Le sujet que nous abordons aujourd’hui, nous a été suggéré par l’adjudant- chef Abou Latè Dounamou, chef du poste de la gendarmerie routière de Tanènè.
Voilà bien des mois que ce sous-officier, chargé de constat dans cette commune rurale de Dubréka nous a transmis ces photos que vous voyez- là à l’image. Il s’agit de phares très éblouissants, vous en conviendrez, à en juger par les faisceaux perçants qu’ils dardent plein dans les yeux des conducteurs roulant en sens inverse.
A cette époque, la zone de Tanènè sur la nationale n0 3, Conakry- Boké, enregistrait régulièrement des accidents nocturnes graves, dont les victimes invoquaient toujours l’éblouissement sans qu’aucun élément de preuve ne vienne étayer leurs déclarations. La raison à cela était bien simple, puisqu’au moment du constat, généralement dans la journée, les véhicules impliqués sont toujours immobilisés, moteur éteint et leur position accidentelle ne reflète pas toujours le premier descriptif qui est fait, de l’accident.
Le phénomène a persisté quelque temps avant que la gendarmerie résolve enfin l’équation posée. Entre-temps, le syndicat a partagé ce souci des automobilistes qui se plaignaient sans cesse, jusqu’au moment où les investigations menées ont permis de comprendre l’origine du mal. Des phares, communément appelés « phares chinois » étaient en cause.
Il s’agit, dira l’adjudant-chef Abou Latè Dounamou, de dispositifs d’éclairage pour véhicule automobile, vendus comme gadgets au marché et qui ne seraient pas homologués. Ces types de phares, de petit format, sont très prisés par les conducteurs, surtout les transporteurs en commun et ceux d’agrégats. Ils sont utilisés à titre additif, en rajout aux phares d’origine du véhicule, ou parfois en lieu et place de ceux-ci quand ils n’existent plus ou qu’ils ont cessé de fonctionner.
Le chef de poste assure qu’à l’heure actuelle, cette situation, alarmante au départ, s’est nettement améliorée. Le phénomène a baissé d’intensité. Le tandem syndicats et autorités locales s’est associé à la gendarmerie pour informer et sensibiliser les conducteurs qui ont eux-mêmes, en plus de ces démarches entreprises à leur intention, tiré les leçons des multiples accidents survenus des suites d’éblouissement. Comme pour dire qu’on n’est jamais mieux conseillé que par soi-même !
Le problème qui se pose est que la plupart des conducteurs chez nous font fi des dangers que peut causer le mauvais usage des phares dans la circulation. Pourtant, le code de la route est formel, qui place la conduite nocturne au même rang que celle sous les intempéries.
Elle reste donc une conduite à risques dont l’origine tient à la baisse totale de visibilité. Elle est réservée à ceux qui ont acquis une expérience appréciable dans la conduite diurne. On n’apprend rien à personne en disant que la nuit, on ne voit jamais aussi clair que pendant le jour. D’ailleurs, sous forme de slogan, un adage dit que « la nuit, tous les chats sont gris. »
C’est pour compenser ce handicap qui, autrement, ne permettrait pas que l’on conduise la nuit, que les phares ont été conçus. Ils sont de deux sortes : les phares proprement dits ou ‘’pleins phares’’ qui ont une portée admise de 100 m et les feux de croisement ou codes qui éclairent jusqu’à 30 m de distance en moyenne. Ce sont ces derniers qui sont recommandés pendant les croisements entre deux automobilistes la nuit. Cette limitation de la distance focale des feux de croisement ou codes permet un croisement sans danger. C’est connu, le code n’éblouit pas le conducteur venant en face. Par contre, avec les pleins phares pendant un croisement on a toutes les chances de faire un accident, vu qu’on éblouit à coup sûr celui que l’on rencontre.
Sur la question, le code de la route est formel qui restreint, voire interdit son usage en agglomération. Cela aurait pu être mieux explicité s’il s’était agi d’un cours de code de la route. Mais c’en est pas un et nous nous limitons donc aux généralités.
En général, chez nous, la tendance hélas, c’est d’aller à la ‘’guerre des phares’’. Chacun s’équipe comme pour un combat. On rajoute des phares en plus de ceux qui existent déjà ; on met des autocollants rouges ou bleus, translucides, sur le verre ; on met des lampes à halogène de fort ampérage ; on règle à la hausse les phares pour qu’ils éclairent plus haut, toujours plus haut. Pas pour mieux voir, mais pour mieux affronter l’autre, l’embêter, se réjouir de le voir tâtonner, chercher sa route et bien d’autres petites ‘’méchancetés’’ bien gratuites et développées avec soin et délectation, etc.
C’est ainsi que beaucoup sortent la nuit, fin prêts. Gare à celui qui a le malheur de leur faire même un simple appel de phares. Ils réagissent au quart de tour : « Ah, tu as vu, celui-là qui me met ses phares pleins dans les yeux ? Il se croit capable de m’impressionner. Attends que je lui règle son compte, qu’il sache que je suis mieux équipé que lui. Je le ’’bombarde’’.
Et les voilà qui joignent le geste à la parole. Ils le ‘’bombardent’’ et ils sont contents, au point même d’en jouir. N’est-ce-pas qu’ils ont satisfait leur égo ? Ils ont réglé son compte à un adversaire ou même un ‘’ennemi‘’, c’est selon. Toutes ces attitudes sont perceptibles chez des personnes que l’automobile influence au point de leur conférer un sentiment de puissance et d’exaltation tel qu’ils doivent dominer ‘’l’autre’’ à tout prix. Au mépris du risque qu’ils encourent eux-mêmes.
Et ces comportements qui ne reposent sur aucune base rationnelle sont, bien souvent, fabriqués par leur esprit, le temps d’un voyage ou d’une virée nocturne. Ils martyrisent toutes ces personnes qui ont le malheur de croiser leur chemin et qui sont, au demeurant, absolument innocentes des péchés imaginaires et même quelque fois farfelus qu’ils leur prêtent, délibérément !
Et si de pareils gestes, pour paraphraser des mathématiciens, se multiplient à la puissance N, à l’échelle de toute la ville, alors, bonjour les dégâts ! Les accidents vont continuer de plus belle et malheur à tous.
En attendant d’aborder ce sujet dans ses détails, entre autres, la conduite à tenir en cas d’éblouissement, le croisement et le dépassement la nuit et sous les intempéries, nous dirons simplement qu’un usager ébloui par les phares intenses qu’on lui projette en pleine figure est un usager aveuglé. L’on ne gagne rien à le rencontrer dans cet état et à grande vitesse, d’autant qu’il ne voit plus.
Au lieu donc de sortir pour la guerre des phares : ‘’tu me bombardes, je te bombarde’’, il vaut mieux sortir pour la guerre contre les phares. Nous éviterons ainsi de mettre face à face deux aveugles et nous serons à l’abri de beaucoup d’accidents, souvent mortels.