La promulgation de la nouvelle constitution par le président Alpha Condé nous permet de croire qu’en Guinée la démocratie est encore devant nous. Du moins, ce ne sera pas sous le premier président démocratique élu que les Guinéens verront se concrétiser leur espérance démocratique. Ainsi, l’histoire politique de la Guinée se lit comme la succession d’échecs politiques paradoxalement caractérisée par le renforcement des pratiques autoritaires du pouvoir. C’est cette trajectoire du politique en Guinée et les ressorts qui ont favorisé la sauvegarde de l’autoritarisme que s’emploie à comprendre l’étude intitulée Guinée : l’impossible transition démocratique, publiée le 31 mars dans le Bulletin Franco-Paix de la Chaire Raoul-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal.
À quoi tient l’échec de ces transitions démocratiques ? La consécration du multipartisme, censé démocratiser l’espace politique, n’a pas affranchi les modalités de la gouvernance de l’autoritarisme et des représentations néo-patrimoniales du pouvoir.
Les réformes constitutionnelles de 1990 ont conduit les régimes politiques post-Sékou Touré à emprunter la voie de l’hybridation où s’articulent le recours aux mécanismes démocratiques et les pratiques autoritaires, produisant une continuité dans la domination des élites. Le corps militaire guinéen a influencé toutes les transitions politiques en Guinée d’une manière qui lui a permis de renforcer son contrôle arbitraire de l’espace politique.
Si les élites politiques guinéennes ont contribué à la survie des pratiques autoritaires, cela tient aussi à la fonction de l’opposition et à la manière dont s’exerce le pouvoir au sein des partis politiques eux-mêmes. Les pratiques infra-institutionnelles du pouvoir permettent de comprendre l’extraordinaire permutabilité des acteurs politiques et la facilité avec laquelle s’organise ce que J.-F. Bayart a appelé « l’assimilation réciproque des élites » au sein du système politique. Du général Lansana Conté à Alpha Condé, nous ne pouvons comprendre la volonté de ce dernier de modifier la constitution de 2010 pour un éventuel troisième mandat qu’à la lumière de cette logique patrimoniale de l’activité politique, qui a toujours orienté les pratiques du pouvoir en Guinée.
Ainsi, comprendre l’histoire politique de la Guinée c’est aussi comprendre l’extraordinaire survivance du système de gouvernance autoritaire, donc expliquer l’impossibilité, pour les hommes politiques, de favoriser l’existence d’une sphère politique autonome régie par une moralité minimale commune. Est-ce peut-être la négation de cette sphère morale qui explique l’incapacité des autorités guinéennes de répondre de façon efficace à la crise liée à la pandémie mondiale de la COVID-19 ?