Les tradipraticiens guinéens n’entendent pas rester en marge de la lutte contre le coronavirus qui se propage dans le pays. Leur chemin est certes parsemé d’embûches, mais les acteurs de la médecine traditionnelle restent déterminés. Même s’ils ont parfois des préoccupations qui changent d’un groupement à un autre.
Du côté de la Fédération Guinéenne des Associations des Guérisseurs Traditionnels et Herboristes (FGAGT), la bataille commence par l’intégration du système de la lutte contre le COVID-19 mis en place par les autorités. La structure fait des pieds et des mains pour être associée à l’initiative. Surtout que ce fut le cas lors de la lutte contre l’épidémie à virus Ebola.
Sauf qu’en face, l’autorité ne semble pas lui faciliter la tâche. Ce que la Fédération présidée par Mamady Daman Traoré a dénoncé vendredi dernier à Conakry. C’était à la faveur d’une conférence de presse dont le thème est la « dénonciation du refus du ministère de la Santé d’associer les guérisseurs traditionnels à la lutte contre le coronavirus (COVID-19)… »
Sans succès, « plusieurs démarches ont été effectuées dans ce sens… notamment au niveau du ministre de la Santé et de l’hygiène publique », confie Joseph MILLIMONO, 1er porte-parole de la FGAGTH. Et de déplorer que l’attitude du ministère de tutelle, en plus de ségréguer les tradipraticiens qu’ils sont, les freine dans leur élan. En témoigne le fait la FGAGTH n’ait pas pu tester le produit « leko » qu’elle propose contre le COVID-19, selon M. Millimono qui regrette que sa fédération ne puisse pas « agir dans la lutte de cette maladie dangereuse sans l’autorisation des autorités ».
D’où son appel à l’endroit du président de la République qu’il demande de recevoir et soutenir les tradithérapeutes. Histoire de joindre l’acte à la parole dirait-on, car Alpha Condé a sans cesse fait des déclarations favorables au développement de la recherche en Guinée ces derniers temps, avec un accent particulier sur la médecine traditionnelle.
Autre structure, autres réalités
A l’Association des tradithérapeutes et pharmacologues Nkoo de Guinée (ATPNG), si la reconnaissance de l’Etat est jugée importante, ce facteur n’empêche pas l’association de travailler. Surtout que, pour son responsable commercial Younoussa Condé, alias Lön Kassia, les autorités n’excluraient pas que des malades du COVID-19, s’ils le souhaitent utilisent la pharmacopée pour se soigner.
En tout cas, son association a trouvé un produit qu’elle propose contre le COVID-19. Une solution qui marche plutôt bien selon le constat de Guineenews. En dépit du silence radio de la part du ministère de tutelle depuis la déclaration publique faite à propos par son président Mamoudou Camara, alias Kootè Benna le 31 mars dernier.
Les commandes et livraisons effectuées en notre présence au bureau de l’association à Madina et au domicile du responsable commercial le prouvent à suffisance. Ainsi que les neuf (9) employés, en majorité des commerciaux. Sans oublier le chiffre d’affaires journalier qui avoisine les 10 millions de francs Guinéens.
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Pour arriver à la conclusion quant à l’efficacité du produit, Lön Kassia, notre interlocuteur invoque une étude des symptômes faite par une équipe de 20 personnes pendant 17 jours.
Et de nous renvoyer vers les patients, près d’une trentaine, qui ont trouvé satisfaction en utilisant « le remède » contre le covid-19. Un produit qu’il ne vend pas au premier client venu, selon nos constats. Avant de donner la bouteille qui coûte la bagatelle de 300 mille francs guinéens, l’identité, l’adresse y compris le numéro de téléphone de l’intéressé sont recueillis sur une fiche conçue à cet effet. Sur ce papier (voir photo), le statut de l’acheteur est indiqué. Ce qui suppose un test effectué au préalable au niveau d’un centre de traitement des épidémies de la place.
Il ne manque pas d’astuces pour s’assurer que les déclarations qui lui sont faites ne sont pas mensongères. En cas de doute, Lon Kassia confie qu’il peut simuler une rupture de stocks. Indiquant que le peu qui reste disponible est réservé au traitement curatif en priorité. Ce qui amène des malades qui, par indélicatesse, voudraient cacher leur statut à avouer leur état positif.
A chaque tradithérapeute ses difficultés
En dépit de la qualité de ce produit, son efficacité reste à établir par les services compétents. Même si des patients qui l’utilisent témoignent de leur satisfaction. Et parmi eux, il y en a même qui seraient guéris, testés négatifs au bout de leur traitement à la pharmacopée.
Sauf qu’en général, ils restent réticents quand il s’agit de rencontrer un journaliste pour en parler. Tout de même, en « conférence call », une jeune dame testée positive au coronavirus a confié à Guineenews qu’elle se sent mieux après avoir pris le produit. Et qu’elle s’apprêterait pour aller refaire le test au COVID-19.
Une autre jeune dame, au moins la trentaine venue chercher son médicament au domicile du responsable commercial de l’ATPNG, n’admet pas quelle refuse de témoigner devant la presse. Mais la patiente en traitement contre le COVID-19, n’a pas accepté de se prêter à nos questions. Prétextant que le guérisseur sait que ce n’est pas un refus, elle invoque la pluie qui menace avant partir avec dans sa main, un sachet de poudre qu’elle devrait dissoudre dans une bouteille d’eau minérale à boire quelques jours après.
Au téléphone, toujours à son domicile, Lôn Kassia a eu une longue conversation avec un autre patient qu’il nous a fait écouter. Une discussion d’une dizaine de minutes pendant laquelle « le guéri » du Covid-19 qui n’accepte pas non plus de parler à la presse. Paradoxalement, il pose la question de savoir « pourquoi le produit n’est pas connu alors qu’il est bon? ». Non sans remarquer que le coût (300 000 fg) reste élevé. Avant d’encourager l’Association des tradithérapeutes et pharmacologues Nkoo de Guinée (ATPNG) d’aller vers les autorités pour qu’elles le valident… Et Lön Kassia de lui rétorquer que les témoignages des patients guéris sont également une bonne manière pour attirer l’attention des autorités.
En attendant, selon son responsable commercial, l’ATPNG se contente du fait que son produit ne soit pas interdit. Et caresse l’espoir que les décideurs du pays se penchent sérieusement sur ce produit en vue d’établir officiellement son efficacité. Ce qui pourrait réduire le prix de vente pour le bien des consommateurs.
Même si, à écouter le ministre Remy Lamah qui nie les accusations portées contre lui par l’FGAGTH, la priorité de son département ne semble pas être ailleurs. En effet, le médecin Colonel affirme que «personne n’est venu me voir…». Mais aussi ne fait allusion à aucune initiative prise par son département concernant la médecine traditionnelle. Quant au conseil scientifique que nous avons sollicité à maintes reprises, sa présidente n’accepte toujours pas de se présenter à nos questions. Pour l’instant du moins. Pendant qu’elle ne devrait pas ignorer que l’organe de consultation qu’elle préside reste très attendu. Sur d’autres sujets concernant la lutte contre le COVID-19 certes. Mais aussi et surtout à propos des produits locaux que le conseil scientifique promet d’évaluer sous peu.