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Circulation routière : hé, maître ! Tu ne vois pas l’agent ?

Il est indéniable que la vue de l’agent sur la route a toujours produit sur l’usager un effet très saisissant. Il suffit qu’un conducteur aperçoive un porteur d’uniforme (policier ou gendarme), même de loin, sur la route, pour qu’il relâche sa pression sur l’accélérateur. Cette vision entraîne toujours, inévitablement chez lui, cet acte réflexe qui sans cesse revient, toutes les fois que se reproduit la même situation. Son véhicule ralentit aussitôt. Et l’avantage qu’on en tire est la réduction de la vitesse et conséquemment un renforcement de la prévention routière.

Des expériences conduites par des spécialistes ont conduit au même résultat avec la simple silhouette découpée du gendarme que l’on aperçoit de loin ou une carcasse de moto de contrôle routier garée. L’effet est curieusement le même lorsque ladite moto est simplement représentée en image sur un tableau.

Du premier coup et malgré qu’il s’agisse de perception fugace, l’effet induit, pour ne pas dire le réflexe, a toujours été analogue : on ralentit !

Pour illustrer notre propos, prenons l’exemple d’un véhicule qui roule en rase campagne. Le paysage qui défile est enchanteur avec des contours et des couleurs variés. Le calme qui enveloppe les voyageurs, pousse à la rêverie. Le moment est agréable, prenant. Ce ronron euphorique altère le sentiment de risque encouru et pousse le chauffeur à monter graduellement la vitesse pour rouler de plus en plus vite. La distance est encore longue avant la prochaine agglomération et il se sent tout seul sur la route et libre de conduire comme il veut. Soudain, à la sortie d’un virage négocié sur un crissement de pneus, un des passagers coincés, à côté de lui l’apostrophe vivement en lui secouant l’épaule, de son bras tendu :

– Maître , maître ! Qu’est-ce que tu fais là, à conduire comme ça ? Tu veux nous tuer ? Tu ne vois pas les agents ?

D’un ton agacé, le chauffeur rétorque :

– Mais, toi-là, qu’est-ce qu’il y a ? Tu ne vois pas que tu me déranges et que tu m’empêches de bien conduire ? Tu es trop émotif. Aurais-tu peur ? Tu vas alors changer de place et passer à l’arrière. (Il rit pour se moquer du passager et poursuit)

– Où sont-ils,  les agents dont tu parles ?

– Voyons maître, toi aussi, regarde bien…Devant, là-bas ! Tu ne les vois pas ?

Quelques instants passent, qui paraissent une éternité. Pendant ce temps, les passagers sont en surnombre, serrés comme des sardines dans le véhicule. Ils ont déjà appris depuis leur départ de la gare routière, que leur chauffeur n’a pas ses papiers en règle. Ils gardent le silence et appréhendent les ennuis et surtout le retard que cela va leur coûter, une fois que l’agent les aura sifflés.

Pendant ce temps, la conversation se poursuit entre le chauffeur et son passager, littéralement serré contre lui :

J’ai l’impression que tu roules à nous faire prendre. Qu’est-ce que tu veux au juste ? Tu veux nous créer des problèmes. Ne nous fais pas regretter de voyager avec toi. Non plus, ne nous attire pas des désagréments quand ils vont t’attraper ?

A ce moment précis, le conducteur aperçoit enfin…. l’agent, encore loin devant ! Aussitôt, le voilà qui se détend et tourne le regard vers son ‘’bienfaiteur’’ de passager, inconfortablement assis à ses côtés. Il est installé, exactement entre les deux sièges, le levier de vitesses lui passant entre les jambes. Notre conducteur, du geste, l’invite à se pousser légèrement pour lui permettre de rétrograder, avant de dire :

-Ah, Grand ! Merci à toi ! Là, tu m’as beaucoup aidé.  Je le vois d’ici, cet agent. C’est justement lui, le plus méchant du groupe que nous trouvons ici, wallahi ! (Au nom de Dieu) Celui-là, il m’aurait beaucoup fatigué aujourd’hui, si tu ne m’avais pas averti à temps. Il aurait trouvé l’argument tout fait, d’excès de vitesse, pour me cogner. Lui, sa tactique c’est de se cacher dans le coin pour bondir sur les gens au dernier moment. Mais, wonkhay toun (allons seulement). On va voir !

Et notre chauffeur de vite réagir : il libère l’accélérateur en levant son pied dessus, il réduit la vitesse en freinant et en rétrogradant. Et, pour compléter le tableau, le voilà qui brandit sans transition un large sourire théâtral, dédié à monsieur l’agent, avant même d’arriver à sa hauteur. Il l’aime bien non ? C’est son ‘’ami’’ non ? Et cela, malgré tout ce qu’il vient de dire de lui à ses passagers, il y a un moment.

Comprenez donc qu’il veuille le saluer avec la déférence qui sied. En toute sincérité !

Le voilà qui aligne alors toute une litanie de courtoisie simulée et d’obséquiosité feinte pour convaincre le même agent de sa ‘’grande estime’’ pour lui, de son comportement citoyen exemplaire et tout le reste. Il dit et fait beaucoup, sans rien y croire, pour un sou. Son seul désir est de donner l’illusion pour se tirer d’affaire à bon compte.

C’est donc de duperie qu’il s’agit. Juste pour passer ‘’propre’’ devant le gendarme :

-Allo ! Chef, bonsoir ! La journée est bonne ? Je souhaite que ça continue ; Votre travail, ça marche ? Dieu merci ; votre tenue vous va très bien. Je suis content ; tout le monde ici me connait ; je passe tous les jours par là ; je ne vais pas loin ; je reviens tout de suite.

Et après qu’il se soit tiré d’affaire, nous vous laissons le soin d’imaginer comment, le voilà qui dit, tout goguenard :  Merci chef. On est ensemble ! Vous pouvez toujours compter sur moi, en cas de besoin, etc.

Voilà un peu esquissé, un des pans de notre circulation routière que nous vivons au quotidien.

Notez-le, un tel conducteur est loin de s’amender. Il peut même aller au pire, en matière de comportement sur la route. Et c’est dommage pour la prévention routière que nous voulons voir, sans cesse, renforcée.

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