Le secteur immobilier, le secteur des commerçants des matériaux de construction, celui des Casinos, des Établissements de microfinance, des négociants en métaux précieux et pierres précieuses, le secteur des bureaux de change, celui des notaires et des banques. Cette autre catégorie présentant une menace moyennement faible, en raison de la nature sélective des opérations et de la clientèle, qu’est le secteur des assurances, du marché des titres, des comptables et auditeurs, ou encore des avocats…
Ces secteurs cités présentent des menaces en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. Le boom immobilier que nous constatons sur le terrain ces dernières années, prouve que le blanchiment d’argent est une triste réalité qui existe bel et bien en République de Guinée.
Le blanchiment d’argent ou de capitaux consiste à cacher l’origine d’une somme d’argent qui a été acquise par le biais d’une activité illégale en la réinjectant dans des activités légales. Le terme blanchiment d’argent trouve son origine dans le fait qu’on parle de finance noire pour désigner l’argent acquis de manière illégale. Le blanchiment d’argent consiste à rendre propre de l’argent acquis de manière illégale, c’est-à-dire à réinjecter l’argent sale dans le circuit économique classique, via l’immobilier ou le commerce par exemple. Le but étant d’utiliser une somme d’argent conséquente sans éveiller les soupçons et sans être démasqué. L’enquête menée sur le terrain confirme l’attrait des délinquants en col blanc pour l’immobilier, destination privilégiée pour blanchir de l’argent sale et profiter d’un train de vie dispendieux. Ces pratiques prospèrent à cause du secret des affaires et de l’opacité financière.
L’immobilier au cœur du blanchiment d’argent
Le secteur immobilier, constitue un terreau fertile de blanchiment, avec une tendance à la hausse En effet, il ressort de notre dernière du blanchiment de enquête que la plupart des transactions immobilières ne passent pas par les schémas classiques tels que des agents immobiliers, des notaires, mais plutôt directement entre les potentiels acquéreurs et les propriétaires immobiliers. « Pourquoi faire ces tours pour avoir un terrain ? Pour construire, il faut juste s’adresser aux propriétaires terriens ! C’est plus facile ! Il faut éviter des tracasseries», ce raisonnement du vieux Ousmane S, propriétaire d’une vingtaine d’immeubles et de plusieurs chantiers dans le pays, est le plus court chemin emprunté par beaucoup d’opérateurs immobiliers qui échappent aux contrôles.
Selon les investigations, pour injecter dans le circuit économique les fonds issus de la corruption ou des détournements des deniers publics, de nombreuses personnes investissent massivement dans l’immobilier, sans généralement en attendre le moindre retour sur investissement. D’autres se camouflent derrière les institutions en charge du financement des investissements dans l’immobilier, pour des prêts qui sont ensuite remboursés en un temps record. « Vous avez des clients qui viennent pour solliciter un prêt immobilier. Mais, dès que vous le lui accordez sur une durée de 5 ou 10 ans, sur la base des revenus officiels qu’il a déclarés pour l’analyse de son dossier, vous êtes surpris qu’il revienne vous voir au bout d’un an pour anticiper le remboursement de ce prêt », révèle un cadre dans un établissement de crédit spécialisé dans les prêts hypothécaires. Le recours aux banques dans l’octroi des prêts immobiliers et les informations que nous avons reçues en termes d’opérations suspectes, confortent la thèse de la menace élevée du blanchiment d’argent dans le pays. « Le lien entre l’immobilier et le blanchiment d’argent est un phénomène mondial et est considéré comme l’une des méthodes les plus anciennes de blanchiment de fonds illégaux. Les investissements immobiliers peuvent permettre aux criminels d’ajouter un voile de légitimité et de normalité à leurs gains mal acquis. Le secteur est également attractif en raison de sa rentabilité, notamment la ruée vers les logements dans les quartiers et les revenus générés par les loyers », dira le banquier.
Que faire pour freiner cet élan ? Pour cet expert financier en poste à la Banque Centrale, « les autorités guinéennes doivent commencer par exiger à tous ceux qui possèdent ou souhaitent investir dans le secteur immobilier guinéen, qu’ils divulguent le nom de leurs bénéficiaires effectifs. Les lignes directrices pour les professionnels de l’immobilier et les contrôles de conformité des agents dans les quartiers critiques doivent également être renforcées », conseillera-t-il avant de conclure. « Enfin, les autorités elles-mêmes devraient mieux utiliser les bases de données disponibles, telles que les données sur les bénéficiaires effectifs, afin d’analyser et d’évaluer en permanence les risques spécifiques de blanchiment d’argent dans le secteur immobilier.
Les notaires sont un maillon important. S’agissant des risques qui pèsent sur eux, les enquêtes renseignent que ce secteur présente également une menace, notamment lorsqu’il est sollicité pour des transactions immobilières. Dans cette catégorie, comme c’est le cas au niveau des quincailleries, on y enregistre aussi d’énormes sommes d’argent déposés en espèces.
…De fortes sommes d’argent transitent par les quincailleries…
Au cours de notre enquête, il nous a été rapporté que le réseau des commerçants des matériaux de construction est intimement lié à celui de l’immobilier. Ce secteur est constitué de sociétés appelées « quincailleries ». « La menace « élevée » observée dans ce secteur a obligé les responsables de la CENTIF à intégrer les quincailleries dans la liste de professions assujetties à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. La forte prépondérance du cash et des mesures appliquées par les professionnels du secteur financier conduit les criminels à déposer les fonds directement dans les quincailleries et à retirer leurs contreparties en matériaux de construction. L’ampleur et le standing des immeubles témoignent de ce que de fortes sommes d’argent transitent par ce secteur », dénonce l’expert. Au demeurant, ces quincailleries sont en nombre très élevé et disséminées à Conakry et un peu partout sur l’étendue du territoire national.
…Les bureaux de change dans la danse…
Selon l’enquête effectuée à l’aéroport, à Kaloum via Madina, il est constaté que les bureaux de change constituent également un moyen de blanchiment de capitaux et une tendance à la hausse, non pas à cause du nombre d’établissements officiellement agréés, mais davantage à cause du change clandestin qui a une prépondérance sur l’activité légale et qui s’est répandu dans les grands centres commerciaux, brassant d’énormes flux financiers.
…Les négociants de métaux précieux et pierres précieuses, des casinos, des jeux de hasard sont d’autres terreaux fertiles pour le blanchiment d’argent…
Pour ce qui est des négociants en métaux précieux et pierres précieuses, on nous fait savoir que ces secteurs présentent également une menace du fait de la trop grande exploitation illégale des ressources minières, notamment par les non-résidents et des flux importants d’argent que génère ce secteur. A ce secteur, on peut aussi ajouter les propriétaires de parcs-autos, qui présentent la même menace. Relativement aux Casinos, comme tous les autres établissements de jeux du hasard, ces espaces présentent un risque important de blanchiment d’argent en Guinée du fait du nombre très élevé des clients non-résidents.
Il faut aussi citer les établissements de microfinance, Tout ceci dû à une insuffisance de l’application des mesures de vigilance. Il est à préciser que le secteur bancaire présente une menace contre le blanchiment des capitaux du fait de l’importance des flux financiers, de la nature et de la diversité des produits offerts.
Au regard de tout ce qui précède, les criminels utilisent diverses méthodes pour blanchir de l’argent par le biais de l’immobilier. L’utilisation de sociétés écran et de sociétés de façade établies dans le pays est une méthode souvent utilisée pour dissimuler la véritable identité de la ou des personnes qui achètent un bien immobilier. Il s’agit souvent d’individus impliqués dans des organisations criminelles, ou occupant une position importante, comme des politiciens ou des agents de l’Etat, qui sont soupçonnés de corruption ou d’autres crimes et qui cherchent à échapper aux sanctions.
Des avocats, des notaires, des juristes et des agents immobiliers complices, sont utilisés par les criminels pour faciliter l’achat de biens. En échange d’argent, ils peuvent fermer les yeux sur la véritable nature des fonds ou sur la personne qui les détient.
Face à l’opacité du mur et au mystère qui entoure ces méthodes de blanchiment d’argent, certains pensent que « les autorités guinéennes ont encore beaucoup à faire pour exploiter le potentiel des outils de transparence ». Il est urgent donc qu’elles augmentent le taux de conformité aux règles de divulgation des bénéficiaires effectifs et sanctionnent les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations déclaratives. En un mot, les autorités doivent mettre en place un mécanisme de vérification solide pour améliorer la collecte et la validation des données, afin de détecter les déclarations trompeuses ou incorrectes.