Dans une correspondance adressée au ministère du Budget, la direction de la société huilerie de Guinée demande l’arbitrage des autorités face à une nouvelle décision de la filiale de la société turque Albayrak. Alport, puisque c’est d’elle il s’agit, a récemment émis une nouvelle facturation pour ce qui est de la manutention. En vue de s’adapter à la nouvelle donne au port commercial, en pleine mutation. Une réalité que semble ignorer cette unité industrielle, à en croire le contenu du document dont Guineenews s’est procuré copie.
« Nous sollicitons, auprès de votre haute autorité, que vous permettiez à ALPORT CONAKRY de facturer ses prestations de manutention du riz par navire entier, sans décompter la TVA, afin de faire baisser, par là même, de 150 000 GNF à 125 000 GNF- ce coût de revient à la tonne métrique de la manutention du riz, fortement impacté par cette hausse considérable des prestations, et ainsi avoir un effet moins important sur le prix de vente du riz sur le marché ».
« Dans le souci de maintenir sur le marché local, le prix du riz importé par navire entier à un prix abordable et eu égard à la volonté de ALPORT CONAKRY de s’octroyer l’exclusivité de la manutention Bord/Terre, de tous les navires qui accostent au port de Conakry’’, précise ledit document dès son entame.
Dans la lettre, la société tuilerie de Guinée n’a pas manqué de relever « le refus de ALPORT CONAKRY de s’aligner sur une prestation d’un coût de l’ordre de GNF 100 000, la tonne métrique, TVA incluse, comme avec les autres prestataires. »
Sans oublier que « le prix de vente du riz au consommateur n’est pas assujetti à l’application de la TVA ».
Et d’insister : « … par le passé, avec les autres prestataires, les frais de manutention s’élevaient à un montant de l’ordre de GNF 100 000 la tonne métrique, TVA incluse.
Nos sources au port autonome de Conakry qui confirment l’information ne cachent pas l’agacement des autorités qui se sentiraient contournées par ALPORT CONAKRY qu’il accuse de traiter directement avec la Présidence. Requérant l’anonymat, notre interlocuteur confie que le dossier se trouverait sur la table du tout nouveau ministre des Transports. Mais pour le moment, ce dernier serait en instance de voyage pour Moscou où il servait précédemment comme Ambassadeur de la Guinée.
Mais en tentant d’en savoir plus à partir du ministère des Transports, cette première version n’a pas été accréditée. Notre source qui requiert aussi l’anonymat a même évoqué un éventuel conflit d’intérêt entre le port autonome où certains ne digèrent toujours pas l’arrivée des Turcs. Des soupçons qui semblent se confirmer avec les réalités du terrain. En tout cas, à en croire à la version de la société ALPORT et eu égard à ce qui nous a été donné de constater, tout porte à croire qu’il en est tout autre pour les turcs… D’abord, la direction d’Alport dément l’information selon laquelle elle aurait contourné le port Autonome en prenant la décision sur les nouveaux tarifs de la manutention de la tonne de riz. Au contraire, selon, la direction de ALPORT : « son interlocuteur direct est plutôt la direction de la marine marchande.»
La filiale d’Alpbyarak aurait écrit au port autonome de Conakry qui n’aurait pas répondu à la correspondance à lui adressée à ce sujet. Et que c’est plusieurs semaines après ce document sans réponse que les nouveaux tarifs entrent en vigueur. Mais avant, « le 19 janvier dernier une rencontre d’information et d’échange a été organisé avec les autorités et les opérateurs économiques concernés. Et nous avons été félicités pour la nouvelle performance qui fait que nous offrons ce nouveau service qui vous a été présenté comme un simple changement de tarif », explique le Directeur Général de Alport Conakry, Mustafa Levent ADALI. Et de préciser : « ce réajustement intervient parce que la capacité du port a augmenté et que le travail qui se faisait avant en un mois s’effectue présentement en 15 jours. Ce qui implique plus de travailleurs et la qualité à l’avantage des usagers ». Puis le tour à son collègue du Service marketing d’ajouter : « il s’agit plutôt d’un nouveau service. »
Une innovation que confirme M. ADALI en ces termes : « avec Albayrak, les opérateurs économiques gagnent non seulement avec la nouvelle cadence de travail 24 heures sur 24 au niveau de la manutention dont l’autre avantage est le temps d’attente en mer nettement réduit. A notre arrivée, les bateaux passaient 5 jours en rad au frais des opérateurs économiques qui payaient à l’armateur 50 000 dollars US les cinq jours d’attente. Un coût qui était indirectement payé par le consommateur sur le marché… »
Une amélioration qui a un coût, selon le Directeur Général. « Dès son arrivée, ALBAYRAK a investi 200 millions de dollars US pour remettre le port en marche… A l’époque, le port autonome de Conakry fonctionnait seulement 12 heures sur 24. Ce qui fait qu’un navire de 40 000 tonnes passait 30 jours à Conakry alors qu’aujourd’hui, le temps mis pour le même bateau est de 15 jours. Donc les opérateurs gagnent ces 15 jours-là et ne perdent plus 5 jours en rad. Donc, ils récupèrent 20 jours sur 35 en économisant 200 000 dollars US. »
L’ambition et les preuves d’ALPORT Conakry en Guinée
Au-delà des termes de son contrat avec les autorités guinéennes, Alport Conakry a un autre engagement à honorer. C’est celui du président Turc, Reccep Erdogan auprès de son homologue guinéen Alpha Condé. C’est pourquoi après la remise en service du port qu’il a trouvé très vétuste, avec seulement 12 heures de travail sur 24 avec les conséquences économiques pour les hommes d’affaires, ALPORT s’est engagé dans un vaste chantier. Objectif, l’augmentation de la capacité et celle de l’étendue du port commercial. Ainsi, à terme, selon le directeur général d’AlBayrak, « le quai verra son étendue actuelle multipliée par 4 et passera à plus de 15 000 m, tandis que sa capacité augmentera 2,5 fois », soutient M. ADALI qui informe à l’aide d’une maquette qu’«avec les travaux en cours, Albayrak va permettre au port de Conakry d’accueillir des navires de 60 000 tonnes, permettant ainsi aux opérateurs économiques d’affréter en cas de besoin, un seul gros bateau au lieu de deux…. Un travail qui va se faire en trois étapes à savoir : 435 m pour un départ, 600 m ensuite et 500 m après. »
Et dans cette bonne perspective, sur le terrain, selon nos constats, ALPORT Conakry a ouvert de vastes chantiers. Et déjà, pour l’extension du quai, les travaux sont entamés pour la première étape (les 435 m). Une sorte de fondation en cours, avec déjà 500 gros tuyaux arrivés sur 3000 commandés dans le cadre du projet. « Des tuyaux dont on pouvait se passer, mais qu’on met pour encore plus de garantie », commente Ecevit ERCAN, le directeur du protocole et de l’information.
En plus, il y a la route pénétrante avec un système d’éclairage jusqu’à l’intérieur du port. Mais à son état actuel (piste non bitumée), elle atténue beaucoup les embouteillages pour les nombreux usagers qui arrivent tous les jours à Kaloum, centre administratif et des affaires. Sans oublier le parking en construction où stationnent actuellement 650 camions dont le nombre à la fin des travaux sera multiplié plus de trois fois pour se compléter à 208 camions qui entrent au port, en évitant largement le passage des autres usagers via la corniche notamment nord.
Mais en attendant, ‘’Albayak qui dépense sans tenir compte de son retour sur l’investissement’’, continue d’améliorer la situation et les équipements récupérés dans des conditions déplorables au port de Conakry.
Selon notre interlocuteur, entre autres, «800 000 dollars US ont été déboursés pour rénover les installations trouvées en état de dégradation très poussée ». Pendant ce temps, Alport Conakry annonce « l’arrivée mercredi prochain d’un bateau de 6 millions de dollars US pour le dragage du quai. Sans oublier « deux grues de 10 millions de dollars US et un nouveau remorqueur de 6 millions de dollars » qui sont en attendus. « Et ce travail qui est fait, permettra de diminuer le prix des denrées sur le marché en principe parce que les charges des opérateurs économiques vont baisser », déduit-t-il.
Et avec tous ces efforts, « il n’y aucun licenciement », déclare Mustafa Levent ADALI, visiblement satisfait du travail accompli et surtout, à l’idée que son pays aide la Guinée à se doter d’un port moderne qui, pendant 70 ans servira le pays et des voisins comme le Mali dont seulement le besoin de 400 mille tonne est couvert sur un potentiel de 7 millions de tonnes.