L’avocat de Zenab Dramé, désemparé sans doute par les difficultés de sa défense, exige des journalistes lanceurs d’alerte dans sa conférence de presse, des preuves, autres que celles déjà fournies par leurs enquêtes respectives. Faisant fi de la loi sur la lutte contre la corruption et du rôle exact du journaliste en pareilles circonstances, Maître Dinah Salif s’est lancé tout simplement dans une fuite en avant, histoire de brouiller les pistes.
Les articles 100 et 101 de la loi sur la corruption encouragent les lanceurs d’alerte à dénoncer les cas de corruption moyennant d’une part, une protection d’Etat, et d’autre part, le versement d’une prime en cas de récupération des produits de la corruption. Deux garanties fondamentales prévues en toute conscience par le législateur et sans lesquelles tout lanceur d’alerte s’exposerait à la vengeance de ceux qui sont dénoncés.
C’est la loi qui définit le cadre des exigences en matière de preuves, et non un avocat, aussi futé soit-il. La loi sur la corruption exige seulement qu’un lanceur d’alerte soit de bonne foi et que sa démarche soit désintéressée, ce qui est parfaitement le cas du Dr. Youssouf Boundou Sylla et des autres journalistes qui ont enquêté sur cette affaire avant de la mettre sur la place publique. Encore une fois, le journaliste dénonce, donne des pistes à explorer par la justice et les enquêteurs désignés par l’Etat avec un mandat précis. Le journaliste n’est ni juge, ni procureur, et non plus membre d’une commission d’enquête dotée de pouvoirs régaliens. A la différence de ceux-ci, il ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte à l’égard de la ministre. C’est à la justice de faire usage des moyens de contraintes légaux pour permettre la manifestation de la vérité dans ce scandale. C’est son rôle à elle.
En attendant les suites de la procédure ouverte par le procureur de Kaloum, l’accusée devait en toute responsabilité, rendre le tablier pour ne pas gêner le déroulement des enquêtes, et se garder d’engager, sous risque de faire preuve de manœuvres dilatoires et de fuite en avant, une procédure pour diffamation contre les journalistes dénonciateurs. Il est également dans cette affaire, du rôle du ministre de la justice, en tant que garant de l’indépendance de la justice à travers le président de la République de s’assurer qu’il n’y a aucune interférence de la ministre concernée et d’autres hauts placés dans les arcanes de l’exécutif dans le processus judiciaire. Des interférences illicites dont le but serait d’influencer et de corrompre les juges en charge du dossier.
Ce qui se passe présentement en France dans le retentissant procès des « Écoutes » impliquant l’ancien président Nicolas Sarkozy est plus qu’illustratif à cet égard. Il est requis une peine de quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis contre Sarkozy pour « trafic d’influence et corruption » par le procureur financier. La même peine pour les mêmes faits est aussi requise contre son avocat (Thierry Herzog) et l’ex-avocat général à la Cour de cassation (Gilbert Azibert). La peine de Maître Herzog est quant à elle assortie d’une interdiction d’exercer sa profession pour une période de cinq ans, ce qui doit être un signal fort pour certains avocats marrons.
Tirant les meilleures leçons de ce qui se passe ailleurs, Maître Sampil serait bien inspiré de faire comprendre à sa cliente que nous sommes dans une République où le rôle de chaque institution est défini. Ensuite, il devrait l’informer que dans une démocratie, le rôle du journaliste est d’enquêter en toute responsabilité sur les actes posés par les personnalités publiques. Lorsqu’ils découvrent que leurs actions contredisent et mettent en danger l’intérêt général, ils ont le devoir sacré de les dénoncer, sinon c’est se rendre coupable de la complicité de détournement des ressources publiques et c’est mal servir l’État qui, à travers celui qui l’incarne, le prof. Alpha Condé, fait de la lutte contre la corruption, une préoccupation de tout premier ordre dans le cadre de son prochain mandat.
En outre, la programmation de la date de l’audience de comparution des trois journalistes le même jour que la prestation de serment du président Alpha Condé, probablement sur insistance des parrains de la ministre de l’enseignement technique tapis dans le gouvernement, n’est-t-elle pas une volonté de leur part de saboter la cérémonie d’investiture, en faisant de la Guinée la risée du monde ?
Depuis le règne du président Alpha Condé, c’est le gouvernement le plus divisé et le plus controversé miné par des divisions internes. Ces divisions se sont souvent retrouvées sur place publique. Les gens veulent diriger par la complaisance, l’humeur, l’émotion et les biceps en lieu et place de la raison, de la responsabilité et d’esprit de discernement.
La rédaction de Guinéenews©