Sonné sans doute par le retrait des institutions africaines, notamment la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif) et l’Union Africaine (Ua), du processus électoral, le président Alpha Condé a décidé in extremis de reporter sine die le double scrutin. Un report qu’il compte certainement mettre à profit pour ripoliner son image, sérieusement écornée par le saut dans l’inconnu que constitue ce double scrutin, boycotté par l’opposition.
C’est dans un discours nébuleux, ânonné sur le petit écran de la télévision nationale, vendredi, que le président de la République a annoncé le report du double scrutin des législatives couplées au référendum, initialement prévu ce dimanche 1er mars. Ce report sine die de ce vote controversé, a fait l’effet d’une douche froide chez les militants de la majorité présidentielle.
Dans son discours laconique, Alpha Condé joue les historiens, et va jusqu’à confondre le destin de son pays avec celui de la lutte menée par certains de ses prédécesseurs, pour la souveraineté du continent.
Ainsi il commencera par rappeler que « la Guinée a été depuis 1958 parmi les champions du panafricanisme. Nous savons le sacrifice que notre pays a consenti pour soutenir le mouvement de libération. L’armée guinéenne a vaillamment participé à la libération de nos frères de Guinée Bissau. Rappelez-vous que le Président défunt Lansana Conté dirigeait le contingent guinéen à partir de Boké. Le MPLA a été fondé en Guinée. Le Président Mandela et son frère Mbeki ont eu l’entrainement militaire à Kindia. Nous avons assisté nos frères d’Angola, du Mozambique et du Congo », a-t-il égrené. Avant d’évoquer dans la foulée des contingences sous régionales voire régionales pour justifier cet ajournement de ces joutes électorales.
« Donc, c’est par responsabilité nationale et sous régionale que nous avons accepté un léger report de la date des élections. Ce n’est ni une capitulation, ni une reculade, mais la fidélité à ce qu’a été la Guinée hier, de ce qu’elle est aujourd’hui, et ce qu’elle sera demain. N’oubliez pas que dans la nouvelle Constitution, nous avons écrit que la Guinée est prête à se fondre dans un ensemble plus vaste. Voilà donc pourquoi nous devons toujours rester dans le cadre de la CEDEAO et de l’Union africaine », a-t-il clamé.
Ce rétropédalage du chef de l’État est la preuve que la Guinée ne peut se payer le luxe de vivre en autarcie. Il a certainement compris qu’il faut prêter une oreille attentive aux interpellations des institutions du continent mais aussi à l’appel des partenaires étrangers. Au lieu de passer son temps simplement à flatter la fibre nationaliste de son électorat, dans le seul but de faire passer son projet de référendum.
Alpha Condé aura donc compris, pendant qu’il est encore temps, qu’aller en l’état à ces élections serait suicidaire. D’où cet appel du pied à l’endroit de la Cédéao et de l’Oif.
Dans son courrier adressé à cet effet au président en exercice de la Cédéao, Alpha Condé sollicite l’expertise de l’institution régionale pour lever l’équivoque sur le caractère sulfureux du fichier électoral. Et pour purger le contentieux autour des deux millions 400 mille électeurs dont la présence dans le dit fichier a été dénoncée par l’Organisation internationale de la Francophonie.
La seule ombre au tableau dans cette sortie présidentielle, porte sur le fait que le président continue de faire fi du caractère inclusif des élections. Malgré les recommandations des Etats-Unis, de l’UE, du Royaume Uni et des institutions du continent. Qui, il faut le rappeler, ce sont toutes accorder sur le fait que l’issue de cette crise dépendra du caractère inclusif des élections et de leurs transparences.
Persister dans l’exclusion des principaux acteurs de l’opposition ne fera que jeter davantage de l’huile sur le feu, et galvaniser l’ardeur du Front national pour la défense de la constitution (Fndc). Cette plateforme ne croit d’ailleurs pas à la bonne foi du président. Le Front voit derrière ce report un simple calcul politique. Pour Sano et ses pairs, la seule alternative à cette crise serait dorénavant le départ du chef de l’exécutif. Les détracteurs du mouvement se trouvant dans le camp adverse, prétendent que c’est prétentieux de la part du Fndc de faire une telle injonction à Alpha Condé.
En tout état de cause, le président devra, s’il veut sortir son pays de cette impasse, lâcher du lest, en faisant des concessions. Cela devra passer inéluctablement par l’ouverture d’un dialogue avec ses opposants.
Sinon ce report du vote ne sera qu’une simple fuite en avant, destinée à faire du dilatoire, en vue de revenir dans les bonnes grâces de la Cédéao et de l’UA, dont la caution est indispensable pour le régime de Conakry, dans son entreprise périlleuse.