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2 Octobre 58-2 Octobre 2008 : la Guinée était trop jeune pour avoir 50 ans

En 1985, les militaires avaient un héritage lourd. Le Syli ressemblait à du papier. L’inflation était on ne sait à combien. Les petites pièces de 50 cauris, de 1 syli, de 2 et de 5 sylis étaient sans valeur et hors d’usage. En 1986, le nouveau franc apparut.

Dans l’austérité économique, le CMRN décréta la fin de la Mamaya, entendez par cela la fin des activités artistiques et culturelles. Lansana Conté déclara qu’il ne voulait plus entendre des chansons de louange envers sa personne, qu’il était temps de se remettre au travail. Le sport fut aussi délaissé et relégué au second plan.

La pléthore dans la Fonction Publique, qui avait mis le régime de Sékou Touré à genoux devait connaître un dégraissage imposé par le FMI et la Banque Mondiale. Le réajustement structurel de 1989 mettra des milliers de travailleurs à la touche : les déflatés. Beaucoup n’entreront pas en possession de la totalité de leurs indemnités de licenciement. Il fallait laisser beaucoup de plumes pour avoir une partie, la corruption était au beau fixe… Avec l’ouverture des frontières, il fallait revenir à un Etat normal, un référendum fut convoqué pour une nouvelle constitution, la Loi Fondamentale, qui autorisa le multipartisme intégral, à la place du bipartisme.

Les Trois mousquetaires,  qui sont quatre, ont accouru de l’extérieur à qui mieux-mieux, se voyant plus méritants les uns que les autres pour prendre le Pouvoir. Ainsi, Lansana Conté, qui occupait la Basse-Guinée, il n’y avait de place pour aucun autre. La Moyen Guinée fut divisée entre Siradiou Diallo et Bâ Mamadou ; la Haute-Guinée avait aussi deux prétendants au fauteuil : Alpha Condé et Mansour Kaba ; en Forêt, Jean-Marie Doré pensait tirer seul la ficelle. La Moyenne Guinée était la chasse gardée de Siradiou et Bâ Mamadou, qui se donnaient des coups de pince ; en Haute-Guinée, Lansana Conté avait pu faire des infiltrations par l’intermédiaire des ministres originaires de ce terroir, mais pas suffisamment. Les souvenirs de Juillet 1985 étaient encore vifs ; en Forêt, son entrisme avait gagné du terrain.

 Avant le départ autorisé pour les manifestations politiques, le RPG avait forcé un meeting interdit au stade de Coléah. On pouvait suivre toutes les communications des forces de l’ordre sur une fréquence de la bande FM. Dans leurs communications, les agents se marraient de la façon dont le rassemblement a été disloqué par les grenades lacrymogènes. Alpha Condé fut emporté par ses militants.

Les remous sociaux commencèrent à l’université Gamal Abdel Nasser. La répression fut brutale. Dans le quartier, on avait une petite tête brûlée du nom de ‘’Parisien’’. Pendant des mois, il fallait le faire sortir et le faire entrer dans sa chambre, suite aux coups de matraques…

Les revendications au niveau de l’éducation donnèrent naissance au Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de Guinée (SLECG) avec la bénédiction des opposants. Voilà le même SLECG sur la scène. Le boomerang !

Dans la lancée, la presse se pluralisait avec une certaine liberté. On dit une liberté limitée car, si Lansana Conté ne se frustrait de rien des critiques de la presse, il n’en n’était pas de même chez ses ministres, dont certains prenaient plaisir à régler des comptes avec certains journalistes et médias.

Les communales puis la présidentielle de 1993 furent une véritable pagaille pour créer des clivages ethniques partout. En Haute-Guinée. Des bulletins à l’effigie de Lansana Conté étaient éparpillés dans les villes comme à Siguiri, qui verra son vote annulé pour irrégularités pour plus de 200 mille voix. N’eussent été cet aveuglement et l’arrogance affichée lors de ce scrutin, Alpha aurait mis Lansana Conté en ballotage. En Forêt, Lansana Conté tint Jean-Marie  Doré en échec. En Basse-Guinée, il était inimaginable de le voir battu. La machine à bourrage des urnes était bien rôdée. Lansana fut élu dès le premier tour pour 5 ans. L’on a crié dans tous les états-majors à la triche puis l’on s’est tu.

 Malgré tout, cela n’apprendra pas à l’opposition de s’unir contre le système Conté, qui était en fait le système et les structures calquées sur le modèle de Sékou Touré. Le parti pour l’unité et le progrès (PUP)  ressemblait au parti démocratique de Guinée, le PDG de Sékou Touré, comme deux gouttes d’eau.

En 1996, un coup de force fut à un doigt de renverser Lansana Conté, en février. C’est sous les décombres fumants du Palais des Nations complètement détruit par un bombardement que Conté sortira et fut amené au camp Alpha Yaya. Par un retournement providentiel de l’histoire, il échappa à l’exécution.  Gbago Zoumanigui  prendra la tangente.

L’inflation était insaisissable par la gabegie. Sidya Touré fut appelé au gouvernement comme Premier ministre, mais cela fut sujet à toutes les critiques, le poste n’étant pas constitutionnel, l’on le justifia en ajoutant ‘’chargé des affaires économiques’’ pour faire passer la pilule. La gestion s’assainissait peu à peu, l’eau et l’électricité se régularisaient. Le recouvrement des dettes de l’Etat touchait même GUINOMAR, la société de Harouna Conté, le frère cadet de Lansana Conté, ne fut pas épargné.

Les populations saluèrent les actions salvatrices et salutaires : « l’eau de Sidya, le courant de Sidya, tout était de Sidya. Sa rigueur dans la gestion créa des mécontents, et vint l’élection de 1998 : ton pied, mon pied !».

Pendant cette élection, la rumeur dit qu’une cache d’armes avait été découverte chez Marcel Cross, voilà Alpha Condé qui prend la tangente. On se demandera toujours comment le ‘’marathonien’’ avait passé à travers tous les barrages de Guinée, le jour de l’élection, alors qu’il n’y avait pas de circulation. L’avait-on piégé jusqu’à Piné? La question reste posée.

 A la barre, il lui était reproché d’avoir un téléphone satellite pour communiquer avec les troupes d’invasion en sa possession. On a parlé d’une quantité de devises et un tas d’autres chefs d’accusations qui suffisaient à le faire coffrer pour longtemps. Le scénario monté lors de son procès et raconté par le gendarme qui l’aurait arrêté était si invraisemblable que le public rit aux éclats, le montage paraissait grossier. Mais les jeux étaient faits, Alpha était tombé dans la souricière de Lansana, ça va lui en cuire. Malgré les interventions de toutes parts, Alpha va rester à la Maison Centrale de Coronthie pendant près de deux ans, avec pour iman, M’bemba Bangoura…

L’arrivée à Conakry des intercesseurs comme Dominique de Villepin, Alpha Oumar Konaré, Abdou Diouf, au compte de la Francophonie, de Olusegun Obasanjo du Nigéria… Rien n’y avait fait. Alpha Conté à la Sûreté de Conakry, le Pouvoir de Conté était tranquille.

En guise de protestation, Alpha fera grève de la faim, bluff ou détermination, allons le lui demander, en tout cas, cela avait ramolli la position de Lansana Conté. En plus du tintamarre que la presse guinéenne faisait à ce sujet. Une rumeur racontait que Alpha  Condé était tombé malade pendant sa grève de la faim, la nouvelle rapportée à Lansana Conté, lui disant que si le prisonnier mourrait dans la prison,  ce serait grave pour sa renommée, le souvenir du Camp Boiro était encore dans les mémoires. Conté aurait banalisé la chose : « Donnez-lui un poulet et quelques Skol…»

 Quelques deux ans après son incarcération, en 2001, Alpha Condé fut libéré après que la proposition de modifier la constitution pour permettre à Conté de se présenter pour une troisième fois. Le troisième mandat passera de 5 à 7 ans.

Dans la période, la Guinée fut attaquée par des incursions rebelles à Guéckédou, venant du Libéria. L’invasion  fut contenue mais elle laissera un pays en ruine économique. Comme si cela ne suffisait pas, la poudrière du camp Alpha Yaya prit feu.

 «L’opposition la plus bête du monde » n’arrivait toujours pas à s’entendre pour un candidat unique, de la CODEM, coordination démocratique au FRAD, front républicain pour l’alternance démocratique, elle tournait en rond et faisait le jeu de Conté.

En 2002 la santé du général dégringolait de jour en jour.  La rumeur lui donnera pour mort, en Suisse. Ses images montrées à la TV nationale ne suffisaient pas à faire taire les suspicions. Ce n’est que quand il revint à Sèkhoutouréyah pour inviter quelqu’un se battre avec lui au terrain que l’on se ravisa. Pendant son coma diabétique, la Banque Centrale fut vidée. Le dollar qui était à 1600 francs allait crescendo jusqu’à 2500 fg et plus. Le kilogramme de viande qui était à 2500 atteignait 3500. Chez Super Bobo, il se vendait à 5000fg , mais Super Bobo se défend que son kilo n’a pas de « gnimi-gnama ».

En 2003, le général était si malade que c’est l’urne qui se déplaça vers lui pour recevoir son bulletin, alors que son bulletin de santé délivré pas des médecins avait attesté qu’il était bien portant. L’élection fut boycottée par toute l’opposition. A peine réélu pour la troisième fois, la fois de trop, la santé dégringolait irrémédiablement. Les médecins lui donnaient moins de 6 mois à vivre, mais Lansana refuse de partir, il restera jusqu’en décembre 2008.

Pour faire face aux attaques rebelles, Mamadou Sylla spéculait fort sur les prix des véhicules et engins de guerre. C’est Chantal Cole qui découvrit les surfacturations de Mamadou Sylla et mis les fraudes sur la place publique. Fodé Soumah, lui, était accusé d’avoir pillé la banque pour payer les dettes que Lansana Conté restait devoir à Mamadou Sylla. Il y avait une forte odeur de détournement et de « délit d’initié ». Les deux seront envoyés en prison, Lanana Conté ira les sortir de là : « la loi, c’est moi ! »

La cherté du marché mise par-dessus cette outrance obligeait les syndicats à se lever. On accusera Rabiatou Sérah Diallo, la secrétaire général de la confédération des travailleurs de Guinée qui avait remplacé Samba Kébé, de vouloir brûler le pays. Elle tint bon grâce p la détermination inébranlable de Dr Ibrahima Fofana, de l’USTG (l’Union syndicale des travailleurs de Guinée,  qui ne reculait devant rien.

 La marée humaine qui se dirigeait vers la ville à la recherche de Lansana Conté le 7 janvier 2007 fut stoppée nette devant le pont du 8 Novembre. Des rafales furent tirées dans le tas compact de la foule. Le nombre de morts reste inconnu, mais obligea Lansana Conté d’écouter les syndicats et la Société civile, qui demandèrent un Premier ministre pour gérer les affaires. Sur la liste de trois personnes désignées, Conté n’en fit qu’à sa tête et nomma Eugène Camara, un ministre effacé de son gouvernement. «C’est une provocation, s’exclama Ibrahima Fofana au micro de RFI. Le lendemain 30 sur 33 préfectures de Guinée furent saccagées et incendiés par les manifestants. Des résidences des préfets, des prisons, des commissariats, rien ne fut épargné. Jusqu’à nos jours certaines de ces ruines ne sont pas reconstruites.

C’est presque le pistolet sur les tempes que Lansana Conté choisira Lansana Kouyaté comme Premier ministre. Jean-Marie Doré criera au respect de la constitution, mais que valait la constitution devant la volonté populaire ? Le choix de Kouyaté fut entériné et il tombait sur l’année du cinquantenaire. Fallait-il ou ne fallait-il pas fêter ? Le président était malade et grabataire, les caisses étaient vides.

C’est dans une austérité économique et pour ne pas perdre la face que le cinquantenaire de l’indépendance guinéenne fut célébré à la Place des Martyrs. Il manquait une chaise en plastique pour Abdoulaye Wade. C’est Amadou Toumany Touré ‘’ATT’’, le président du Mali qui lui céda la sienne et alla se cacher derrière tous les invités.

Cinquante ans après l’indépendance, il manquait une chaise pour un président invité à la célébration. La Guinée n’a connu ni l’âge d’innocence ni l’âge de justice ni l’âge d’abondance ni l’âge de bonheur ni d’âge d’or. Pourtant un pays de cocagne…

Elle était encore trop jeune pour avoir 50 ans. Qu’en sera-t-il lorsqu’elle aura 60 ans ?

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