Le 5 septembre, date marquant la prise du pouvoir par le Conseil National pour le Rassemblement et la Démocratie (CNRD), sera finalement passée sous silence. Ce jour mémorable, gravé dorénavant en lettres d’or dans les annales de l’histoire de notre pays, ne connaitra aucune célébration. Cette décision prise in extremis par le gouvernement, à travers le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation, viserait sans doute à taire la controverse suscitée par les annonces en grande pompe relatives à l’hymne à la joie qui devait être chantée à l’occasion de cette célébration. Au grand dam de ceux qui appréhendent plutôt le caractère funeste de cette date, vu les victimes tombées lors de ce coup de force, qui n’avait rien d’un pronunciamiento.
Les contempteurs de la junte étaient allés vite en besogne en criant « Vae victis », qui signifie en latin « malheur aux vaincus ». Car les réjouissances tant redoutées à la faveur de l’an deux du 05 septembre, n’auront pas lieu. Un communiqué crève-cœur est tombé comme un cheveu sur la soupe des groupies de la junte.
Cette décision prise par le ministre Mory Condé dans la soirée du lundi, interdisant les mouvements de soutien et autres manifestations sur la voie publique, dans le but « de préserver la tranquillité publique et d’assurer aux citoyens le droit de vaquer à leurs occupations sans entrave », sonne comme une douche froide pour les thuriféraires du régime.
Le ministre saisit cette opportunité pour faire coup double. En coupant à la fois l’herbe sous les pieds des organisateurs des événements de réjouissance mais aussi des forces vives. Quand on sait que les pros CNRD devaient, eux, porter le colonel Mamadi Doumbouya au pinacle en ce 5 septembre, considéré comme une date de « prise de responsabilité par l’armée ». Tandis que les forces vives, elles, avaient juré de parasiter la « fête » du CNRD, à travers des manifestations de rue.
Le message de Mory Condé vise donc à inviter les uns et les autres à savoir raison garder, pour préserver la quiétude dans la cité.
Reste à savoir si le coup de semonce ministériel portera ses fruits. Si de petits malins ne vont pas passer outre cette interdiction, pour emboucher les trompettes de la flagornerie. Et au même moment, si les forces vives ne vont pas faire de la résistance, en bravant cet interdit. D’ailleurs, ça sentait déjà le souffre dans certains quartiers chauds de la capitale, dans la soirée du 4 septembre. Où de violents heurts étaient signalés entre des agents de maintien de l’ordre et des jeunes manifestants. En guise d’avant-goût de la manifestation prévue pour ce mardi.
Maints observateurs déplorent cependant la volonté de la junte de vouloir brider les libertés individuelles. En interdisant les manifestations dans la cité. Et que ces mesures coercitives pourraient plutôt produire l’effet contraire. Notamment pour l’aile dure des forces vives, qui qualifie le bilan des deux ans du CNRD, de globalement négatif. Mettant l’accent sur la gestion « solitaire » de la transition par la junte. Qui n’en ferait qu’à sa tête.
Avec le refus systématique de s’ouvrir au dialogue, dans la perspective d’une gestion vertueuse et inclusive de la transition.
Vouloir toutefois pousser le tableau au noir, serait preuve de mauvaise foi. Tout n’est certes pas rose dans cette transition menée à marche forcée. Mais la junte essaie tant bien que mal de remettre l’ouvrage sur le métier.
A preuve ces infrastructures qui poussent à la vitesse grand v à travers le pays. La remise à flot des secteurs comme le judiciaire, à travers la tenue du procès du massacre du 28 septembre 2009. Ainsi que la mise sur pied d’instruments de lutte contre la corruption, avec la création de la CRIEF, figure dans ce palmarès.
Au regard de ces forces et faiblesses du CNRD, que nous venons de brosser succinctement, la majorité des citoyens penchent pour un bilan en demi-teinte.