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Le Complexe NAD : L’audace d’assumer son destin

« Que les gens l’acceptent ou non, NAD a révolutionné le système éducatif dans la région », affirma Alhaidy Sow, Directeur d’Espace, lors d’une de nos récentes discussions. À 26 ans, je n’aurais jamais imaginé un tel résultat. Aujourd’hui, à 33 ans, je repense à un parcours improbable, rempli de défis que nous avons su relever grâce à des jeunes venus de Labé, Boké, Dabola, Coyah, Boffa, N’Nzérékoré, Conakry et Dinguiraye. Cet article est donc une célébration du chemin parcouru, mais aussi un hommage à ces jeunes qui ont cru en moi et m’ont permis de devenir meilleure. Cette jeunesse, diverse par ses origines et unique dans sa détermination, m’a fait réaliser que l’avenir, c’est nous. Il suffit d’y croire et de l’assumer pleinement.

En 2018, je quittai les États-Unis après l’obtention de mon master à l’Université de Bentley pour participer à la mise en œuvre du complexe NAD ; un complexe scolaire et sanitaire dont la vision est la formation de futurs cadres capable de s’investir dans un monde en perpétuelle mutation comme l’affirma mon père Mohamed Yaya Baldé. J’avais décidé de rentrer temporairement en Guinée, mais une année plus tard, le destin en décida autrement. Suite à son AVC, je décidai alors de rester pour faire briller cette œuvre afin qu’elle devienne la source de nombreuses graines fruiteuse.

L’objectif était clair : assurer l’élévation et la pérennisation du complexe NAD, l’œuvre de toute une vie. Aujourd’hui, cinq ans plus tard, je suis fier de constater que le complexe NAD est devenu une institution de référence dans la région de Labé. Ce projet, qui a débuté modestement avec 82 apprenants, de la petite section à la deuxième année, a connu une croissance impressionnante, accueillant plus de 500 apprenants en l’espace de cinq ans. Cette évolution témoigne non seulement de la qualité de notre enseignement, mais aussi de la confiance que nous accorde la communauté. 

Les NADiens se distinguent non seulement par leurs performances académiques, mais aussi par leur comportement et leur franc-parler. À date, tous nos apprenants ont toujours passé le certificat d’études élémentaires avec mention, un exploit inédit dans la région. Au-delà des simples performances académiques, le complexe NAD est devenu un lieu où les apprenants sont encouragés à s’exprimer librement, à développer leur esprit critique et à adopter une culture d’excellence. Ici, l’objectif n’est pas d’être le premier, mais de donner le meilleur. Grâce aux autocollants « Bon Samaritain » aussi, qui récompensent les apprenants pour leurs actes de générosité quotidien, ils cultivent aussi peu à peu un sens aigu de la responsabilité et de l’importance du service.

Récemment, le complexe a inauguré son centre médical à la fin de 2023, comportant un service de médecine général et un service d’analyse biomédicale. Ce centre ambulatoire encourage une participation plus active des patients dans l’amélioration de leur santé, introduit des pratiques sanitaires innovatrices, et facilite la continuité des soins à travers son logiciel médical MIHVA en partenariat avec Latlon Technologies. Il compte responsabiliser les individus à prendre en charge leur santé de manière proactive et de devenir un acteur de premier plan dans la prestation de soins primaires dans la région de Labé. 

Pour moi, ce résultat est source d’une immense fierté, non seulement pour ce qu’il représente pour mon père, mais aussi pour la reconnaissance qu’il incarne envers la jeunesse guinéenne. Le complexe NAD est principalement composé d’une équipe de jeunes, et aujourd’hui, cette jeune équipe a prouvé sa capacité à bien faire et à exceller dans un environnement propice. En tant que leur leader, ils m’ont appris la signification du sacrifice et l’importance de l’engagement. Je réalise maintenant que pour inciter les jeunes guinéens à croire en leur propre potentiel, il faut des leaders prêts à agir, et qui savent que c’est la responsabilité individuelle qui donne naissance à la responsabilité collective. Et, c’est cette responsabilité collective qui donne un sens à l’engagement personnel. Le sacrifice et l’engagement rigoureux sont les seuls moyens de surmonter ce fatalisme qui empêche nos jeunes de croire leurs propres potentialités. Clairement, ce résultat démontre qu’avec une jeunesse qui rêve et lutte pour ses idéaux, rien n’est impossible. Il suffit d’avoir le bon leader, le bon guide car l’avenir, c’est nous. Il nous suffit juste de l’assumer pleinement. 

Le choix du retour : entre indécision et détermination

Je voudrais aussi profiter de l’occasion pour m’adresser à la diaspora vivant en Amérique, Europe ou Asie qui envisage de retourner au pays. Ce désir ardent de servir, de s’engager, de contribuer et de partager ce que l’on a appris avec sa patrie est non seulement naturel, mais également admirable. Beaucoup ressentent ce besoin profond après quelques années passées dans ces continents. Malheureusement, trop de revenants finissent par repartir, car dès leur arrivée, ils se retrouvent dans un océan de désillusion et d’incompréhension.

Il n’est pas rare de rencontrer des Guinéens qui pensent ne pas avoir assez d’argent (de capital) ou qui croient ne pas avoir acquis suffisamment d’expérience, de connaissances ou de diplômes pour envisager un retour au pays. Il est vrai qu’avoir accès à un capital ou posséder des compétences peut faciliter la réintégration à court terme après un retour. Cependant, ni l’argent, ni les compétences, ni les diplômes ne détermineront la capacité à rester et à vivre au pays après avoir passé plusieurs années en Occident. Pour y rester durablement, il est essentiel d’adopter une certaine mentalité : comprendre dès le départ que l’on ne rentre pas pour « devenir », mais simplement pour « se construire » et « contribuer ». Peut-être qu’avec le temps, en se construisant et en contribuant, on finira par « devenir ». Cependant, le succès dans l’action, la reconnaissance de ses capacités ou l’affirmation de ses compétences ne sont en aucun cas garantis et sont mêmes improbables.

Alors, il est essentiel de ne pas agir sur un coup de tête. Ce retour au pays nécessite une préparation, sauf dans des situations exceptionnelles. Dans un premier temps, il est nécessaire de se préparer à venir et à repartir. Cette indécision peut en réalité faciliter la transition. Il faut garder à l’esprit qu’après avoir passé quelques années en Occident ou en Asie, cette expérience fait partie intégrante de votre mode de vie. Par la suite, il est crucial de définir un objectif, car il oriente l’esprit et aide à se concentrer sur l’essentiel. Maintenant, il faudra éviter de confondre une vision ou un idéal à un objectif. Qu’il soit général ou spécifique, un objectif est souvent précis, temporaire et mesurable.

Ensuite, il est crucial de faire preuve de patience pour s’adapter, voire d’apprendre à accepter des situations sans nécessairement tout comprendre. Vivre en Occident peut parfois nous amener, même inconsciemment, à développer un certain complexe de supériorité par rapport à nos pairs. Cela peut entraîner de l’impatience ou de l’arrogance, alors qu’ici, qu’on soit employé ou entrepreneur, il faut nécessairement composer avec la main-d’œuvre locale. Je vous préviens dès maintenant : le capital humain est limité, et notre système éducatif, déjà obsolète, n’arrange en rien les choses. Chaque action prendra toujours plus de temps que prévu et la mauvaise information est une réalité courante ; obtenir l’information exacte quand on en a besoin est rare, et il faut s’attendre à ce que les premières informations reçues soient souvent incorrectes. Malgré tout, il est nécessaire de suivre ce chemin pavé de mauvaises informations pour finir par tomber, parfois par accident, sur la bonne information.

Peu à peu, à travers vos sacrifices, vos contributions, et l’évolution de vos objectifs, vous commencerez à croire de plus en plus en ce que vous faites, ce qui vous incitera à vous investir davantage, à y rester. Cela vous permettra d’avoir la conviction en votre décision et de l’assumer pleinement. Qu’elle soit bonne ou mauvaise, vous serez bien plus apte d’accepter et de vivre avec les conséquences de ce choix. Il le faut car l’avenir, c’est nous. Il nous suffit juste de l’assumer pleinement.

Ahmadou Oury Baldé, 

Directeur Général du Complexe NAD

Doctorant en Management

à l’Université de Bentley, USA

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