorique : il ne touchera pas à l’article 30 de la constitution portant sur le nombre et la durée des mandats présidentiels.  Mais les Maliens sont sceptiques et pensent qu’ATT pourrait être tenté  de recourir au prétexte de l’insécurité au Nord du pays pour demander un prolongement de mandat.  Déjà en en début 2012, il n’a toujours pas annoncé un plan de succession.  Or, son mandat finissait le 8 Juin 2012.  Peut-être se préparait-il pour un mandat de trop.  La malédiction est venue le frapper sous la forme d’un coup d’Etat de jeunes militaires qui le renversent et le mettent en fuite le 22 Mars 2012, à quelques mois de la fin de son deuxième et dernier mandat.

Au Sénégal, Abdoulaye Wade est élu en 2000 et amorce une modification de la Constitution pour imposer la limite de mandats. Il est réélu en 2007 et promet de quitter à la fin de son second mandat comme l’exige la Constitution dont il est l’auteur.  Mais à l’approche des élections de 2012, Wade a pris gout au pouvoir.  Il érige son fils Karim en Ministre du Ciel et de la Terre, et se prépare à violer sa propre Constitution pour briguer un troisième mandat. Il s’adonne à une gymnastique légaliste pour expliquer que la Constitution de 2000 ne s’appliquait pas à lui puisqu’il était déjà Président en exercice.  La colère populaire contre cette supercherie donne naissance au mouvement Y’en a marre.  Il fait avaliser sa candidature par une cour constitutionnelle à sa dévotion.  La révolte populaire ne se fait pas attendre, et cette colère est reprise et véhiculée soigneusement par des anciens premiers ministres mués en opposants.  Idrissa Seck, Macky Sall, Tanor Dieng et Moustapha Niasse feront front commun pour barrer la route à Wade.  Ils réussissent leur coup ! Wade n’est pas pour autant épargné par la malédiction du mandat de trop.  Il sortira par la petite porte, lui qui rêvait d’être le doyen sage et respecté parmi les Présidents africains.

Au Togo, c’est Eyadema père qui s’empare du pouvoir à travers un coup d’Etat en 1967. Il se fait élire en 1972 et réélire en 1979 et 1986.  Il accepte le multipartisme et se fait élire encore en 1993, 1998 et 2003.  En 2002, Eyadema modifie unilatéralement la Constitution pour se donner une présidence à vie et préparer la voie de la succession pour son fils.  Il fait sauter la prévision sur la limitation de mandats et faire réduire l’âge minimal de candidature de 45 à 35 ans.  La malédiction du troisième mandat le frappait déjà depuis 15 ans, ayant vu le Togo péricliter sous sanctions de l’Union Européenne.  Le pouvoir l’use et sa santé  s’affaiblit. Il meurt avec une réputation de dictateur en Février 2005.  C’est son fils Faure Gnassingbé qui continue l’œuvre de papa.  Les Togolais voulaient en finir avec l’ère Eyadema, mais la machine du pouvoir est trop ancrée. Faure organise deux élections qu’il remporte successivement.  Pour son troisième mandat, Faure joue une vraie comédie politique.  En 2017, il s’insurge contre le fait que la Constitution du Togo ne prévoyait pas la limitation de mandat (c’est son père qui avait fait sauter la clause limitant les mandats a deux).  Faure estime que pour rendre la Constitution plus démocratique, il est nécessaire de la modifier pour faire revenir la limitation de mandats que son papa avait fauter en 2002.  Dans son calcul, l’Opposition serait contrainte de dire « oui » à la limitation de mandats, puisqu’elle l’exige d’ailleurs.  Mais ce qui est encore plus génial, c’est qu’une telle modification remet les compteurs à zéro et ouvre un boulevard pour que le jeune Faure fasse deux mandats additionnels (jusqu’à 2030) et continue à être maitre du destin des togolais toute sa vie.  La malédiction du mandat de trop ne tarde pas à sévir.  Le pays devient ingérable, la population se lève en masse. Faure Eyadema recule un peu, mais ne lâche pas. Il gagne du temps sachant qu’il est impossible pour la population de maintenir un front commun pendant longtemps.

Comme en Guinée, il suffit à Faure de tirer les ficelles de l’ethnocentrisme et du régionalisme pour que toute opposition à son régime soit brisée. D’ailleurs, comme en Guinée, son opposition est très divisée.  Il exploite les failles et fait semblant d’ouvrir un dialogue avec l’Opposition. Ce qui lui donne la couverture pour organiser en Décembre 2018, en catimini des élections législatives taillées sur mesure, sachant que la communauté internationale qui s’inquiétait du Togo est occupée par la crise en RDC et les élections au Nigeria. Une partie de l’Opposition fait bêtement le jeu en décidant de boycotter les élections.  Faure fait le forcing et rafle 59 sur 91 sièges qui sont largement suffisant pour lui permettre de corrompre quelques opposant pour avoir les 4/5eme des votes nécessaires à la modification de la Constitution.  En Guinée, ceux qui critiquent les députés opposants de rejoindre l’Assemble Nationale ne savent pas qu’Alpha Condé peut faire comme Eyadema.

Au Zimbabwe, Mugabe qui dirige son pays depuis 37 ans a subi de plein fouet la malédiction d’un mandat de trop.  Son pays, jadis la vitrine de l’Afrique moderne, est tombé au plus bas du désespoir avec une économie moribonde, l’instabilité politique, et une inflation légendaire.  Le dollar zimbabwéen ne vaut rien.  Les dénominations des billets de banque commençaient par 1 trillion de dollars.  Au moment fort de l’hyperinflation, le billet de 1 trillion (1000 milliards) de dollars zimbabwéens valait 40 centimes US.  Mugabe est acculé, et l’opposition gagne du terrain.  En 2013, comme pour lâcher du lest, il propose de changer la Constitution par referendum.  Il introduit une clause de limite de mandat à deux quinquennats. Ceci plait aux Zimbabwéens. Le « Oui » l’emporte massivement (95%) mais le roublard Mugabe avait pipé les dés pour se maintenir au pouvoir au moins une décennie après le referendum. Il s’arrange pour que la nouvelle Constitution  ne s’applique pas à lui rétroactivement puisqu’il est déjà en exercice.  Ce qui signifie que s’il arrive à se faire élire en 2018, il aura droit à deux mandats additionnels totalisant 10 ans.  Et s’il arrivait à mourir au pouvoir, son parti aura le droit de nommer un remplaçant plutôt que d’organiser des élections.  En Novembre 2017 son armée est fatigué de lui et lui recommande de prendre la retraite, mais il tient tête aux généraux.  La solution politique est alors envisagée.  Son parti, le la ZANU-PF le destitue et le menace d’impeachment s’il ne démissionne pas.  Abandonné de tous, sauf sa jeune femme, Mugabe n’a d’autre choix que de signer une lettre de démission qu’il transmettra au Parlement le 21 Novembre 2017.  C’est la fin de règne dans l’ignominie du plus vieux roublard politique du continent.

Dans notre prochaine édition, nous traiterons des implications d’un mandat de trop pour la Guinée sur la base de l’expérience des pays africains.

 

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