Combien de tonnes de déchets produisent nos hôpitaux par jour ? S’est-on une fois posé la question de savoir où vont ces déchets composés de matériels et de produits usagés non réutilisables, résultant des activités de soins ? Savoir comment sont gérés ces déchets porteurs d’agents pathogènes et susceptibles de provoquer des maladies et des accidents graves ? Apparemment non. Nous nous préoccupons peu de la gestion de ces déchets d’activités de soins à risque infectieux. Et pourtant que de dangers présentent ces objets exposés à tout vent dans certains quartiers de la ville !
Avant de faire l’état des lieux, rappelons que des déchets de soins, sont des déchets issus du diagnostic, de traitement préventif, curatif ou palliatif et de suivi dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire. Il y a aussi les déchets d’activités de soins à risques infectieux du fait qu’ils contiennent des micro-organismes qui peuvent causer des maladies chez l’homme ou chez d’autres organismes vivants. Des matériels et matériaux piquants ou coupants destinés à l’abandon qu’ils aient été ou non en contact avec un produit biologique, sanguin à usage thérapeutique incomplètement utilisés ou arrivés en péremption. Sans oublier bien sûr des déchets anatomiques humains, correspondant à des fragments humains.
C’est donc la gestion de ces matériels dangereux pour la santé, ces matériels toxiques destinés à l’incinération qu’il s’agit dans cette enquête.
Samedi 24 juin dernier. Mohamed Sankhon, ne s’attendait pas à une blessure qui allait l’immobiliser pendant des jours à son domicile à Kobaya-Plateau en quittant sa Sierra-Léone natale. Lui qui vivait du commerce des sachets vides d’eau minérale ramassés dans les coins, dans les caniveaux, devant les restaurants et dans les poubelles, a vu sa vie basculée ce samedi quand son auriculaire gauche fut percé par un seringue déjà utilisé. « C’est en ramassant les plastiques, les sachets d’eau vides à Sonfonia-gare que mon doigt est plongé sur le sac contenant des seringue et autres objets tranchants. Je portais des gants en plastique que le bout de la seringue a percé pour atteindre mon doigt. Je pensais à une petite blessure comme d’habitude, mais deux jours après, j’ai vu toute ma main gauche s’enfler. Je me suis rendu à l’hôpital où il a été diagnostiqué que ma main est infectée. Et si rien n’est fait d’ici là tout le bras sera gangrené et ce sera l’amputation », nous raconte le Léonais en fondant en larmes.
Au quartier Bonfi-port, une écolière a perdu la vue en utilisant un tube de « Désomédine » qui soigne la conjonctivite (maux d’yeux Ndlr) ». Un tube ramassé dans une poubelle non loin d’une clinique privée du coin. Partie verser la poubelle de maison avec ses amies, la petite Mariam n’a pas hésité à récupérer dans les ordures, le tube à moitié utilisé qu’elle demande séance tenante à mettre dans ses yeux. Depuis lors, elle n’a pu retrouver l’usage de ses yeux. C’est une fillette mal voyante, déscolarisée qu’il nous a été donnés de rencontrer chez ses parents à Bonfi-port « C’est ma camarade qui a mis le produit dans mes yeux. C’est moi qui l’ai ramassé dans la poubelle dans un gros sac plastique noir, où il y avait beaucoup d’autres médicaments déjà utilisés comme sparadraps, mercurochrome, l’alcool 90 degré etc. Mes yeux me grattaient et comme c’est avec ce produit que ma mère me soigne chaque fois, j’ai remarqué le flacon, voilà pourquoi je l’ai ramassé», nous raconte naïvement l’écolière.
Que dire de ce petit garçon qui a été sauvé de justesse au quartier Sandervalia, dans la commune de Kaloum, après avoir pris des comprimés ramassés dans la rue ? Cet enfant a eu la vie sauve grâce à l’intervention rapide des médecins aux services d’urgences de l’hôpital d’Ignace Deen.
Les cas sont nombreux, les Guinéens victimes des seringues et autres objets coupants, utilisés dans des cliniques privées des quartiers et dans les centres hospitaliers du pays. Des déchets sanitaires mal gérés qui se retrouvent parfois sur les places publiques et dans les poubelles ordinaires à travers les quartiers.
Approchés, plusieurs promoteurs de cliniques privées et de centres de santé affirment être en conformité avec des lois et des règlements en vigueur au niveau du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique « Nous sommes en règle. On ne peut pas avoir l’autorisation d’implanter une clinique sans remplir le cahier de charge ! Et la gestion de ces déchets dont vous faites cas en fait partie. Nous travaillons avec les services d’hygiène et de gestion des objets utilisés dans nos centres de santé. C’est élémentaire ça ! Les cas que vous énumérés proviennent le plus souvent des particuliers, des populations qui après usages des médicaments chez eux à la maison déposent les flacons vides et autres comprimés périmés dans la poubelle. Vous-mêmes quand vous utilisez des sirops, quand on vous fait injections à domicile, que faites-vous des seringues ? ou vous jetez le reste des médicaments périmés ? Tous ces cas malheureux que vous dénoncez ne proviennent pas des hôpitaux », nous apprend Dr Y.C, patron d’une clinique privée de la place.
Pour Pr S.C médecin-chef, cadre du ministère de la Santé et en service à l’hôpital Sino-guinéen, tous les centres médicaux et hospitaliers du pays sont dotés des services d’incinération des déchets sanitaires. « Je ne vous parle pas des clandestins qui pullulent dans les quartiers. Aucun centre hospitalier ni clinique ou même un centre médical communautaire, ne peut déverser les déchets dans les poubelles publiques à forte raison dans la rue. Renseignez-vous bien ! Le ministère veuille au grain. Mais vous savez, même les cotons-tiges, les lotus utilisés, les lames issus des salons de coiffure, les épingles et autres aiguilles des couturiers, se retrouvent dans les poubelles et même dans la rue et caniveaux ! Et les enfants descendent dans ces caniveaux, fouillent ces poubelles à longueur de journée…Comprenez ? Nous sommes tous exposés à ces dangers. C’est un problème social auquel nous devons faire face. Vous devez nous aider à sensibiliser la population. On ne joue pas dans des poubelles ni dans les caniveaux ! Laisser les enfants y s’aventurer, c’est les exposer aux dangers tels que ceux vous énumérez. Sinon nos hôpitaux sont bien structurés. On ne peut pas déverser des déchets sanitaires dans la rue», jure la main sur le cœur, le professeur.
Au CHU de Donka et à l’hôpital Ignace Deen, il ne nous a pas été permis de nous rendre au service d’incinération pour s’imprégner des réalités