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Après la levée des sanctions contre le Niger, quel avenir pour la CEDEAO ?

Les chefs d’Etat des pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ont décidé de lever une partie des sanctions imposées au Niger, à la suite du coup d’Etat de juillet 2023.

L’annonce a été faite par le président de la Commission de l’organisation régionale, Omar Alieu Touray, samedi 24 février à Abuja, au Nigéria, à l’issue d’un sommet extraordinaire. Il s’agit, entre autres, de la réouverture des frontières avec le Niger, le retour des vols commerciaux au départ et à l’arrivée du Niger, la levée du blocage des transactions financières et bancaires et la fin du blocus énergétique. Ces sanctions avaient été imposées à Niamey après la prise du pouvoir par un régime militaire qui a renversé le président élu, Mohamed Bazoum, en juillet dernier.

Omar A Touray a insisté sur le fait que l’organisation invite les dirigeants des pays en transition (le Burkina, la Guinée, le Mali et le Niger) aux rencontres de haut rang, mais aussi aux réunions de cadres techniques de la CEDEAO. La levée de ces sanctions intervient dans un contexte où les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (Burkina, Mali, Niger) ont décidé de se retirer de l’organisation sous-régionale.

Les militaires au pouvoir au  Mali, au Niger et au Burkina Faso reprochaient à la CEDEAO de leur avoir imposé des sanctions « illégales et illégitimes ». Pourtant, la CEDEAO, qui regroupe 15 pays, s’est toujours opposée aux coups d’Etat. Fidèle à ses statuts qui ne reconnaissent pas les putschs, elle avait donc logiquement imposé des sanctions économiques à ces trois pays. Elle n’avait fait qu’appliquer les textes que ces trois pays ont signés en adhérant à l’organisation.

Parmi la liste de reproches que ces Etats avaient adressé à la CEDEAO, il y a aussi la question sécuritaire. Les juntes au pouvoir reprochaient à l’organisation sous-régionale de ne pas les avoir aidés dans la lutte contre les groupes terroristes.

Et c’est vrai ! la CEDEAO n’avait pas vraiment assisté ces pays. En particulier le Mali, bien avant le putsch de 2020, quand les terroristes menaçaient Bamako en 2012 et 2013. Ce qui a conduit à l’intervention militaire française.

« On n’a jamais vu un sommet convoqué avec fracas, avec une activité médiatique et diplomatique intense, de la même manière qu’il y a eu après les coups d’Etat au Niger et au Burkina Faso », n’a cessé de rappeler un dirigeant Malien avant de continuer. : « donc, lorsque les populations meurent et sont confrontées à des situations difficiles, on n’entend pas la parole de la CEDEAO, on ne voit pas l’action des dirigeants de la CEDEAO. Mais quand il s’agit de presser les autorités militaires à rendre le pouvoir au civil, ce qui est tout à fait normal, on voit une action qui est pressante. C’est cette dichotomie qui pose problème pour que la voix de la CEDEAO soit comprise.« 

Les militaires reprochent aussi à la CEDEAO d’avoir oublié les idéaux des pères fondateurs et du panafricanisme. Mais au contraire, selon l’analyste politique Sénégalais, Bara N’Ddiaye, c’est la multiplication des coups d’Etat militaires, ainsi que le morcellement de l’Afrique de l’Ouest, qui est contraire à l’esprit qui prévalait après les indépendances.

 « Ce n’est pas bon pour la cohésion et l’unité africaine, déclare-t-il. Effectivement, on pourrait se dire que les pères de l’unité africaine, comme Kwame Nkrumah (ancien président du Ghana, ndlr), doivent se retourner dans leurs tombes. Je pense que la Guinée, le Mali, le Niger, le Burkina et la CEDEAO doivent faire des compromis », conseille l’analyste.

Les juntes reprochent aussi à la CEDEAO d’être inféodée aux puissances étrangères. Mais de ce point de vue, elles font preuve de pragmatisme comme l’explique l’analyste politique qui souligne ainsi qu’il y a eu certes l’annonce de retrait de la CEDEAO, mais ces Etats n’avaient pas annoncé leur sortie de l’Union économique et monétaire ouest africaine, dont la monnaie commune est le franc CFCA, une monnaie souvent désignée comme étant « néocoloniale«  et contrôlée par la France : « l’intégration au sein de l’UEMOA est beaucoup plus importante que l’intégration au sein de la CEDEAO qui est un bloc plus large. Ces pays savent bien qu’un retrait de l’UEMOA aurait des conséquences économiques beaucoup plus importantes et vous ne pouvez pas renoncer à une monnaie lorsque vous n’en avez pas une autre qui est prête. Et cela ne se décrète pas en publiant simplement des communiqués », conclut-il.

Cette sortie annoncée de la CEDEAO pourrait permettre aux militaires de s’affranchir des règles démocratiques de l’institution. En effet, des élections étaient prévues au Mali et au Burkina Faso en 2024. Elles étaient censées assurer le retour à un gouvernement civil, préalable exigé par la CEDEAO pour lever ses sanctions et rétablir ces pays dans ses instances décisionnelles. Mais les militaires en place au Mali, au Burkina et au Niger semblent avoir choisi de prolonger leur présence au pouvoir, en invoquant une lutte anti-djihadiste, dont les résultats sont encore très incertains.

Il faut retenir que le rétropédalage de la CEDEAO vis-à-vis du Niger, risque très fort de l’affaiblir à jamais voire lui assurer sa mort certaine.

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