Médicalement, l’hypothèse selon laquelle une femme allaitante qui contracte une grossesse avant le premier anniversaire de son nourrisson expose celui-ci à la dénutrition n’est pas avérée, selon nos informations. De nos jours, plusieurs femmes qui tombent enceintes pendant l’allaitement perdent la considération et le soutien de leurs familles. Ce qui n’est pas sans conséquence dans le foyer. Nous assistons parfois à la stigmatisation et autres comportements désagréables envers la femme. Ainsi, dans notre enquête, trois femmes sur cinq interrogées nous ont dit avoir perdu leur domicile et parfois sont blâmées à la place de leurs époux. De plus, deux sur trois femmes contactées par notre reporter disent avoir perdu leur grossesse en cours à cause du stress dû à leur stigmatisation par la société.
C’est le cas de Mme Bangoura F. par exemple. Elle nous a dit avoir été congédiée par sa belle-famille à trois mois de grossesse pour être tombée enceinte de son deuxième enfant à seulement deux ans après son mariage. Son enfant lui a été retiré, et aujourd’hui, elle est traitée comme une « paria » et insultée par son entourage.
Ainsi, pour élucider cette problématique, notre rédaction est allée à la rencontre de Faya Xanvier Mamadounou, nutritionniste. Selon lui, du point de vue nutritionnel, une mère qui allaite et qui tombe enceinte peut et doit continuer à allaiter son bébé au lait maternel jusqu’à cinq mois de la grossesse en cours, sans risque de dénutrition pour l’enfant.
« Ces femmes pensent souvent à tort que le lait maternel est altéré, alors que ce n’est pas le cas. Jusqu’à cinq mois de la nouvelle grossesse, voire au-delà, le lait maternel conserve sa valeur nutritionnelle. La femme peut continuer d’allaiter son bébé jusqu’à ce que la grossesse atteigne sept mois. Généralement, on conseille que la femme cesse d’allaiter à partir du moment où la grossesse atteint cinq mois. Cependant, cela dépend aussi de la fatigue et d’autres facteurs, et il est normal que l’enfant puisse continuer de bénéficier du lait maternel même lorsque la maman est enceinte », explique le nutritionniste.
Alors, pourquoi la plupart des enfants dans cette situation sont-ils victimes de perte de poids, de diarrhée et de retard de croissance ?
Dans nos sociétés d’aujourd’hui, les enseignements sont tels que les parents et les voisins des mères allaitantes pensent pouvoir reconnaître si elles ont contracté une nouvelle grossesse en observant les enfants. Lorsqu’un bébé de moins d’un an souffre de diarrhée sévère, perd du poids, présente un ventre ballonné ou un retard de croissance, les autres femmes en déduisent que la maman continue d’allaiter avec du lait « inapproprié ». Selon le nutritionniste, ces symptômes n’ont rien à voir avec le lait ou la nouvelle grossesse.
Selon notre interlocuteur : « Il y a un manque criant d’informations dans nos sociétés sur ce sujet. Les femmes qui allaitent et qui tombent enceintes devraient idéalement consulter leur médecin, qui pourrait les préparer à la situation qu’elles s’apprêtent à vivre. Il faut veiller à garantir les besoins nutritionnels de la femme et à maintenir des règles d’hygiène strictes. Le manque d’hygiène peut entraîner des problèmes tels que la diarrhée chez l’enfant, sans que cela n’ait quoi que ce soit à voir avec le lait maternel. De plus, il est essentiel de préparer la femme sur le plan psychologique, car la production du lait maternel est fortement influencée par l’état émotionnel de la mère. Si une femme pense que nourrir son enfant avec son lait peut provoquer des problèmes, cela peut avoir un impact réel sur l’enfant. »
Quel est le mode nutritionnel adéquat pour garantir l’épanouissement de la femme allaitante, du nourrisson et du fœtus ?
Bien que le lait maternel soit l’aliment le mieux adapté pour les nourrissons de 0 à six mois, il est important de préciser qu’un mode nutritionnel approprié est nécessaire pour assurer la croissance adéquate du nourrisson et l’épanouissement du fœtus lorsque la mère est enceinte. Selon le nutritionniste, l’alimentation de la femme doit se baser sur trois groupes d’aliments :
Les aliments qui apportent de l’énergie à la mère, tels que les céréales, les tubercules, le pain, et les aliments riches en matières grasses.
Les aliments qui contribuent à la croissance du fœtus, comme la viande, le poisson, les œufs, les produits laitiers, les haricots, le soumbala et le sésame.
Les aliments qui assurent la protection du nourrisson, comme les fruits et légumes.
« Ces trois groupes d’aliments doivent être présents dans l’assiette de la maman à chaque repas. Il est également important de maintenir une fréquence de repas régulière, avec trois repas principaux (matin, midi et soir), et deux collations (à 10h et à 16h) étant donné que la femme est déjà enceinte et allaitante. Cette approche nutritionnelle peut aider la femme à satisfaire ses besoins nutritionnels et contribuer à un épanouissement optimal de sa grossesse« , a-t-il soutenu.
Par ailleurs, le nutritionniste souligne l’importance de s’assumer dans cette situation. « Nous vivons dans une société où les jugements sont rapides. Être enceinte tout en allaitant peut entraîner des préjugés, mais il est essentiel de s’assumer. La sexualité joue un rôle important dans le couple, et c’est avec votre partenaire que vous avez choisi d’avoir des enfants. Il est crucial de bien s’alimenter, d’attendre le prochain enfant en dépit des commentaires négatifs, car ce sont vos enfants et ils seront là pour vous soutenir un jour« , a conclu le médecin.