Le chef de l’Etat a officié le dimanche 22 avril, au palais du peuple, la cérémonie de clôture du mandat de Conakry, capitale mondiale du livre. Une cérémonie au cours de laquelle Alpha Condé a manifestement exprimé sa volonté de faire de Conakry, la capitale africaine du livre. Ce, avec l’aide de l’Unesco et de la Francophonie.
Un challenge dont l’accomplissement passe, selon le chef de l’Exécutif guinéen, par ce qui suit : « si nous voulons être la capitale africaine du livre, faut-il permettre à tous les Guinéens d’avoir accès à la culture, à la lecture. Pour cela, il a manqué une chose au commissaire: des livres en langues nationales. Parce que la majorité de notre peuple n’a pas accès à la langue française. Si nous voulons donc que la lecture se développe, il faut que nous fabriquions les livres en langues nationales. Car, les citoyens maitrisant très bien leurs langues, s’ils ont l’alphabet, il leur est facile d’avoir accès aux écrits les plus compliqués et aux sciences.»
Poursuivant, le locataire de Sékhoutouréya a indiqué qu’il va falloir faire des livres en langues nationales pour faciliter l’accès à la culture et la compréhension des ouvrages pour les Guinéens n’ayant pas eu la chance d’être scolarisés.
Mais à lire entre ces lignes, l’on s’aperçoit clairement que le discours du président de la République ne tient pas la route. Puisque dans un passé relativement récent, le chef de l’Etat avait créé et meublé un département ministériel sous l’appellation de : ‘‘ministère de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales’’. Un ministère qui a été dirigé par le syndicaliste feu Bamba Camara.
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Peu après, l’Alphabétisation a été combinée au Pré-universitaire, la Promotion des Langues Nationales a sauté et son ministre mis à la touche. La question qui se pose est celle de savoir pourquoi l’institution de ce département n’a été qu’un feu de paille pour ne pas dire un mort-né ? Allez le savoir auprès des porteurs de boubous amidonnés et autres costumes.
L’opinion publique concède au président de la République le pouvoir discrétionnaire de mettre et de démettre qui il veut, quand ça lui plait. Ce qui sous-tend que la logique dans laquelle s’inscrit ce discours d’Alpha Condé devrait se matérialiser par la mise en place d’une institution en charge de la vulgarisation des langues nationales.
Et puis d’ailleurs, cette prétendue politique de promotion des langues nationales aura quelle chance de prospérer dans un pays où chacun se recroqueville derrière son ethnie, où chacun s’estime supérieur à l’autre qui n’est pas de même interlocuteur que lui ? Ce repli identitaire ne constitue-t-il pas un frein à l’unité nationale ? Car, l’on n’a pas besoin d’être linguiste pour s’apercevoir jusqu’où la langue reste un élément unificateur. En plus de cette vertu, la langue n’appartient qu’à celui qui la parle.
Ceci dit, il revient au président Condé d’œuvrer dans le sens de faire la promotion de ces langues, même si on ne sait pas encore avec quel alphabet elles seront écrites. L’alphabet N’ko qui devrait bien servir le pays étant désormais vu sous un angle ethnique. Or, feu Elhadj Solomana Kanté -qui l’a inventé- a déclaré qu’au-delà des visions réductionnistes, le N’ko n’est pas une langue, mais une écriture. Donc, un alphabet. Hélas ! Cet alphabet profite beaucoup plus à d’autres peuples qu’aux Guinéens.
A la lumière de ce qui précède, la balle est dans le camp d’Alpha Condé, même s’il est à moins de 3 ans de son mandat constitutionnel. L’Etat se situant dans la continuité.