La décision de l’Administration Trump de suspendre temporairement le financement de l’USAID suscite diverses réactions en Guinée. Si certains acteurs minimisent l’impact immédiat, d’autres expriment de vives inquiétudes quant aux conséquences à moyen et long termes sur les secteurs bénéficiaires.
Joint au téléphone par Guineenews, Dr Oumar Totia Barry, universitaire et acteur de la société civile, analyse cette mesure sous plusieurs angles. Pour lui, « cette décision de l’Administration Trump s’inscrit dans un changement d’idéologie par rapport à l’Administration précédente. Les démocrates sont généralement plus tournés vers des questions de droits humains et s’investissent fortement dans l’aide publique au développement international, dont l’USAID est le principal instrument. À l’inverse, le Parti républicain privilégie les priorités internes des États-Unis. »
Dr Barry ajoute que cette mesure répond également à des impératifs économiques. « Les États-Unis comme d’autres grandes puissances, traversent des difficultés liées aux pandémies, aux enjeux climatiques et migratoires, sans oublier la guerre commerciale avec la Chine », rappelle-t-il avant de préciser : « l’USAID représente environ 64 milliards de dollars annuels d’aide au développement. Une manne que souhaite reverser dans le circuit afin de financer d’autres secteurs socioéconomiques pouvant impacter positivement la vie de millions d’Américains.
Mais au-delà des raisons économiques, Dr Barry met en lumière une dimension stratégique et politique. Selon lui, « c’est un moyen de pression que Trump utilise face à ses adversaires, tout en cherchant à asseoir son influence.
« En tout cas, l’aide publique au développement reste un levier essentiel pour les États-Unis. En suspendant ces financements, il envoie un message fort aux pays bénéficiaires, dont la Guinée », insiste-t-il.
Cependant, l’universitaire estime que cette décision pourrait être temporaire et évolutive. « Trump est un fin stratège. Il commence souvent par envoyer un signal fort avant de renégocier. Il ne veut pas se mettre le monde entier à dos. L’USAID pourrait être rétablie, peut-être avec un budget réduit », prédit-il.
Une vision partagée par les gouvernants ?
Interrogé sur le sujet, le ministre Porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, reconnaît l’importance de cette décision, mais relativise ses conséquences.
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« C’est une mesure que tout le monde déplore, tout comme leur retrait de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais cela montre aussi que l’Amérique se tourne vers elle-même, mettant en avant les préoccupations internes des Américains », précise-t-il.
Poursuivant, le Porte-parole du gouvernement rappelle à chaque pays ou dirigeant à ses responsabilités régaliennes vis-à-vis : « c’est un rappel que nous devons nous responsabiliser et nous organiser pour que les Guinéens comptent d’abord sur eux-mêmes. »
Concernant les actions du gouvernement, il déclare : « nous allons évaluer l’impact de cette décision sur notre fonctionnement et nos partenariats. Des mesures palliatives seront mises en place pour limiter ses effets sur notre développement et nos populations. »
Toutefois, le ministre Gaoual se montre confiant quant à la poursuite de la coopération économique avec les États-Unis, notamment dans le secteur minier. « Le gouvernement américain est pleinement engagé dans le projet Simandou, avec des entreprises américaines comme Wabtec, qui fournira les locomotives. L’implication financière des États-Unis dans ce projet dépasse largement l’aide de l’USAID. »
Un manque à gagner pour les organisations de la société civile
En attendant des ajustements possibles de la politique américaine, les organisations de la société civile guinéenne devront faire face à une réduction des financements. L’USAID a longtemps joué un rôle clé dans le développement du pays, notamment dans les secteurs de la santé. « C’est un manque à gagner considérable », souligne Dr Barry, reconnaissant que Trump est allé plus loin qu’on ne l’imaginait dans sa politique ‘’America First ». Ce qui, bien sûr, n’est pas sans conséquence, d’autant plus que, affirme-t-il, l’USAID a eu un impact majeur en Guinée et ailleurs avant le coup d’arrêt décidé par l’Administration Trump. »
Une enquête démographique épargnée
Seule bonne nouvelle, l’enquête démographique de la santé, lancée officiellement le 7 novembre 2024 à Conakry, ne sera pas affectée. Selon un cadre de l’Administration guinéenne, ayant requis le sceau de l’anonymat, « la décision de Trump n’a pas d’impact sur l’enquête démographique de la santé en cours. L’enquête continue conformément au chronogramme établi. D’ailleurs, la partie prise en charge par l’USAID est déjà bouclée. Ce qui reste à faire est financé par un autre partenaire. »
Un véritable ouf de soulagement pour de nombreux acteurs de l’Administration guinéenne voire pour l’opinion publique.
