Si la préfecture de Boffa est réputée pour son immense potentiel minier, notamment en bauxite, elle tend aujourd’hui à devenir l’une des localités les plus touchées par l’abandon scolaire en Guinée.
Dans les communes rurales de Tamita, Lisso, Colia et Lambanyi, où l’exploitation minière domine, le taux d’abandon scolaire a atteint un niveau alarmant. De nombreux jeunes préfèrent se tourner vers les activités minières plutôt que de poursuivre leur cursus scolaire. Pour eux, les revenus immédiats offerts par les compagnies minières sont bien plus attractifs que les opportunités incertaines qu’offre l’école après un long parcours. Plus grave encore, ce phénomène est encouragé par certains parents, qui devraient pourtant jouer un rôle de rempart contre cette déscolarisation massive.
A Douprou, une commune rurale située à environ 48 km de Boffa-centre, Guinéenews a rencontré Moussa Bangoura, un ancien élève qui a quitté l’école. Il explique les raisons de son abandon :
« Je n’avais pas d’autre choix. L’école est très loin de mon village, à environ 5 kilomètres de marche. Et même quand j’y vais, il arrive que nous passions une semaine sans cours, faute d’enseignants. Pendant ces jours sans école, nous en profitons pour exercer d’autres activités comme la pêche ou le travail dans les mines. Personnellement, l’arrivée des sociétés minières m’a permis de subvenir à mes besoins. Si j’avais attendu l’école, avec cette distance et le manque d’enseignants, je n’aurais rien appris qui puisse vraiment m’aider à gagner ma vie. »
A Lisso, une autre sous-préfecture située à 43 km de Boffa-ville, Mohamed Conté, ancien élève du collège de Lisso, revient sur les raisons de son abandon :
« J’ai vu mes amis partir régulièrement dans les mines et gagner de l’argent, soit en travaillant comme agents de sécurité, soit dans d’autres services. J’ai été attiré par cette opportunité, d’autant plus que je viens d’une famille aux ressources limitées. J’ai donc décidé d’arrêter les études en 10ᵉ année pour commencer à travailler à la mine. »
Pour mieux comprendre l’ampleur de ce fléau, nous avons recueilli le témoignage d’un enseignant du collège de Lisso, qui a préféré garder l’anonymat. Il dresse, ici, un constat accablant :
« Nous perdons chaque année de nombreux élèves. Les familles pensent que le travail minier est plus rentable que l’éducation. Cela a même entraîné la fermeture du collège. Certains croyaient que les villages voisins refusaient d’envoyer leurs enfants à Lisso, mais en réalité, ce sont les parents eux-mêmes qui les poussent vers les mines au détriment de leur éducation », a-t-il accusé.
Devant l’ampleur que ce phénomène prend de plus en plus, le Directeur préfectoral de l’éducation (DPE) de Boffa, Mangué Sylla, affirme, pour sa part, avoir sensibilisé, à chaque occasion, les parents et les élèves sur l’importance de l’éducation et les conséquences liées à son abandon.
« Le constat est alarmant. Malgré les campagnes de sensibilisation, certains parents poussent encore leurs enfants à tourner le dos à l’école au profit des activités minières. Depuis l’installation des sociétés minières à Boffa, nous observons avec une grande préoccupation un abandon progressif de l’école par de nombreux élèves, souvent sous l’influence de leurs parents, qui les orientent vers ces activités. Cette situation met en péril l’avenir de ces enfants et compromet les efforts de développement éducatif de notre préfecture.
L’éducation est la clé du progrès et du développement durable, et il est regrettable de voir ces jeunes privés de leur droit fondamental à l’instruction. Ce phénomène ne concerne pas uniquement les mines, mais aussi d’autres secteurs comme la pêche ou les motos-taxis, notamment dans les zones de Koba et Koukoudé. Nous exhortons les parents à prendre conscience des dangers de cette tendance et à encourager leurs enfants à poursuivre leurs études. Car, seule l’éducation leur offrira des opportunités durables et un avenir meilleur », a-t-il lancé.
L’abandon scolaire à Boffa est une réalité tragique qui doit impérativement interpeller les autorités politiques et éducatives nationales, ainsi que les parents d’élèves. Une action urgente est nécessaire pour prévenir une catastrophe sociale qui compromettrait l’avenir de toute une génération.