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Ministère de la Santé : entre réformes audacieuses, chamboulements de leadership et turbulences (bilan 2023)

Le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique a été le théâtre de plusieurs mouvements, tant brusques que scandaleux, au cours de cette année. Sous la direction du gouvernement, le département a engagé une bataille acharnée contre la vente illicite de faux médicaments, a veillé à la fourniture de médicaments aux structures sanitaires régionales, et a entrepris la construction et la rénovation de certaines infrastructures sanitaires. Cependant, le limogeage inattendu du ministre Dr. Mamadou Péthé Diallo a plongé ce département dans une situation confuse.
Construction d’infrastructures sanitaires
Au cours de l’année 2023, le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique a posé la première pierre et inauguré plusieurs infrastructures sanitaires. Parmi celles-ci figurent la pose de la première pierre des hôpitaux régionaux des quatre chefs-lieux des régions naturelles de la Guinée, notamment à Kindia, Labé, Kankan et N’Zérékoré. De plus, la première pierre des centres de santé améliorés (CSA) de Manéyah, à Coyah, et de Khorira, dans la préfecture de Dubréka, a également été posée.
Selon les responsables du ministère de la Santé, ces réformes s’inscrivent dans le cadre des priorités présidentielles d’urgence visant à rapprocher les populations des soins de santé en limitant leurs déplacements vers les grandes villes.
En ce qui concerne le CSA de Khorira, dont la première pierre a été posée le 12 mars 2023, sa construction s’étendra sur une période de 12 mois, couvrant une superficie d’un hectare et demi. Il comprendra plusieurs bâtiments techniques ainsi que des logements pour le chef du centre, le chirurgien et la sage-femme. Le projet prévoit également un forage pour alimenter l’ensemble du centre.
Dans le même contexte, le Secrétaire Général du ministère de la Santé, Mohamed Lamine Yansané, a procédé en novembre dernier à la pose de la première pierre pour les travaux de construction des magasins et bureaux de la Pharmacie Centrale de Guinée, ainsi qu’à l’inauguration du magasin de l’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS).
Pour une durée également fixée à 12 mois d’exécution, la PCG sera dotée d’un bloc administratif R+1 sur une superficie de 2 150 m2, comprenant 27 bureaux, une salle de conférence, une salle de serveur, des archives et un espace de stockage de 950 m2 équipé d’un système de sécurité incendie de dernière génération. Le magasin de stockage de 400 m2 a été financé, selon le Dr Mohamed Lamine Yansané, par l’Organisation Ouest Africaine de la Santé et la PCG S.A à hauteur de 815 832 000 GNF. Parallèlement, les travaux de reconstruction des magasins et bureaux de la PCG S.A ont été financés par le gouvernement guinéen pour un montant de 14 979 282 850 GNF.
Cependant, malgré ces réalisations tant à l’intérieur du pays que dans la région de Conakry, de nombreux défis persistent dans le domaine de la Santé en termes d’infrastructures sanitaires. De plus, plusieurs promesses faites au cours de l’année 2023 n’ont pas été concrétisées.
C’est notamment le cas des huit centres d’hémodialyse, dont la première pierre a été posée de manière synchronisée le 12 novembre 2022, mais aucun d’entre eux n’a pu être inauguré au cours de l’année 2023. À l’époque, le Dr. Mamadou Péthé avait indiqué que ces infrastructures devaient être livrées dans un délai de huit à dix mois, permettant ainsi aux malades de N’Zérékoré, Kankan, Faranah, et d’autres localités de recevoir des soins dans leurs propres régions entre juillet et août 2023.
Épidémies et mesures prises
Après avoir réussi à contenir la COVID-19, la Guinée a été confrontée à une nouvelle épidémie de diphtérie et à la résurgence du virus de la poliomyélite au cours de l’année 2023. Après une année sans aucun cas en 2022, le 9 août 2023, la Guinée a signalé 11 cas de variants du poliovirus de type 2. Immédiatement, le ministère de la Santé et ses partenaires ont pris des mesures de riposte à l’épidémie en organisant des campagnes en trois phases. Le premier tour a été réalisé dans les préfectures touchées par l’épidémie en septembre 2023. Il s’agit des préfectures Kankan, Siguiri, Mandiana, Kouroussa et Dinguiraye.
Quant à l’épidémie de diphtérie, l’OMS a signalé, du 4 juillet au 13 octobre 2023, un total de 538 cas dans la région de Kankan. Parmi ceux-ci, 520 étaient des cas suspects et 18 étaient confirmés, entraînant 58 décès. De plus, 461 contacts ont été suivis. Parmi les cas signalés, 62% étaient de sexe féminin. La tranche d’âge la plus touchée était celle des 1 à 4 ans, représentant 82% des cas, suivie de la tranche d’âge des 5 à 9 ans avec 5%, et enfin, les 10 ans et plus avec 5%. Les enfants de moins de 12 mois représentaient 7% des cas signalés. Aucun des 538 cas n’avait été vacciné. Le 5 septembre 2023, le ministère de la Santé a notifié une flambée de diphtérie en Guinée, la préfecture de Siguiri étant la plus touchée avec 510 cas, soit 95% des 363 patients admis dans les centres de traitement de Siguiri. Sur ces 363 patients, 37, soit 10%, sont décédés.
D’autres préfectures ont également signalé des cas, notamment Mandiana (13 cas), Kankan (13 cas) et Kouroussa (deux cas). Sur les 15 patients admis au centre de traitement de Kankan, 12, soit 80%, sont décédés. En raison du manque de capacités dans les centres de traitement du pays, tant du point de vue des ressources humaines que matérielles, l’amoxicilline et l’azithromycine ont été administrées comme traitement de première intention aux cas suspects et confirmés.
Le ministère part en guerre contre la pharmacie informelle
Dans le cadre des réformes annoncées dans le système de santé guinéen, la lutte contre la manipulation illégale de médicaments et de produits pharmaceutiques par des non-professionnels de la santé, entamée en 2022, s’est poursuivie en 2023. En avril 2023, environ 125 kg de produits interdits ont été saisis dans une pharmacie illégale à Kountia par les agents des services spéciaux.
Suite à un communiqué du procureur spécial près de la CRIEF, une opération de ratissage contre la vente illégale de médicaments a été menée le 17 novembre 2023 au grand marché de Madina. Suite à cette descente musclée, près de 200 boutiques ont été fermées et plus de 30 personnes ont été interpellées, dont 10 inculpées et jugées par la chambre de jugement de la CRIEF. La même opération s’est poursuivie à l’intérieur du pays, où 13 personnes ont été arrêtées et jugées à Faranah. Au total, au cours de l’année 2023, plus d’une vingtaine de personnes ont été condamnées devant la CRIEF, soit pour exercice illégal de la profession de pharmacien, soit pour complicité. De plus, des quantités importantes de médicaments ont été saisies, dont la plupart ont déjà été incinérées.
Du limogeage à la promotion des cadres de la santé
Le ministère de la Santé est l’un des départements où le changement de leadership a été brusque et scandaleux. Alors que le ministre Mamadou Péthé Diallo se vantait d’un bilan « élogieux », il a été limogé et remplacé par le Dr Mamadou Djouhé Bah. Peu de temps après son limogeage, le ministère de la Justice a ordonné au procureur près la Cour d’appel de Conakry d’engager des poursuites judiciaires contre l’ancien ministre. On lui reproche d’avoir profité de sa fonction pour procéder, dans le cadre de l’exécution d’une convention entre l’État guinéen et la société ZMC signée en 2015, à des exonérations suscitant de graves soupçons de détournement de fonds publics et d’enrichissement illicite.
Selon Charles Wright, cette convention stipulait que ZMC devait fournir, à chaque paiement des factures, les documents comptables requis au ministère de la Santé, tels qu’une copie du bon de commande visée par la direction de la pharmacie et du laboratoire, ainsi qu’une facture certifiée par le ministère de la Santé. Malheureusement, ces documents n’ont jamais été joints à la demande d’exonération, et le bon de commande n’a jamais été validé, entraînant des accusations de corruption, de concussion, d’enrichissement illicite et de détournement de fonds publics. Des pratiques similaires ont été relevées dans la concession de l’hôpital Donka, EIFAGE, où aucun contrat n’a été soumis. Des faits de corruption ont également été signalés dans des documents comptables concernant l’acquisition de vaccins dans le cadre d’une campagne de vaccination.
C’est ainsi que Dr. Péthé Diallo, autrefois loué pour sa contribution à l’hôpital Donka, a été placé sous contrôle judiciaire après plusieurs jours d’interrogatoire à la direction centrale des investigations judiciaires. Simultanément, le Dr. Douhé Bah a été installé comme nouveau ministre de la Santé. Peu de temps après, le 12 décembre, la cheffe de cabinet Kaité Sall, perçue comme ayant joué un rôle clé dans la destitution de l’ancien ministre en raison de relations tendues avec lui, a été promue Secrétaire générale du ministère de la Santé.
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