En plus d’être une zone minière par excellence, même si son attractivité ces derniers temps, s’est effritée au profil de la localité de Gaoual, la préfecture de Mandiana, est aussi une importante zone transfrontalière, notamment entre la Guinée, le Mali et la Côte-d’Ivoire.
C’est aussi l’une des localités où des conflits domaniaux et les manifestations sont récurrentes pour réclamer plus d’emplois et des services sociaux de base comme l’accès à l’eau, à l’électricité et aux infrastructures routières. Dans un entretien accordé à www.guineenews.org, le préfet Mohamed Lamine Doumbouya, dit tout. Lisez !
Guineenews© : bonjour monsieur le préfet ! Aujourd’hui comment se porte la préfecture de Mandiana ?
Mohamed Lamine Doumbouya : La préfecture de Mandiana se porte bien. Depuis le 31 janvier 2019, nous sommes à Mandiana et nous nous sommes fixés une priorité. Cette priorité, c’était de renforcer la consolidation de l’entente, de la paix et de la quiétude sociale dans la cité. Comme vous le savez, Mandiana est une zone aurifère par excellence. Qui parle de zone minière, parle de remous, d’incompréhensions entre des villages voisins, des familles et même des communautés. Quand on venait, il y avait beaucoup de cas d’attaques, d’assassinats. Mais avec notre implication, cela a beaucoup diminué.
Guineenews© : la ville Mandiana est une zone qui fait frontière à la république du Mali qui est secouée par diverses crises sociopolitiques. Vous en tant que premier responsable de la localité, de quel œil, vous voyez tout ce qui se passe dans ce pays voisin ?
Mohamed Lamine Doumbouya : Vous touchez à une question très importante. Elle est une préoccupation majeure des autorités à Mandiana. Parce que quand il y a du feu chez ton voisin, tu ne peux pas être tranquille. Donc ce qui se passe au Mali, nous concerne. Nous devons renforcer la vigilance et la sécurité. Au moment où je vous parle, le général Baffoé de la police nationale se trouve à Mandiana.
Avant lui, il y a eu d’autres officiers de l’armée, notamment le chef d’état-major de l’armée de terre qui était là aussi. Ceci dit, ce que l’armée et les services de sécurité doivent faire, est une chose. Mais ce que la population et les autorités administratives doivent faire est aussi très important notamment en terme de renseignement et de préservation de la cohésion sociale. En tout cas nous les autorités de Mandiana avons un œil sur la situation.
Guineenews© : On entendait beaucoup parler des conflits à la frontière Guinéo-malienne entre les communautés et parfois même des accrochages entre agents de défenses des deux côtés. Alors est-ce qu’aujourd’hui, on peut se dire que tout va bien ?
Mohamed Lamine Doumbouya : Si vous dites, est-ce que tout va bien entre la Guinée et le Mali. Je dirai oui. Parce que les remous entre les deux communautés riveraines à la frontière ne veulent pas dire que ça ne va pas entre les deux pays. Au moment où je vous parle, la Guinée a des soldats au Mali dans le cadre de la Minusma. Mais pendant ce temps je peux vous dire que le torchon continue de brûler entre Maliens et Guinéens du côté de la localité de Dalakan en Guinée et de Siradjouba côté malien. Et ce n’est pas nouveau. C’est un vieux conflit que nous sommes tenus de gérer avec beaucoup de tacts.
Parce-que comme vous le savez, il n’y a pas de délimitation pour dire que voici la limite entre la Guinée et le Mali. Nous faisons tout ce que nous pouvons avec les forces de défense et de sécurité pour gérer la situation, mais les violences existent à ce niveau.
Guineenews© : Justement, vous venez de parler de la matérialisation de la frontière guinéo-malienne. Un vieux projet qui peine à se concrétiser. Alors dites-nous, à quel niveau, nous sommes par rapport à ce projet conjoint des deux Etats ?
Mohamed Lamine Doumbouya : Récemment, on a suivi l’arrivée d’une importante délégation malienne à Conakry, pour rencontrer, dans ce cadre, les autorités guinéennes. Je crois qu’il y a aussi un partenaire qui est la GIZ, qui accompagne les deux pays dans ce projet. Donc les autorités des deux côtés sont à pied d’œuvre pour mener des études. Mais ce n’est pas chose facile. C’est le temps qui peut régler certains problèmes. Car depuis l’accession à l’indépendance en 1958, ce problème se pose.
Guineenews© : aujourd’hui, beaucoup jeunes bras valides quittent la cité pour un autre eldorado aurifère. Vous, en qualité de premier responsable de la préfecture, que pensez-vous de cette situation ?
Mohamed Lamine Doumbouya : Le monde est fait qu’aujourd’hui de telle sorte que tout le monde veut le bonheur. Mandiana aussi à un moment donné était et est beaucoup fréquentée. La nouvelle société minière qui est en train de s’installer, pour un total de 200 à 250 places, nous avons reçu ici plus de 3 000 candidatures. C’est un exemple pour dire que partout où il y a des opportunités, tout le monde court vers là-bas. Donc je n’ai pas beaucoup de commentaires à faire autour de ça. Surtout qu’ils sont libres, ils vont à leurs frais. Le préfet ne peut pas empêcher quelqu’un d’aller. On ne peut que les accompagner par nos prières et bénédictions.
Guineenews© : Alors vous ne craignez pas que cet exode suscite un dépeuplement au niveau de Mandiana ?
Mohamed Lamine Doumbouya : Ce n’est par ça que Mandiana va se dépeupler. Ce n’est pas toute la population de Mandiana qui va partir. C’est quelques jeunes qui ont la santé et la force qui vont partir. Et pendant que d’autres partent, d’autres viennent aussi. Ceux qui sont partis, je ne pense pas aussi que ce soit pour tout bon. Ils vont revenir encore car ce qu’ils sont allés chercher ailleurs existe encore à Mandiana.
Guineenews© : considérez-vous toujours Mandiana, comme la zone par excellence de l’exploitation de l’or en Guinée ?
Mohamed Lamine Doumoubouya : Oui ! Sur les 13 sous-préfectures, il y a que dans deux que l’on ne trouve pas de l’or. C’est Sassando et Saladou.
Guineenews© : La société minière de Mandiana, dont vous parliez tout à l’heure et certains citoyens étaient récemment en conflit autour d’une zone aurifère. Est-ce que cette mésentente est dissipée complètement ?
Mohamed Lamine Doumbouya : Elle ne peut pas être totalement dissipée. J’ai été préfet à Boké. Une autre zone minière par excellence. La CBG est une société qui a fait plus de 40 ans en Guinée, évolue de façon stable. Mais jusqu’à aujourd’hui, elle rencontre des problèmes avec la communauté. Donc, on ne peut pas parler de dissipation dans le cas de Mandiana. Mais il ne faut pas avoir peur des problèmes, il faut plutôt avoir de bonnes approches pour les résoudre. Le problème c’est d’abord l’emploi local et les meilleures conditions de vie. Chose qui est normale. La SAG de Siguiri est installée depuis longtemps mais jusqu’à maintenant les autorités de là-bas, continuent à gérer des crises. Donc c’est un peu pareil partout.
Guineenews© : L’éducation est menacée aussi à Mandiana. Les élèves préfèrent les concessions minières aux écoles. Que faites-vous pour remédier à cette situation très préoccupante ?
Mohamed Lamine Doumbouya : C’est une réalité. Et, il faut renforcer la sensibilisation. Parce qu’on regarde l’argent facile et on a tendance à oublier le futur. Et la sensibilisation est faite par les autorités. Nous sommes tous conscients que dans 5, 10 ans, l’école risque de disparaître ici au profit des mines. Mais la seule arme dont nous disposons, c’est la sensibilisation.
Guineenews© : La route Kankan-Mandiana, un véritable calvaire. Le projet de bitumage dure plus que prévu. Qu’est-ce-qui ne va pas ?
Mohamed Lamine Doumbouya : Je suis conscient de l’état de cette route et que le projet de bitumage a vraiment duré plus que prévu. 7 ans, ce n’est pas petit. Mais les autorités ne croisent pas les bras. En ce moment, l’entreprise chargée des travaux (Guiter SA) est en train de prendre des dispositions pour mettre des péliades en place pour prévenir la saison des pluies. Je crois aussi que l’effort est en train d’être fourni au niveau de l’Etat, pour payer l’entreprise ce qu’on doit lui payer afin que le travail de bitumage puisse être achevé d’ici la fin de l’année.
Guineenews© : Le fleuve Sankarani est menacé par les exploitants miniers détenteurs de dragues. Qu’en est-il, de cet autre phénomène qui perdure malgré les dispositions prises à Mandiana ?
Mohamed Lamine Doumbouya : Beaucoup de dispositions sont en vigueur. Avant même que l’Etat ne s’implique, les autorités locales ont organisé une vaste campagne de lutte contre les propriétaires de dragues et de concasseurs. Près de 40 personnes ont été arrêtées, jugées et rapatriées du côté malien et de fortes amendes ont été payées.
Guineenews© : Est-ce que le Sankarani est aujourd’hui débarrassé des dragues ?
Mohamed Lamine Doumbouya : Oui à notre entendement. Mais il y a un problème. C’est que le Sankarani a une rive guinéenne et une autre rive qui est en territoire malien. Donc vous restez du côté guinéen et les voir agir avec leurs dragues. Quand tu essaies d’intervenir, ils te disent qu’ils sont sur le territoire malien. Cela a été l’objet de plusieurs réunions entre les autorités maliennes et nous. Pour que nous luttions ensemble contre ce phénomène. Ils m’ont dit que c’est aussi leur préoccupation et que la pratique sera interdite aussi au Mali.