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Six ans après le PPTE – Le FMI « inquiet » de l’endettement de la Guinée

Une mission du FMI (fonds monétaire international) est attendue en Guinée pour effectuer une évaluation de la gestion des investissements publics entrepris par le gouvernement ces dernières années et fortement médiatisés à une population sceptique et frustrée face à la dégradation des routes, et l’absence d’électricité continue malgré les promesses faites.

Tel est le contenu d’un communiqué du Département des affaires fiscales du Fonds monétaire international dont Guinéenews a eu copie.

Le président Alpha Condé a fait de son cheval de bataille la réduction du déficit énergétique de la Guinée et les barrages de Kaléta et Souapiti sont là comme preuves concrètes de cet engagement. Une mobilisation de recettes de l’ordre de plusieurs milliards de dollars de promesses de prêts a été obtenue à travers le Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020 de la Guinée. Un accord – cadre de 20 miliards a été annoncé avec les Chinois sans que les détails n’aient été rendus publics.

Le gouvernement a privilégié les partenariats public-privé (PPP) qui sont un mécanisme utilisé pour financer les grands projets à mettre en œuvre. Face au manque de capacité d’absorbtion, les autorités guinéennes ont sollicité l’assistance technique du Fonds monétaire international (FMI) afin de « préparer une évaluation approfondie du système de gestion des investissements publics (SGIP), en complément de l’évaluation des dépenses publiques et de la responsabilité financière (DPRF) menée en mars 2018« , selon le communiqué de l’institution qui précise que « les objectifs de la présente mission sont d’évaluer la Gestion des Investissements Publics en Guinée à l’aide de la méthodologie d’évaluation de la gestion des investissements publics (GIP) telle que révisée par le FMI en avril 2018. Ce rapport présente les tendances des investissements publics et le déficit d’efficacité de l’investissement public, détaille les résultats de l’évaluation, et offre des recommandations pour améliorer le Programme de Gestion des Infrastructures en Guinée. »

Faible capacité d’absorption.

Interrogé sur la signification de cette mission, un expert familier avec le fonctionnement du FMI explique que cette opération n’est qu’une « routine administrative » et il est significatif que ce soit le gouvernement qui ait appelé au secours.

Selon cet expert, le fond du problème est la « faible capacité d’absorption » des fonds mis à la disposition de la Guinée. La cause est connue : une administration politisée où les compétences sont mises de côté au profit de l’engagement « politique » des fonctionnaires alors que par définition, une administration est censée être technocrate. Résultat, malgré leur bonne volonté, les bailleurs de fonds ont de la peine à trouver des interlocuteurs techniques côté  gouvernement et le taux de déboursement est très faible. »

L’autre problème est « la répartition des contrats d’exécution des projets. L’interférence politico-ethnique dans la passation des marchés publics – souvent de gré à gré en violation de la Loi – est on ne peut plus présenter ce qui va à contre-courant de la bonne gouvernenance pronée par le gouvernement. Dans les TP (travaux publics) et les mines, ce sont les mêmes entreprises – connectées – qui rafflent tous les contrats ou du moins c’est l’impression qui apparait« , disent les critiques.

Lors de la dernière mission en août 2018, le FMI s’est trouvé confronté avec des dizaines de contrats gré-à-gré de plusieurs centaines de milliards de francs guinéens qui n’avaient fait l’objet d’aucune évaluation risque. Les lignes budgétaires n’étaient pas respectées, et aucune méthode efficace de contrôle des déboursements n’a été implémentée avaient constaté les experts dans leur rapport au FMI. « Les projets sont de mauvaise qualité et sont sous estimés ou sur estimatés sur les coûts, avec de longue périodes de mise en œuvre » avaient écrit les experts du FMI. L’audit avait trouvé que 62% des 41.134 milliards de francs guinéens de contrats ont été faits de gré-à-gré sans appel d’offre.

« Les employés professionnels des Bureaux de Développement Stratégiques (BDS) sont souvent inadaptés à leurs tâches. En général, bon nombre de BDS qui ont été créés récemment, sont des professionnels nommés qui sont insuffisamment formés pour les tâches suivantes : la planification, la direction des études ainsi que les projets d’évaluation et de programmation, qui sont au cœur de leur réalisation » conclut le rapport du FMI sur le personnel technique.

Retour de l’endettement chronique ! Vers un autre PPTE ?

C’est en septembre 2012 que la Guinée avait atteint le point d’achèvement dans le cadre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et a été jugée éligible à l’annulation de sa dette multilatérale de 2,1 milliards de dollars contractées par les gouvernements précédents et que la Guinée ne pouvait plus rembourser. Le gouvernement guinéen s’engageait en échange d’utiliser ce « cadeau » pour lutter contre la pauvrété endémique.

Sept ans après les emprunts et les dépenses incontrôlées faits notamment pendant les campagnes électorales ont dramatiquement fait augmenter la dette publique tant intérieure qu’extérieure ; la dette « chinoise » à elle seule dépassant le montant « pardonné » par les bailleurs de fonds.

« Tout cet investissement public a néanmoins contribué à accroître la dette publique de la Guinée », écrivent les experts. Avec des revenus insuffisants et la diminution progressive de l’aide publique au développement (APD), une partie de l’investissement public a été financée par l’endettement public.

Alors qu’en 2005, l’encours de la dette publique s’élève à environ 60% du PIB (produit intérieur brut) mais elle a été réduite à 43% du PIB lorsque la Guinée a atteint le point d’achèvement dans le groupe des pays pauvres très endettés (PPTE) en 2012 ; la dette publique a recommencé à augmenter, en partie à cause de la reprise de l’investissement et représentait plus de 50% du PIB à la fin de 2015. Ce chiffre a augmenté et risque de l’être encore plus à cause des prochaines échéances qui pousseront le gouvernement à faire des « dépenses électorales incontrôlées », estiment les observateurs.

Légalement, la Guinée va bientôt  atteindre sa limite d’endettement ce qui pose problème. En effet, l’accord avec le FMI en décembre 2017, limite les emprunts non concessionaires du gouvernement à 1,85 milliard USD, dont 1,2 milliard USD pour le projet hydroélectrique de Souapiti et 650 millions USD pour financer des projets d’infrastructure prioritaires (énergie, transports et éducation). En plus, la convergence fiscale et monétaire de la CEDEAO qui fait force de Loi oblige la Guinée à être en dessous de certain seuils.

« Avec une incertitude quant aux prochaines élections législatives et présidentielles d’ici à 2020, la Guinée présente un risque « géopolitique » élevé malgré le discours optimiste du gouvernement guinéen. L’inefficacité des services techniques de l’administration et le déficit d’infrastructures dû à la mauvaise exécution des projets et le chevauchement de compétence des différents ministères sont tous des facteurs qui rendent les investisseurs nerveux et que le gouvernement devrait s’attaquer à redresser le plus tôt que possible », constatent les observateurs.

A suivre …

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