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Échec de Dalein face à Alpha ? Autopsie d’une stratégie d’autodestruction

Les contours de la présidentielle du 18 octobre passé qui a vu le candidat sortant, Alpha Condé, l’emporter sur le reste de ses concurrents à plus de 50% au premier tour, selon les chiffres avancés par la Ceni, organe en charge de l’organisation du scrutin présidentiel, n’ont peut-être pas encore livrés tous leurs secrets.

Cependant, il est possible à chaud, de tirer quelques conclusions préliminaires sur les principales raisons de cette victoire qui doit être confirmée par la Cour constitutionnelle pour être définitive.

Affronter seul Alpha Condé sans les autres opposants historiques, était un pari fort risqué pour Dalein dans un système verrouillé  

On évoquera sans nul doute ici la théorie du verrouillage du système qui empêche quasiment l’alternance démocratique en Guinée. Jamais un président en exercice n’a perdu une élection en Guinée depuis l’instauration du multipartisme intégral par Lansana Conté. Ne dit-on pas en Afrique, à part quelques rares pays, qu’aucun président n’y organise les élections pour les perdre ? Nombreux sont ceux qui savaient déjà qu’Alpha Condé ne changera pas la Constitution pour y introduire la possibilité de briguer un troisième mandat, « le premier de la quatrième république » selon la formule consacrée par ses lieutenants, pour ensuite perdre une élection présidentielle à laquelle il prend part.

Convaincus de cette approche, les autres opposants historiques d’Alpha Condé, Sidya Touré et Lansana Kouyaté, ont signé un forfait pur et simple dès le départ, en refusant de prendre part à la compétition du 18 octobre contre un adversaire qu’ils savaient trop préparé pour avoir mis au pas toute l’administration publique, la police, l’armée et la justice. Leur refus de participation visait à ôter tout crédit à une élection, tenue selon leurs analyses, sur la base d’une Constitution et d’un mandat de plus, qu’ils ne reconnaissent pas.

Dalein, lui a pris le chemin inverse, confiant qu’il était dans ses chances de remporter la partie. Sa démarche inspirée par la base de son parti de se présenter contre Alpha Condé était pourtant jugée suicidaire non seulement par certains de ses plus ardents supporteurs comme le célèbre écrivain guinéen Thierno Monénembo, coauteur du très médiatisé manifeste « Halte à la présidence à vie ! », dirigé contre certains chefs définitivement installés au pouvoir en Afrique. A propos de la participation de Dalein à l’élection présidentielle, Monénembo avait pourtant mis en garde son candidat favori en ces termes « c’est valoriser la légitimité de Alpha Condé à briguer un troisième mandat ».

Sa candidature a aussi donné lieu à mille explications dans l’opinion. Pour certains, elle se justifiait par le refus de la politique de la chaise vide qui a par exemple privé son parti, l’UFDG, de toute représentation dans la nouvelle Assemblée nationale. Pour d’autres, elle apparaissait comme une légitimation de la nouvelle Constitution et une normalisation du troisième mandat, deux choses contre lesquelles il a pourtant remué ciel et terre au sein du FNDC, une plateforme de la société civile hyper politisée.

La nouvelle voie prise par Dalein au moment le plus critique du bras de fer engagé par le FNDC contre le pouvoir a nettement joué sur la capacité de mobilisation de cette plateforme, qui s’est ainsi retrouvée vidée de l’essentiel de sa troupe fournie par l’UFDG. À l’approche de l’élection, certains ont pu comparer les appels à manifester lancés par le FNDC contre le pouvoir, aux derniers battements d’ailes d’un aigle atteint par balle et sur le point d’entamer sa chute finale.

Le défi que Dalein s’est alors imposé de relever après la rupture avec le FNDC était immense, probablement, hors de sa portée. Car affronter un régime aussi tentaculaire que celui d’Alpha Condé en misant sur les seules forces de son parti n’était pas aussi évident. Ceux qui auraient pu renforcer et donner une large assise à son combat n’ont donné aucune consigne de vote à leurs partisans en sa faveur. Mieux, ils se font avares en commentaires même après l’élection. Ce qui est un grand signe de désapprobation de l’action solitaire privilégiée par Dalein au moment où toute l’opposition se devait d’avoir une stratégie commune face à un adversaire commun.

La proclamation hâtive de sa propre victoire s’est plutôt retournée contre lui 

Par cette proclamation qui est intervenue au cours du décompte des voix, Dalein espérait sûrement mettre la pression sur la Ceni et ratisser large au-delà de son propre camp pour provoquer un éventuel renversement anticipé du régime d’Alpha Condé à travers la réaction spontanée d’une foule désabusée et incontrôlée dans un climat électoral trouble. Si ses inconditionnels ont cru dans ses chiffres, les autres, même ceux qui avaient voté pour lui dans les autres fiefs électoraux du pays dans le but de barrer le chemin à Alpha Condé, s’en sont méfiés. Le scénario du chaos qui se mettait en place était en fait redouté.

Une partie de la population commençait alors à s’interroger et à s’inquiéter surtout de la montée de la fièvre extrémiste dans les rangs de l’UFDG. Certains militants radicalisés de ce parti commettaient sur d’autres citoyens, des actes de violence qu’ils ne cessent pourtant de dénoncer chez les forces de l’ordre à leur encontre. Le risque qu’un autre arbitraire succède à l’arbitraire présent était de plus en plus visible. Le statu quo connu semblait aux yeux d’un certain nombre préférable à la nouveauté inconnue.

Tout ceci ne dédouane pas l’État, ce mal absolu et historique de la société en Guinée. En effet, pour parler du présent, Alpha Condé par sa politique a plus que jamais divisé les guinéens entre eux et conduit une partie de la population à totalement manquer confiance dans l’État et dans ses institutions. Cette portion de la population se radicalise de plus en plus avec la volonté désormais affichée de se rendre justice en s’en prenant directement sur tout ce qui symbolise son mal. Ce malaise social qui commence à montrer des signes inquiétants devrait être traité par l’État à travers une justice égale pour tous et l’éradication de l’impunité, y compris pour les éléments des forces de sécurité jugés coupables.

 « L’avec nous ou le contre nous » de l’UFDG

Autre signe inquiétant dans les rangs de l’UFDG, est bien ce message relayé depuis un certain temps sur les réseaux sociaux selon lequel, le jugement nuancé n’a plus sa place dans le combat politique en Guinée. Même s’il est possible que certains porteurs de ce message ne puissent être ni partisans ni sympathisants du parti et que ceux-ci agiraient uniquement par frustration pour des raisons qui leur sont propres, il n’en demeure pas moins vrai que nombreux sont ceux qui se réclament être membres du parti. Or, cette stratégie totalitaire voudrait que tout guinéen condamne dans les mêmes termes que l’UFDG son adversaire, le parti au pouvoir et l’État de façon générale et quiconque n’agirait pas ainsi sera considéré comme un hypocrite. Ceci rappelle la croisade menée par Georges Bush contre l’islamisme après les attentats du 11 septembre 2001 aux USA. « Ou vous êtes avec nous ou vous êtes contre nous » disait Bush au reste du monde. On connaît les conséquences néfastes de ce raisonnement simpliste et facile à faire. Il est à la base de la guerre livrée par les américains aux irakiens au motif fallacieux qu’ils disposaient des armes les plus redoutables pour la sécurité américaine.

En réalité, la tentative de tout parti politique, qu’il soit au pouvoir ou dans l’opposition, d’imposer ses sensibilités au reste de la population tout en culpabilisant ceux qui, au nom de leur liberté de conscience ne se reconnaissent pas en lui, est une grave atteinte à la pluralité des courants de pensées dans une démocratie. De plus, cette tentative risque de se retourner contre le parti qui s’en fait l’écho.

Pour conclure, disons que malgré les critiques émises sur la partialité de la Ceni dans la centralisation des voix, le vent semble tourner aujourd’hui dans la direction du parti au pouvoir. Tout laisse penser qu’il est de nouveau sur le point de l’emporter dans son bras de fer avec une opposition qui a notoirement manqué d’unité au moment le plus critique de son combat contre Alpha Condé.

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