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Grandes pluies et risques d’inondations : l’indifférence des pouvoirs publics

A mesure que les grandes pluies s’annoncent, la peur gagne les populations de certains quartiers de la capitale, devenus des zones à risque pour les inondations. Malheureusement, les pouvoirs publics ne semblent pas préoccupés par cet état de fait. Préférant agir en pompiers, quand le mal est fait. Notre enquêteur « maison » fait une immersion  dans ces quartiers où la saison des pluies rime désormais avec la peur d’être englouti par les eaux.

Chaque année, à l’approche de la saison des pluies, Hawa Bamba angoisse. La femme de 54 ans, qui a neuf personnes à sa charge, n’a pas oublié cette longue nuit pluvieuse où elle et sa famille ont échappé à la mort dans l’effondrement de leur maison. «J’ai été alertée par les cris de ma petite fille lorsqu’un morceau de terre tombé du toit l’a réveillée… J’ai sursauté au cœur de la nuit, et tout de suite, j’ai eu le réflexe d’évacuer la maison», explique-t-elle.

Hawa vit à Dar-Es-Salam, un quartier situé au pied de la décharge de Combos, à Concasseur. Malgré les risques liés aux fortes pluies saisonnières, Dame Hawa vivait dans ce quartier précaire et dans une maison construite en briques mal dosées, des briques peu résistantes à l’eau. Aujourd’hui, Hawa et ses proches vivent dans un abri de fortune après le drame. « Je n’ai pas les moyens de reconstruire cette maison, le peu d’argent dont je dispose et l’aide de bonnes volontés me servent en priorité à nourrir ma famille, » souligne-t-elle. « Mon souhait le plus ardent est d’avoir un toit résistant aux intempéries où je pourrais vivre en toute dignité avec ma famille », précise-t-elle.

Cette vieille femme n’est pas la seule à avoir tout perdu. Selon le Chef du secteur Dar-Es-Salam 1, Youssouf Camara, les inondations ont gravement affecté les moyens de subsistance de nombreux habitants du quartier : petit commerce, les ateliers de couture, les petits salons de coiffure, les garages et les pneumatiques etc. « Hélas, si rien n’est fait pour évacuer les eaux, cette situation se reproduira encore cette année», prévient-il.

Après l’éboulement de 2019, le gouvernement et certaines ONG humanitaires ont fourni des aides d’urgence aux sinistrés en matière de vivres, abris et articles ménagers essentiels y compris une somme d’argent. Mais cela n’est pas suffisant selon Youssouf Camara, pour qui tous les partenaires – humanitaires et autres bonnes volontés – doivent redoubler d’efforts aux côtés des autorités pour couvrir à la fois les besoins  des victimes des inondations et prévenir de façon durable ces catastrophes. Et pourtant, après ce douloureux évènement, le Gouvernement a pris une décision pour interdire les constructions dans les zones à haut risque d’inondation. Hélas ! A ce jour, de nombreuses familles continuent de vivre autour de cette décharge et dans des zones à haut risque.

Selon Sekhouna Diakité, un cadre du service national de prévention et de gestion des catastrophes, ces habitants qui crient déjà au secours font semblant d’alerter. Ils savent qu’il leur a été demandé de quitter les lieux.

« Ces riverains de la décharge ont été indemnisés. Ils ne devraient plus habiter cette zone. Mais vous savez, c’est compliqué avec les populations des quartiers précaires. On déguerpit les lieux, ils reviennent les squatter et après, ils crient sur tous les toits. Il est donc urgent de prendre des dispositions pour que la mesure d’interdiction soit effectivement appliquée. Cela permettra l’écoulement normal des eaux vers les canaux appropriés et réduira le nombre de sinistrés », préconise-t-il.

Depuis donc une semaine, nous sommes de plain-pied dans la saison des pluies qui a démarré, pour une durée d’environ six mois. Elle court jusqu’en septembre. Et les mois de juillet et août sont des périodes de pic, avec des épisodes pluvieux qui affectent la capitale.

Faut-il craindre, cette année, les dégâts que nous avons connus les années antérieures ?

A la direction de la météorologie à Tombo, dans la commune de Kaloum, on nous apprend que les dégâts, avec leur corollaire d’inondations et d’éboulements, sont des phénomènes qui découlent de plusieurs facteurs météorologiques et environnementaux. Et que, lorsque le seuil de 50 millimètres de pluie est franchi pour se situer dans la fourchette des 50-100, on est dans une zone orange à risque d’inondation. A partir de 100 millimètres de pluie, nous entrons dans une zone rouge de risque d’inondation. Ainsi, les météorologues nous annoncent  que dans les jours à venir, nous enregistrerons plus d’une centaine de millimètres de pluie à Conakry. Et s’il continue à pleuvoir, on pourrait s’attendre à des inondations. Un avertissement pour ceux qui habitent les zones à risque. C’est le moment de quitter ces endroits qui sont susceptibles, même en cas de faibles précipitations, de connaître des dégâts. Car les habitants des zones à haut risque restent vulnérables selon les spécialistes.

Du côté du ministère de l’Aménagement du Territoire, on nous apprend que les populations de ces zones ont été exhortées à quitter les lieux, afin de libérer les ouvrages de drainage et surtout de s’abstenir d’y jeter des déchets pour éviter les inondations.

« Des campagnes de communication ciblée ont été faites pour amener les populations à quitter les zones jugées dangereuses. L’Etat a engagé les réalisations des travaux qui permettront de juguler les flux d’eau en cas de fortes pluies. Il a même été question de recenser et aménager des sites pouvant accueillir d’éventuels sinistrés », nous informe l’inspecteur Georges Haba du ministère de la Ville.

Quant à ce parlementaire de la mouvance présidentielle, qui a voulu garder l’anonymat, il interpelle le gouvernement guinéen sur la solution qui prévaut dans les villes et quartiers pendant la saison pluvieuse et la quasi absence et l’inefficacité des interventions de l’Etat. Le député a relevé l’obligation qui incombe au gouvernement d’expliquer aux populations sa politique en matière d’assainissement  et de drainage. Il a entre outre, interpellé le gouvernement sur la « nécessité d’indemniser » les compatriotes impactés par les dégâts dus aux fortes pluies torrentielles, faisant observer que de fortes pluies ont dégradé le cadre de vie partout dans le pays.

« A cela s’ajoute malheureusement les pertes en vies humaines, surtout dans la zone spéciale de Conakry », dira-il, avant de continuer que « comme l’ensemble des guinéens, on constate lors des inondations à Conakry, que l’insuffisance de moyens déployés par l’Etat oblige les populations en détresse à dormir à la belle étoile».

Pour le député, « il est de la responsabilité de l’Etat de prendre toutes les mesures pour protéger  les guinéens des dégâts causés par les catastrophes naturelles ». Cependant il est « sourd en permanence des indemnisations de certains syndics de copropriété victimes des inondations…Si ces informations se confirment, il s’agit là d’un manque de résilience de la part des pouvoirs publics et au contraire aux principes de bonne gouvernance », a poursuivi le député

Il s’est enfin par la suite interrogé «où  sont passés les fonds publics prévus pour la réalisation des infrastructures d’assainissement et de drainage et quelle politique de protection  civile est-elle mise en place ? ».

Retenons que chaque année, les populations font face à de fortes pluies  qui aboutissent à des inondations. A leur tour, les inondations entraînent la mort, la destruction des biens. Voilà qui fait craindre les habitants des zones à haut risque.

Par ailleurs, faut-il tout de même souligner que face à cette situation, le ministre de la Ville et de l’Aménagement du Territoire, Dr Ibrahima Kourouma a pris le 14 à la faveur d conseil de cabinet du 14 juin dernier certaines dispositions préventives d’urgence. Il s’agit notamment de relancer incessamment les opérations de déguerpissement des points critiques à travers la capitale Conakry.

Lire également : Constitution des réserves foncières, dégagement des points critiques: les instructions du ministre de la Ville

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