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Submersion, érosion, inondation : le drame des habitants de l’île Kabak

« Nous sommes inquiets de voir notre île disparaitre un jour »

Vu du ciel, des vastes plaines agricoles à perte de vue faisant face à l’océan. Nous sommes sur  l’île de Kabak, l’un des greniers de la Guinée ! Cette zone agricole importante du pays est menacée depuis des années par la submersion, l’érosion et l’inondation. Des fortes pluies, des vagues  violentes et fréquentes de la mer, menacent les habitants de cette île située au large de Conakry. Plusieurs plantations sont englouties sous les regards impuissants des paysans. Les populations locales, face à ce désastre, luttent chaque jour pour la survie de cette île, ce patrimoine fragile. Elles vivent dans la peur de voir leur village disparaitre en raison de la submersion et de l’érosion côtière rapide qui gagne du terrain jour après jour. Et il y a de quoi. L’écosystème situé sur le long de la côte maritime guinéenne subit  depuis quelques temps, une pression anthropique causant la disparition des zones agricoles…

« Ici, c’était ma plantation du riz. C’était un bas-fond qui pouvait nous donner, ma famille et moi plus de trois tonnes de riz à chaque récolte. Aujourd’hui, tout est parti sous l’eau. ! De l’autre côté, on cultivait le manioc et les aubergines avec le piment. Mais voyez-vous ! La mer a englouti les lieux. Chaque année, nous perdons des espaces, surtout en cette période d’hivernage », nous raconte Abou Sylla, un cultivateur interrogé sur les lieux, lors de notre enquête. Il continue. «…Même l’endroit où nous sommes, il y avait une maison. Une famille y vivait, mais elle a été submergée une nuit pluvieuse. La mer a tout emporté cette nuit-là…Chaque année on assiste impuissant à des désastres causés par l’avancée de la mer.  Nous sommes victimes de l’érosion ou de l’inondation chaque année. Nous perdons des morceaux de terre. On ne sait que faire », s’interroge le paysan.

Cultivateurs, planteurs de produits de rentes, pêcheurs et éleveurs sont tous victimes de cette avancée rapide de la mer. « Mon bétail a été décimé une nuit par l’inondation. L’eau a emporté mes bêtes y compris la clôture. Depuis, je ne sais que faire. Je suis complètement à terre. Les dégâts causés par ces catastrophes souvent naturelles ou provoqués par l’homme, risque de faire disparaitre notre zone. Et si par malheur un tel cas arrive, où allons-nous ? Sur quels sites allons-nous installer et comment reprendre la vie ? La situation nous préoccupe. Ici c’est toute notre vie», cette vie qui semble menacée par des vagues de la mer préoccupe vraiment El hadj Moussa K Soumah et son épouse Kanké Bangoura dont les jardins potagers ont disparu depuis des années. « Je cultivais des produits vivriers de l’autre côté. Ça me rapportait un peu d’argent pour soutenir mon homme pendant les périodes difficiles. Mais depuis une dizaine d’années, avec l’avancée de la mer, tout est englouti. Je n’ai plus d’espace pour les maraîchères »

C’est tout Kaback qui se plaint aujourd’hui de l’avancée de la mer qui selon le constat a emporté des pans importants de cette île nourricière au large de Conakry. Pis, le phénomène inquiète sérieusement les autochtones qui voient disparaitre sous leurs yeux, leurs terres agricoles

Les habitants de Kaback s’inquiètent de voir leur île disparaitre

Aujourd’hui résignées, les populations de l’île Kabak trouvent eux-mêmes des solutions. « Nous faisons usage des sacs de sable pour contenir le flux d’eau. Tous ces bâtiments et champs de riz que voyez ici sont protégés par ces barrages de fortune faits de sacs de sable. Ils résistent tous grâce ces sacs de sable. Mais pour combien de temps ? Nous sommes inquiets de voir notre île disparaitre un jour», s’inquiète l’un des doyens de l’île, El hadj Fodé Sylla qui accuse l’extension de la ville de Conakry.

Lui et tous les autres habitants de la zone pointent leur doigt accusateur sur« l’occupation anarchique de la façade maritime à Conakry » qui, selon eux, les nouvelles constructions en bordures de mer dans la capitale provoquent la pression de la mer sur l’île. « Nous avons été voir les autorités du ministère de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire à Conakry. Ils nous ont promis mettre fin à l’occupation anarchique des bordures de mer. Mais jusqu’ici rien. Nos autorités locales aussi ont mis ce problème dans leurs rapports chaque fois que le besoin se manifeste. Ils ont pris ce dossier à bras le corps », nous apprend, le vieux Fodé S, un cadre originaire de l’île. « Nous demandons que les autorités se penchent sur ce phénomène de submersion qui engloutit chaque jour notre village et nos zones de production agricole»

Il y deux ans, disent les villageois, l’eau avait englouti une grande partie de l’île en apportant tout sur son passage laissant la population dans le dénuement et la pauvreté. « La mer avait tout emporté avec elle ce jour-là». Des habitants assis résignés avec l’inquiétude sur les visages ont les yeux tournés vers le Palais des Nations.

Au Ministère de l’Habitat et de l’Aménagement, où nous sommes passés, on nous apprend que ce phénomène de submersion ou d’érosion ne date pas d’aujourd’hui. Seulement le gouvernement actuel aurait tout de même pris des dispositions pour freiner l’occupation des bordures de mer.

Selon les habitants d’île, l’implantation de façon progressive des immeubles et autres habitations des particuliers dans les espaces littoraux, ont augmenté la fragilité de ces domaines côtiers. A Conakry, la plupart des immeubles et autres logements chics se situent au niveau de la ligne de rivage. Voilà qui expose les populations installées dans les espaces côtiers à divers risques naturels : submersion, érosion, inondation. Cette dégradation, des ressources naturelles et la perturbation des écosystèmes côtiers serait donc due aux activités humaines. Selon les experts, l’espace littoral, situé à l’interface terre-mer est un environnement côtier dont la détérioration provient de plusieurs interactions entre la mer, l’atmosphère, la terre et la population. L’accélération de l’élévation du niveau de la mer et la modification des processus physiques et biogéochimiques des environnements côtiers c’est-à-dire l’augmentation des températures de surface, la perturbation de la circulation océanique, l’élévation du taux de salinité, sont entre autres les facteurs responsables de la dégradation des écosystèmes côtiers

Ceci accompagné bien sûr du changement climatique planétaire qui engendre d’autres perturbations comme le déplacement des masses et le dérèglement des saisons, qui accroit le nombre d’événements climatiques extrêmes tels que les tempêtes, les sécheresses et les pluies diluviennes plus violents et plus fréquents. Les tempêtes constituent avec l’élévation du niveau de la mer, le principal risque de submersion et d’érosion des littoraux.

A Conakry, l’augmentation du taux d’urbanisation le long du littoral a engendré une modification de la dynamique naturelle. Les constructions des immeubles sur les plages ont engendré la disparition de 50 % des zones cultivables dans l’île. A cela s’ajoute la construction des derniers d’ouvrages, telles les installations portuaires et les barrages.

Louis Célestin

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