« Le chemin est encore très long vers une transition réussie, et les embûches qui se présenteront sur le chemin du colonel sont nombreuses. Dès maintenant, le nouveau pouvoir doit prendre des mesures fermes, et instaurer des habitudes de gouvernance qui trancheront avec les écueils institutionnels que notre pays a connu ces cinquante dernières années »
À l’occasion de la phase de consultation initiée par le CNRD, notre quotidien est parti à la rencontre de certains membres influents de la diaspora guinéenne. Guineenews vous propose ainsi l’interview de Dr Alpha Dramé, cadre supérieur à Genève. Interview
Guineenews : Quel est votre sentiment sur les événements du 5 septembre dernier ? Le renversement du régime d’Alpha Condé était-il inévitable ?
Dr Alpha Dramé : Je ne suis pas au nombre de ceux qui applaudissent des deux mains le pouvoir militaire, sans prendre aucun recul sur la situation, et sans demander aucun gage à la transition. La reprise en main du pouvoir par l’armée n’est pas une bonne chose en soi, il faut y insister : elle est le symptôme de la faillite complète du régime d’Alpha Condé, de l’enterrement des promesses de renouveau qui avaient accompagné son arrivée au pouvoir en 2010, et donc de la nullité du bilan de ces 10 dernières années de gouvernance, au moins pour ce qui concerne l’instauration d’un pouvoir durablement démocratique dans notre pays.
Guineenews : Vous ne vous réjouissez pas de l’arrivée au pouvoir du colonel Mamady Doumbouya ?
Dr A.D : Il faut distinguer l’homme et ses fonctions de l’espoir qu’il incarne. Il faut aussi saluer le courage et le sens de la responsabilité du CNRD, qui nous a débarrassé d’un régime dictatorial. Le troisième mandat d’Alpha Condé était illégal dans son principe : il n’a pu voir le jour qu’au bénéfice d’une mascarade électorale et d’un tripatouillage constitutionnel, qui ont d’emblée décrédibilisé le pouvoir, aux yeux des Guinéens comme aux yeux du monde entier. Le troisième mandat d’Alpha Condé était illégal sur tous les plans parce qu’il a été rendu possible par une jonglerie juridique qui prétendait que la promulgation d’une nouvelle constitution remettait les compteurs à zéro en termes de limitation du nombre de mandat – ce qui est absurde juridiquement –, mais aussi parce que l’élection présidentielle elle-même était entachée d’irrégularités flagrantes – fraudes massives, fichier électoral truqué, etc. Du point de vue de la légitimité démocratique, cela fait donc au moins 1 an que le pouvoir est vacant à Conakry.
Guineenews : Que pensez-vous des premiers pas du colonel Mamady Doumbouya à la tête de la transition ?
Dr A.D : Je dois reconnaître que je suis plutôt satisfait des annonces et des engagements formulés ces derniers jours. Le colonel Doumbouya semble vouloir former un gouvernement d’union nationale, en s’appuyant sur toutes les forces vives de la nation, en Guinée comme parmi sa diaspora, et paraît surtout à l’écoute des propositions qui lui sont remontées par les grands acteurs de la société civile. C’est un signe encourageant. Mais le chemin est encore très long vers une transition réussie, et les embûches qui se présenteront sur le chemin du colonel sont nombreuses. Dès maintenant, le nouveau pouvoir doit prendre des mesures fermes, et instaurer des habitudes de gouvernance qui trancheront avec les écueils institutionnels que notre pays a connu ces cinquante dernières années.
Guineenews : Quelles sont les mesures que le nouveau régime devrait prendre ?
Dr A.D : Il faut distinguer ici les mesures politiques de court terme et la feuille de route générale de la transition. À court terme, il faut que le CNRD clarifie la position du colonel Doumbouya et qu’il institue une charte de la transition qui définit les grandes lignes de l’exercice du pouvoir, qu’il règle la question de la détention d’Alpha Condé et qu’il facilite le jugement de ceux qui se sont rendus coupables de violation aux droits humains, qu’il normalise les relations diplomatiques, qu’il rassure les partenaires économiques internationaux, qu’il s’assure de la coopération pleine et entière de tous les grands acteurs de la société civile et qu’il forme un gouvernement d’union nationale.
Guineenews : Prenons ces mesures dans l’ordre : quel est votre point de vue sur le rôle du colonel Doumbouya comme chef du CNRD et sur l’organisation du pouvoir au sein de la transition ?
Dr A.D : Le colonel Mamady Doumbouya, en tant que chef de la transition et du CNRD, doit se proclamer clairement président de la République par intérim. Pour cela, il doit s’installer à Sekoutoureya et assumer pleinement les prérogatives qui reviennent à un chef de l’Etat. Il doit également instituer une charte transitoire de gouvernance qui, en substitution de la constitution de 2019, précise les fonctions du président par intérim, la formation du gouvernement et le nombre de ministres qui le composeront, le fonctionnement de l’Assemblée nationale et le sort des anciens députés, le rôle de l’armée et son organisation. Par ailleurs, le nouveau président de la République doit constituer rapidement un Comité d’experts, pour assurer son assistance technique, orienter sa gouvernance, conseiller sa communication et imposer son style.
Guineenews : Et sur la détention du président déchu, Alpha Condé ?
Dr A.D : Je comprends ici la tentation de céder à la realpolitik, et de négocier un compromis favorable à l’ancien pouvoir avec la CEDEAO, l’Union Africaine ou les représentants diplomatiques internationaux. Toutefois, la solution qui consisterait à offrir, à Alpha Condé, un exil doré dans un pays ami ne doit pas être une option. Elle décrédibiliserait d’emblée la transition aux yeux du peuple de Guinée, qui est le vrai souverain de cet État. En outre, elle contredirait d’emblée les intentions de la transition : si la reprise en main du pouvoir par l’armée était une action citoyenne, juste et légitime, c’est parce que le troisième mandat d’Alpha Condé était illégal. Or, si le mandat d’Alpha Condé était illégal, le président déchu doit être jugé pour cette illégalité. L’ancien président de la République, en promulguant une constitution avalisée par un référendum truqué, en s’octroyant un troisième mandat illégal, en commandant de nombreuses violations aux droits humains et en portant la responsabilité de la mauvaise gestion des ressources publiques du pays s’est rendu coupable de crimes flagrants, dont il appartient à la justice d’instruire l’ampleur et la nature. Une procédure juridictionnelle doit donc être ouverte à son encontre et Alpha Condé doit être jugé en Guinée.
Guineenews : Qu’en est-il du jugement des anciens ministres ou des autres dignitaires du régime Alpha Condé ?
Dr A.D : Il faut se garder ici des deux vices contraires que sont la chasse aux sorcières et le laxisme. Le président de la transition l’a du reste rappelé dès le lundi 6 septembre au palais du peuple : il n’y aura pas de chasse aux sorcières. C’est une nécessité pour que notre pays avance et que la transition soit l’occasion d’une véritable union nationale. Toutefois, modération ne vaut pas impunité, et les responsabilités doivent être situées, pour condamner les crimes graves qui ont été commis pendant les dix années de gouvernance d’Alpha Condé. Il faut, je crois, distinguer ici 3 cas distincts. Le premier est celui de la simple complicité d’exercice illégal de la magistrature suprême, un délit dont sont coupables absolument tous les ministres du dernier gouvernement et plus largement tous les hauts fonctionnaires encore en poste, et qui peut faire l’objet d’une amnistie générale au nom de la réconciliation nationale. Le second est celui de la violation des droits humains, et en particulier de la responsabilité des assassinats politiques commis ses dernières années, notamment à Ratoma. Ici, une procédure juridictionnelle doit être ouverte et une enquête doit être instruite. La transition doit faciliter, dans ce cadre, le travail de la justice civile et remettre aux magistrats tous les éléments à charge dont il pourrait avoir connaissance. Ce travail de la justice doit être toutefois indépendant. Enfin, la dernière faute, est celle du détournement d’argent public, et plus largement du mauvais usage des ressources communes. Sur ce point, un audit doit être conduit par un cabinet international indépendant pour évaluer l’efficacité et la transparence de la gouvernance des années du régime d’Alpha Condé. Une « commission des sages » doit être en outre constituée comme une Cour de justice transitionnelle, dans le but d’instruire les cas de corruption et de détournements d’argent public et de conduire des négociations de réparation et/ou de transférer les coupables à la justice.
Guineenews : Un autre point des mesures « immédiates » concernait la normalisation des relations diplomatiques ?
Dr A.D : En effet. Les condamnations prononcées par l’ONU, la CEDEAO, l’Union Européenne et le Quai d’Orsay, même si elles n’étaient peut-être que des condamnations de principe, ne doivent pas rester sans réponse : il faut insister sur le fait qu’un retour à l’ « ordre constitutionnel » est impossible à partir du moment où la constitution de 2019-2020 était elle-même une constitution sans assise légale et que le troisième mandat d’Alpha Condé n’a pu être institué qu’au bénéfice de fraudes électorales massives. Un retour à l’ordre constitutionnel rapide ne pourrait aboutir qu’à la réactivation de la dernière constitution légale, datant de 2010, qui, en prévoyant la limitation du nombre de mandats présidentiels, exclurait de facto Alpha Condé de l’exercice du pouvoir. Il faut également insister sur le fait que le soutien populaire et l’absence de résistance dans les différentes administrations témoignent de la légitimité du nouveau pouvoir. Le pouvoir appartient constitutionnellement au peuple de Guinée ; et le peuple de Guinée a fait le choix du CNRD
Guineenews : Qu’en est-il des partenaires économiques internationaux ? On pense notamment à la question de la validité des contrats miniers conclus pendant le régime d’Alpha Condé.
Dr A.D : Il faut garantir la continuité de l’État et de ses engagements : les opérateurs économiques, nationaux ou étrangers, doivent être rassurés quant au maintien des contrats de concession conclus avec l’État, et en particulier quant au maintien de la validité des dispositions contractuelles prévues dans les domaines miniers, mais aussi dans les domaines portuaires, aéroportuaires, des télécoms etc. Cette continuité des contrats conclus avec l’Etat n’implique pas toutefois que tous les avantages fiscaux dont jouissent les sociétés minières soient maintenus sans condition. Je pense en particulier à l’exonération de TVA dans le domaine minier, qui concerne aujourd’hui les grands opérateurs des industries extractives, mais aussi l’ensemble de la chaîne des sous-traitants. Il n’y a pas de raison légitime à ce que le commerçant guinéen paye le prix fort pour s’acquitter de la TVA quand il dédouane ses containers au port de Conakry et que les opérateurs miniers soient exonérés d’une telle redevance dans leurs opérations internes. Il faut revoir ce point au plus vite, dans un esprit de concertation et de dialogue, en faisant des compromis et des concessions, mais aussi en faisant montre de fermeté sur certains principes, et en particulier sur le principe d’équité. Il en va de la crédibilité de l’Etat auprès de sa population.
Guineenews : Quel rôle doit jouer la société civile dans la transition ?
Dr A.D : Son rôle doit être direct et permanent, d’abord dans la composition du nouveau gouvernement, ensuite dans le suivi des chantiers prioritaires. En plus de recevoir les sollicitations individuelles et les revendications parfois antagonistes des différentes composantes de la société civile, la transition doit convoquer régulièrement une grande assemblée nationale populaire au palais du peuple, réunissant les représentants des principaux syndicats, les représentants des ONG, les principaux opérateurs économiques et les chefs de partis. Les participants à cette assemblée pourront transmettre au nouveau président de la République un certain nombre de doléances prioritaires. Cette assemblée sera aussi l’occasion de présenter publiquement tous les points de la feuille de route de la transition, et de faire le bilan, étape après étape, de l’avancée des grands chantiers de la reconstruction de notre pays. Parallèlement, la transition devrait élaborer et mettre à jour constamment une base de données des technocrates et experts guinéens. Cette base de données facilitera l’organisation de séances des recrutements, qui doivent être prévues pour convier les forces vives de la nation qui souhaiteraient se mettre à la disposition du nouveau pouvoir.
Guineenews : Quel rôle doit jouer la diaspora ?
Dr A.D : La diaspora guinéenne contient en son sein de nombreux talents inexploités. Combien de Guinéens aujourd’hui exercent, en France, en Belgique, en Suisse, aux Etats Unis et jusqu’en Chine, d’importantes fonctions de direction dans les entreprises ? Combien sont haut fonctionnaires, professeurs d’université, médecins, avocats, entrepreneurs brillants ? Ces talents doivent être mis à contribution de la transition, en respectant toutefois un principe de priorité aux citoyens résidants en Guinée, et donc aux membres de la diaspora qui souhaiteraient retourner vivre dans leurs pays. Il faut ici se garder de tout angélisme. Les maux, les travers et les défauts de la diaspora sont les mêmes que ceux de tout le peuple de Guinée : individualisme, opportunisme, clientélisme, corruption…Les membres de la diaspora doivent comprendre de leur côté que, pour se mettre au service de leurs pays, ils devront endurer les mêmes sacrifices et faire les mêmes efforts que tous les autres citoyens guinéens compétents. Ces efforts et ces sacrifices doivent être consentis pour le bien du pays et pour l’intérêt collectif, pas pour satisfaire une ambition personnelle.
Guineenews : Comment voyez-vous le gouvernement de transition ?
Dr A.D : Le choix le plus difficile est celui du premier ministre. C’est le premier ministre, en effet, qui aura en charge la formation d’un gouvernement d’union nationale ; c’est lui qui assumera, à parts égales avec le colonel Doumbouya, les honneurs de la réussite ou la responsabilité de l’échec de la transition. C’est le premier ministre qui pilotera les chantiers prioritaires pour la reconstruction du pays. C’est lui également qui devra s’assurer du respect de la feuille de route et de l’agenda de la transition démocratique, en particulier pour superviser les préparatifs à l’élection présidentielle. Le premier ministre aura aussi un rôle symbolique de représentant du peuple à incarner. Il devra être issu des rangs de la société civile, ne pas être un militaire et n’appartenir à aucun parti établi – ou en tout cas aucun des grands partis ayant incarné, ces dernières années, le blocage et le piétinement politiques de notre pays, j’entends bien sûr le RPG, l’UFDG et l’UFR. Le gouvernement d’union nationale devra être un gouvernement inclusif, représentant toutes les tendances politiques et sociales. Dans un contexte de transition, et composant avec des contraintes budgétaires parfois serrées, il faudra absolument limiter au maximum le nombre de portefeuilles ministériels, et effectuer des regroupements importants au sein des ministères existants.
Guineenews : Pour ce qui concerne maintenant les mesures de long terme, qu’attendez-vous de la transition ? Quel chantier devra-t-elle ouvrir elle-même et quel chantier devront être confiés au futur gouvernement démocratique ?
Dr A.D : Il y a, de mon point de vue, cinq chantiers prioritaires :
-la réécriture de la constitution et la réforme des institutions
-la réfection du fichier électoral et la reconstitution d’une CENI
-la dépolitisation de l’administration et la réforme de la gouvernance
-l’assainissement des finances publiques, la réforme fiscale et la réflexion sur les conditions de l’attractivité économique de notre pays
-la réconciliation nationale et le jugement des crimes commis.
J’estime que l’ensemble de ces chantiers, dont certains ne pourront qu’être lancés par la transition, demandent du temps, peut-être 3 ans, au moins, avant l’organisation d’une élection présidentielle crédible.
Guineenews : Qu’en est-il de la réécriture de la constitution ?
Dr A.D : La tâche de cette réécriture doit être confiée, non à une assemblée constituante, mais à une commission constitutionnelle, issue des rangs de la société civile. Cette constitution sera soumise ensuite à un référendum au suffrage universel. J’insiste toutefois sur le fait que le temps nécessaire à la réécriture de cette constitution ne doit pas être une excuse du CNRD pour s’éterniser au pouvoir. Pour que l’écriture d’une nouvelle constitution soit justifiée, il faut que celle-ci apporte, au regard de la dernière constitution légale, celle de 2010, un apport décisif.
Et c’est précisément sur ce point qu’il faut insister sur la nécessité d’une réforme profonde des institutions. La nouvelle constitution devra notamment renforcer l’autonomisation des régions naturelles, en prévoyant la création d’un parlement indépendant pour chacune des quatre régions, et en renforçant la souveraineté des députés locaux pour la mise en place des grands projets de gouvernance dans les régions concernées. Tout ne doit plus se décider depuis Conakry. Il faut que les hauts fonctionnaires soient nommés par des pouvoirs locaux et que, dans le cadre d’une législation et d’une feuille de route administrative nationale, les régions puissent imposer leur propre agenda législatif et exécutif. Cette autonomisation des régions permettra également de créer les conditions du désengorgement de Conakry et du déplacement des ministères en dehors de Kaloum.
Guineenews : Quelles sont les conditions pour l’organisation d’une élection présidentielle libre, transparente et crédible ?
Dr A.D : La priorité doit aller à la réfection intégrale du fichier électoral : un recensement généralisé doit être mené en Guinée, non pour amender le fichier électoral existant, mais pour le reconstituer entièrement. Il faut en outre engager la reconstitution d’une CENI : l’ancienne commission électorale nationale indépendante doit être dissoute et céder sa place à une nouvelle commission paritaire, composée de juristes et d’experts reconnus pour leur neutralité et leurs compétences. Les membres des partis politiques, représentés à parts égales, doivent être cantonnés à des rôles d’observateurs.
Guineenews : Tous les Guinéens s’accordent à dire que la transition doit rompre avec les pratiques de gouvernance qui avaient cours ces dernières années. Quel est votre avis à ce sujet ?
Dr A.D : Dans le cadre de la transition, le chantier prioritaire est la dépolitisation de l’administration : le CNRD doit prendre soin de constituer et de promouvoir, dans l’administration guinéenne, un réservoir de compétences patriotiques et de lutter contre les discriminations fondées sur le genre ou l’ethnie.
Lorsque nous parlons de dépolitisation de l’administration, il faut être extrêmement clair sur le fait qu’il ne s’agit ni d’un vœu pieu ni d’une rêverie abstraite. Il y a des protocoles de gouvernance à mettre en place, en particulier pour le recrutement des nouveaux fonctionnaires. De la même manière que le code des marchés publics précise les points à respecter pour qu’un marché soit octroyé à un opérateur privé de manière légale – appel d’offre public, principe du double devis et de la mise en concurrence etc. –, il doit y avoir en Guinée un code du recrutement des fonctionnaires. Tout recrutement devra, par exemple être précédé par un appel à candidature public. Les CVs des candidats devront être archivés et les commissions de recrutement devront rédiger un rapport qui contient un procès-verbal des entretiens d’embauche et un bref exposé des motifs pour justifier le choix du candidat retenu. Tout nouveau fonctionnaire, dont le CV ne correspondrait pas aux compétences du poste sollicité, sera licencié sans délai s’il a été recruté par une commission complaisante.
Guineenews : Quels sont les chantiers-phares dans le domaine économique ?
Dr A.D : L’économie guinéenne doit sortir de sa dépendance à l’endroit du secteur primaire, et en particulier du secteur minier. Cela passe aussi par un changement de nos habitudes et de nos représentations collectives. Les Guinéens doivent comprendre qu’aucun pays ne s’est jamais enrichi uniquement sur la base de l’exploitation de ses ressources minières et du développement de ses industries extractives. Il faut développer les autres branches du secteur primaire, et en particulier le secteur agricole pour parvenir à l’auto-suffisance alimentaire, mais également le secteur secondaire guinéen, avec un grand plan national d’accompagnement des projets industriels, et enfin le secteur tertiaire des services, dans lequel les Guinéens excellent à l’étranger. Je pense en particulier au secteur bancaire et à la finance. Beaucoup de nos compatriotes, en Europe ou aux Etats Unis, sont cadres dans les domaines des opérations de marché, des services bancaires, de l’audit, de l’actuariat ou de la fusion-acquisition. Ces compétences doivent être mises au service de l’émergence d’un secteur bancaire autonome, qui pourra assurer les fonctions de banque au détail mais aussi de banque d’investissement. Il faut réfléchir à des mesures d’incitation fiscale pour attirer les fortunes de la sous-région. Notre indépendance monétaire, avec le Franc Guinéen, est un fort atout dans ce domaine.
Guineenews : Que faut-il faire, enfin, pour renforcer l’union nationale et réconcilier tous les Guinéens dans un destin politique communs ?
Dr A.D : Le rassemblement du peuple de Guinée ne peut passer que par le jugement des crimes commis par le régime d’Alpha Condé, ainsi que des crimes du 28 septembre 2009 : si le CNRD ne souhaite pas lancer une « chasse aux sorcières » contre les dignitaires de l’ancien régime, il doit en revanche s’assurer que ceux qui se sont rendus coupables de violations flagrantes des droits humains soient jugés par la justice civile.
Par ailleurs, des assises nationales pour une réflexion inclusive sur l’identité guinéenne devront être lancées : la priorité doit aller à la réforme de l’éducation, le renforcement de la sécurité intérieure, l’amélioration des réseaux de transport, la lutte contre l’ethnicisme, le renforcement du sentiment de citoyenneté. Ces thèmes doivent être discutés collectivement par une Commission populaire, issue des membres de la société civile, et se réunissant à échéance régulière.