Le pèlerinage, l’un des cinq piliers de l’islam que tout musulman doit accomplir, au moins une fois dans sa vie s’il en a les moyens, constitue de nos jours un véritable business particulièrement juteux pour certains religieux qui prétendent être des leaders dans leur localité. Escroquerie, fraude, spéculation sont, entre autres, incongruité et monstruosité dont ont été victimes, cette année, plusieurs candidats au Hajj en Arabie Saoudite.
Chaque année, l’Arabie Saoudite accorde un nombre limité de visas à chaque pays pour le pèlerinage. Il y a malheureusement des pèlerins, plus malicieux, qui contournent ce mécanisme officiel pour effectuer le Hajj ‘’clandestinement’’ grâce à la complicité de certaines agences de voyage.
Pourquoi beaucoup de pèlerins sont morts suite à la canicule exceptionnelle de cette année ?
Selon nos informations, plusieurs candidats au Hajj ont été envoyés en Arabie Saoudite avec un visa de touriste bien avant le pèlerinage et ont été installés dans des hôtels, loin de la Kaaba. Puisqu’ils n’ont pas de visa pour le Hajj, pendant le pèlerinage, ils n’ont pas eu accès aux salles climatisées, à la distribution d’eau et de nourriture. Cette privation a occasionné plusieurs décès cette année. La plupart d’entre eux auraient succombé aux chaleurs extrêmes qui ont atteint plus de 51°. Plusieurs Guinéens vivant à l’extérieur du pays ont été victimes de cette réalité.
Alors, comment ce système nébuleux fonctionne-t-il ?
La rédaction de Guinéenews© a recueilli, sous le sceau de l’anonymat, les témoignages de certaines victimes ce réseau mafieux.
Selon nos informations, certaines personnes de par leur position de privilégiés au sein de l’appareil administratif, s’inscrivent sur la liste des candidats au Hajj en versant la caution officielle pour finalement revendre à la dernière minute cette place au plus offrant qui n’a pas eu la chance de s’inscrire à temps dans les agences. Pire, d’autres pèlerins régulièrement inscrits depuis plusieurs mois sont parfois remplacés à leur insu. Ces derniers sont souvent nourris abusivement et cyniquement de l’espoir de pouvoir effectuer le pèlerinage jusqu’au départ du dernier convoi.
Une nébuleuse avec des ramifications à l’international
Aux États-Unis et ailleurs, à défaut de trouver le visa pour le pèlerinage, plusieurs Guinéens ont été envoyés en Arabie Saoudite avec un visa de touriste ou un visa pour la Umra. « C’est ce vieux réseau qui a été démantelé cette année. Des personnes s’organisent pour envoyer des pèlerins au Hajj de manière frauduleuse. Ces individus mafieux font payer, à chaque pèlerin, 9000 dollars. Dans ce montant, ils s’arrangent à trouvent des visas touristes à 150 dollars pour chacun des candidats au pèlerinage. Ensuite, ils les font voyager en Arabie Saoudite, plusieurs semaines à l’avance et les hébergent dans des hôtels loin de la mosquée Kaaba. Ils y attendent l’arrivée des agences qui ont légalement inscrit leurs pèlerins pour les confondre à ces derniers en négociant l’obtention des badges. Cette année, cette pratique n’a pas fonctionné », confie anonymement un de nos interlocuteurs victimes.
Selon d’autres témoignages, un couple de Guinéens vivant aux États-Unis a perdu la vie à cause de la canicule dans les montagnes. Leur guide, avec le choc de ce double décès, a également rendu l’âme.
Un autre groupe de Guinéens vivant en Angola, après avoir payé 8000 dollars, chacun, à une nouvelle agence, a raté le pèlerinage cette année. « Ils nous ont embarqués pour Dubaï à la veille du rite de Arafat. Nous leur avons expliqué que nous étions en retard, mais ils nous ont promis de restituer l’argent si nous ne trouvions pas de vol. Malheureusement, arrivés à Dubaï, nous n’avons trouvé aucun vol pour l’Arabie Saoudite. C’est ainsi que nous avons regagné Luanda le dimanche (le jour de la fête de Tabaski). Les jours qui ont suivi, nous avons tenté en vain de récupérer notre argent », nous a témoigné une autre victime.
Comment les pèlerins normaux et clandestins sont fusionnés… pour échapper aux contrôles policiers
Pour sa part, un guide d’une agence privée renchérit en expliquant ceci : « cette année, nous avons vu des pèlerins, au lieu d’être dans les habits de sacralisation, ils étaient habillés en boubous simples à la Mecque. Pendant les rites du pèlerinage, ces pèlerins se dissimulaient pour échapper au contrôle. Lorsqu’ils voyaient les policiers, ils arrêtaient de prononcer ‘’Labaïk Allahouma’’. Il y a eu même des pèlerins qui se sont emparés des repas destinés à ceux légalement inscrits. Le jour de Arafat, pour échapper au contrôle, ces pèlerins ont attendu la nuit pour aller sur le mont et y rester quelques moments ».
Le manque de transparence et de sérieux de certaines agences privées, parfois préjudiciable à leurs clients
En outre, parmi les pèlerins guinéens refoulés cette année au Hajj, figure une dame qui avait effectué le voyage de La Mecque, il y a quelques années. À cette occasion, son passeport a été perdu par son agence de voyage qui l’avait gardé. C’est ainsi qu’elle n’a pas pu rentrer en Guinée avec son convoi. Son agence lui avait réclamé 1000 dollars pour lui faire des papiers lui permettant de sortir de l’Arabie Saoudite. Ce n’est qu’après que tous les pèlerins guinéens soient rentrés que l’Arabie Saoudite a expulsé cette femme avec une interdiction de séjour sur son sol. Ignorant cette réalité, elle a voulu effectuer le pèlerinage pour sa mère décédée, l’année suivante. Elle s’est légalement inscrite avec son mari dans une autre agence. Arrivée à l’aéroport de Djeddah, elle a été refoulée avec un autre homme, apprend-on.
Devant ces accusations, Guinéenews a tenté à plusieurs reprises d’avoir la réaction de la direction nationale des pèlerinages du Secrétariat général des Affaires Religieuses de Guinée. Sans succès.
Par ailleurs, faut-il enfin souligner que cette année, au début du mois de juin, l’Arabie Saoudite a refoulé de La Mecque plus de 300 000 individus non enregistrés dont plus de 150 000 étrangers entrés dans le royaume avec des visas touristiques.