Le gouverneur snobe l’un de ses préfets. Le « Gouverneur Alpha Condé », comme l’appelait le président nigérien Mahamoudou Issoufou, ne verra sans doute pas ce dernier parmi ses hôtes le 15 décembre 2020, le jour de son investiture. Et pour cause, aucune invitation ne lui aurait été adressée.
Selon une source proche des deux chefs d’Etat, le président Alpha Condé a voulu être prudent, parce que, a priori, Issoufou dont la position de principe sur la question du « troisième mandat » ne souffre d’aucune ambiguïté, paraîtrait quelque peu incohérent en venant assister à la cérémonie de prestation de serment de son « ami » à Conakry.
Mais pas que. Un tel raisonnement ne tenant assurément pas la route quand il s’agit de l’autre troisième mandat. Puisque le même Issoufou sera bel et bien à Abidjan pour l’investiture de Ouattara le 14 octobre 2020.
Il est vrai que sur le sujet, le président nigérien ne loge pas ses deux homologues à la même enseigne. L’entreprise de révision constitutionnelle qui a permis à Alpha Condé de briguer un troisième mandat a été, dès le départ, vivement combattue par le Nigérien.
Non seulement il s’est refusé à lui accorder le moindre soutien, mieux, il a orchestré une campagne pour contrer Alpha Condé.
Sa supposée amitié de longue date avec le Guinéen n’y a rien fait. Il a poussé le bouchon jusqu’à ouvrir les portes de son palais de Niamey au premier des opposants de Condé, Cellou Dalein DIALLO. Pour Conakry, c’était le signe que la ligne rouge est franchie.
De toutes les façons, ses nombreuses déclarations contre le projet de Condé étaient déjà perçues à Sékhoutouréya comme un acte déloyal, pire comme une trahison, conclut un ami commun des deux chefs d’Etat.
« L’ennemi de mon ennemi… »
Alpha Condé ne lâche jamais un combat engagé et se donne en général les moyens de le gagner. Lui-même s’en glorifie souvent lors de ses sorties télévisées.
Comme pour lui rendre la pièce de sa monnaie, une invitation en bonne et due forme a été adressée à l’opposant le plus farouche d’Issoufou, Hama Amadou. Joint au téléphone, celui-ci a confirmé sa présence à Conakry dans la soirée du Lundi 14 décembre 2020.
Un pied de nez à son ancien camarade de la FEANF, avec lequel il ne partage plus apparemment les mêmes notions sur la démocratie.
Officiellement, la candidature de Hama Amadou a été rejetée à cause de ses déboires judiciaires dans l’affaire dite des « bébés volés »
En 2015, Hama Amadou était arrivé au second tour de la présidentielle dans des circonstances pour le moins inhabituelles. C’est du fond de sa prison qu’il a fait campagne !
C’était quand une vieille idylle liait les deux hommes, avant de faire place au désamour, puis à une rivalité qui frise la haine. Pourtant le président Issoufou fut le parrain du baptême de l’enfant de Hama Amadou.
En revenant aux relations Alpha Condé – Issoufou, il est évident que le premier en veut au second, et savoure sa victoire avec d’autant plus de joie qu’elle affecte son « ami » qui voit ainsi ses sombres pronostics déjoués. Ce dernier était convaincu que le projet d’Alpha Condé allait faire sombrer la Guinée dans une crise majeure qui allait l’emporter avec son régime.
Ironie du sort, Alpha Condé sera investi le 15 décembre 2020 au grand dam de Issoufou, et en présence de son ancien ami et actuel adversaire Hama Amadou. Ce n’est pas tout : durant ce mois de décembre qui verra le président sortant du Niger quitter définitivement le palais présidentiel de Niamey, pour la rénovation duquel on aurait engagé 14 milliards de FCFA !